Monsieur le Directeur Général « entrant »,
En réaction au mouvement de grève en cours à la DGID, éperonné par le souci de rassurer l’autorité centrale, vous vous êtes fendu d’un communiqué, largement relayé sur les réseaux sociaux et par les organes de presse, tentant de minimiser le mouvement d’humeur déclenché par le Syndicat Autonome des Agents des Impôts et Domaines (SAID) en accusant ce dernier d’agiter « subitement » l’épouvantail du désordre.
TRIBUNE – Contrairement à vos intentions, ce communiqué s’analyse en une série d’aveux. Or, l’aveu est la reine des preuves.
• Un aveu d’échecs :
Considérer que l’on est responsable du climat social qu’à partir de sa prise de service en tant que Directeur Général, se ranger derrière un défaut de réception de plateforme revendicative depuis sa nomination pour justifier son inaction face à un climat social tendu, c’est méconnaître le principe de continuité de l’administration. Ni la DGID ni le SAID n’ont commencé à exister depuis votre nomination.
L’activité syndicale, tout comme le service public, transcende la tête des personnes qui en incarnent la direction.
Le SAID a toujours été un syndicat responsable et ouvert au dialogue. Pour preuve, la seule rencontre qu’il y a eue entre le BEN et vous a été à notre initiative.
L’attitude responsable du BEN transparait également dans la démarche graduelle adoptée pour la mise en œuvre de notre plan d’actions, la mise en différé ou même l’allègement de certaines résolutions votées en Assemblée Générale.
C’est faux de dire que ce mouvement a été déclenché « subitement » à une échéance clé pour paralyser l’administration et ralentir la mobilisation des ressources. Déclencher une grève de manière subite relève d’une impossibilité matérielle et juridique et le dire, pour une autorité de votre trempe, témoigne soit de votre méconnaissance des règles élémentaires de l’activité syndicale, soit d’une volonté de verser dans la manipulation ou la désinformation, soit d’une mauvaise foi manifeste. En effet, l’exigence de respect des délais de préavis à observer et la nécessité d’entreprendre des démarches pour la mobilisation de notre base vous ont donné suffisamment de temps pour asseoir une dynamique de concertation qui pouvait aboutir à éviter cette grève totale.
Les multiples reports de mots d’ordre (qui parfois même nous ont valu des critiques acerbes de notre base) sont par ailleurs une autre preuve de responsabilité et de sérénité dans notre démarche et un indicateur pertinent qui renseigne sur le fait que le BEN du SAID a toujours privilégié la voie du dialogue à celle de la confrontation.
A vrai dire, insinuer la précipitation du mot d’ordre relève d’une manœuvre de votre part tendant à semer le doute dans l’esprit des collègues sur la légalité du mouvement en cours. C’est peine perdue, les agents de la DGID sont très au fait de leurs obligations et de leurs droits. Pour sa part, le SAID a toujours respecté les règles juridiques qui président à l’exercice de la liberté syndicale et du droit de grève avec notamment le dépôt d’un préavis auprès de l’autorité compétente.
Au demeurant, il aurait mieux fallu, pour un DG entrant, tendre la main à toutes les parties prenantes de la DGID dès sa nomination que de s’enfermer dans sa tour d’Ivoire attendant que les organisations syndicales demandent des audiences. Vous ne l’avez pas fait.
Vous entendre reconnaitre, quatre (4) mois après votre nomination, que vous n’avez reçu les partenaires sociaux qu’une fois sous leur demande témoigne à suffisance de l’état d’esprit des autorités de la DGID.
L’occasion vous a été donnée de vous rattraper avec d’abord la survenance de ce mouvement d’humeur puis avec l’élaboration du document portant cadre de management des services et la formulation des projets et programmes qui devraient guider l’action de la DGID sur les prochaines années. Vous avez préféré ne pas inclure le SAID dans votre démarche. Nous en prenons acte.
Est-il nécessaire de vous rappeler que la DGID de 2023, après avoir recouvré 2000 milliards au titre de l’exercice 2022, se trouve dans l’incapacité de doter ses agents en matériels ou mobiliers, en bureaux, en véhicules ou carburant, climatiseurs, etc. Parfois c’est du simple papier ou des enveloppes qui bloquent le travail.
Ainsi, beaucoup de nos collègues se retrouvent dans des pièces exiguës où occupants et visiteurs se trouvent constamment incommodés par un remugle. Certains n’ont tout simplement pas de bureaux. Les recrutements tous azimuts, sans cohérence aucune, et la mauvaise répartition géographique du personnel en place viennent aggraver cette situation en amenant certains collègues à s’entasser dans les bureaux.
Les endroits qui abritent les CSF de Kolda et de Fatick sont une honte pour toute la DGID. Le service cadastral de Diourbel est logé dans un bâtiment datant de l’époque coloniale et des toilettes dont l’état et notamment l’odeur pestilentielle donne l’image d’un haras abandonné. Les multiples alertes de la protection civile sur les risques qu’encourent certains collègues en restant dans ces locaux ne semblent pas vous inquiéter outre mesure.
Pendant ce temps, on est paradoxalement en train de doter certains services de matériels qu’ils sont incapables de déployer faute d’espace.
Les collègues du CSF de Louga ont eu du mal cette semaine à imprimer les déclarations, tandis qu’au centre des Parcelles Assainies, des agents passent leur temps à redémarrer une imprimante mal en point ; mais vous préférez rassurer l’autorité que les recettes ne sont pas compromises par la grève. Nous en prenons bonne note.
Justement, sur la question du plan de carrière, il convient de vous rappeler ou même vous informer (comme il semble que votre vision et responsabilité à la DGID ont commencé depuis quatre mois) que le SAID, après une grève totale en 2014 sur la question, avait signé un protocole d’accord avec le Ministre des finances. Dans ledit accord., le Ministère s’était engagé à prendre des mesures communes avec le SAID notamment l’institution de comités sur le plan de carrière dont les recommandations devaient être mises en œuvre sans délai.
Les comités mis en place ont transmis les rapports à la Direction générale après que toutes les parties prenantes se soient prononcées de façon individuelle à la suite des lettres de transmission respectivement n° 997/MEFP/DGID du 30 octobre 2017 et 584/MEFP/DGID/DAP du 08 juin 2018.
Dans le cadre d’une démarche inclusive à la diligence du SAID, s’est tenu en septembre 2019 un séminaire regroupant les bureaux ou représentants du SAID, de l’AIIDS, de l’ACONIDS, de l’A3ID, de l’Amicale des informaticiens, de l’Amicale du Cadastre à l’effet de susciter des observations communes sur les rapports des deux comités.
En dépit de ce long processus consensuel de maturation, le SAID constate pour déplorer que la question des ressources humaines est continuellement différée au profit de réformes des structures sans fin ; que la gestion du personnel relève d’exercice immodéré de démonstration d’un pouvoir discrétionnaire au moment où tous les outils d’un management efficace des ressources humaines sont sur votre table et n’attendent que d’être opérationnalisés. Nonobstant cet état de fait, vous ne semblez être préoccupé que par les questions de recettes et de sauvegarde de votre fauteuil.
Or, ravaler la DGID à une simple mission de recettes c’est avoir une vision très réductrice de notre administration. Se prévaloir de l’informatisation au niveau des centres spécialisés pour ne pas reconnaître l’effet d’une grève, c’est manquer de respect et de considération aux collègues dans les autres centres et aux contribuables qui dépendent de ces services. Le message étant alors de leur dire vous pouvez faire la grève autant que vous pouvez, je ne compte pas sur vous, les recettes sont déjà sécurisées.
La délivrance optimale du service public dans un environnement serein et dans des conditions optimales ne semble pas autant vous intéresser à première vue d’œil.
La DGID qui octroie une subvention d’un milliard à la mutuelle des agents est incapable d’avoir un siège moderne digne de ce nom et pouvant accueillir convenablement agents et contribuables dans un cadre moderne. Chez nous, on préfère, tous les ans, remettre de nouvelles couches de peinture et de carreaux pour se convaincre qu’à la DGID tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles.
• Aveu d’impuissance :
Ce communiqué constitue par ailleurs un aveu d’impuissance ; vous semblez n’avoir aucune maitrise de la situation et aucune solution à proposer pour satisfaire les revendications légitimes du SAID.
La première personne qui devait se sentir outrée par l’arrestation du collègue Bassirou dans les locaux de la DGID et le comportement irrespectueux des agents de police venus le chercher devrait être raisonnablement le Directeur Général. Au moment où on a vu le DG de la douane monter au créneau et prendre la défense d’un de ses agents, vous avez préféré, vous et votre équipe, vous ranger derrière un silence assourdissant et accuser pitoyablement le syndicat qui a pris en main ce problème depuis le début. Cette attitude démontre à suffisance que pour préserver notre dignité et sauvegarder le respect dû à l’agent des impôts et domaines, nous devons nous battre nous-mêmes. Ceux qui devaient constituer nos remparts semblent se débiner.
Pire, raviver et instrumentaliser un syndicat moribond, dont les membres même s’interrogent de son existence actuelle, pour tenter de discréditer le mouvement à travers des sorties médiatiques intempestives d’un leader syndical en perte de vitesse et hors du cadre de la DGID, relève de stratégies moyenâgeuses qu’on croyait révolues au sein de notre administration.
Commanditer des publi-reportages taillés sur mesure dans certaines télévisions de la place n’a fait que montrer toute votre peine à maquiller la réalité.
Nous ne pourrons pas conclure sans vous préciser, Monsieur le Directeur Général, à vous et à vos autorités, que nous ne saurons être plus soucieux et plus responsables que vous et nous ne comptons pas nous substituer à vous dans le rôle de garant d’un climat social apaisé au sein de la DGID. En rompant le fil du dialogue, en communiquant par presse interposée et en tentant de minimiser les impacts du mouvement d’humeur, vous avez opté publiquement pour une stratégie du pourrissement. Nous en prenons acte et nous apporterons les réponses syndicales appropriées à de tels agissements.
Veuillez recevoir, Monsieur le Directeur général « entrant », l’expression de nos salutations les plus cordiales.
Par le Bureau Exécutif National
Maderpost