C’est une autre voix autorisée qui se prononce sur l’affaire Astou Sokhna, mais surtout au-delà, le système de santé lui-même. Pr Abdoul Kane constate d’abord que « ce qui a été fait jusqu’ici n’a pas été couronné de succès par rapport à l’argent qui a été mis » dans le secteur. Au micro de iRadio, le cardiologue appelle à un « audit exhaustif et sans complaisance » du système. Pr ABDOUL KANE – La Coalition pour la santé et l’action sociale a sorti un communiqué pour parler de la situation qu’on vit aujourd’hui avec la guéguerre entre les médecins et les patients, de façon générale la crise de la santé au Sénégal. Pourquoi ? Il est vrai que ce ne sera pas la première fois qu’on relève des drames dans nos structures de santé. Ce ne sera pas non plus la première fois que les populations expriment ce ressenti sur les nombreux dysfonctionnements de notre système sanitaire. Ce qui, pour nous, est une réalité reconnue par une frange importante de nos populations qui vivent beaucoup de pénibles épisodes dans nos structures de soins. Mais, nous avons l’impression que cette crise est particulière parce qu’elle cristallise différentes entités dans une dynamique qui, hélas, pourrait ne pas être celle qui doit appeler à la sérénité qui sied. Les pouvoirs publics ont eu à faire, dans un premier temps, des sorties qui peuvent être par endroit malencontreuses puisqu’ayant très rapidement jugé alors que le droit n’a pas encore été dit. Bien entendu, ceci a entraîné une crispation au sein des professionnelles de santé qui ont eu cette impression qu’on les jetait en pâture. Et, on voit aujourd’hui qu’ils sont sur leurs gardes et pensent qu’il faut d’abord permettre à la justice de dire le droit en toute sérénité. Pour vous, qu’est-ce qui doit être mis en avant ? Ce qui, pour moi, est le plus important, c’est surtout la souffrance des nombreuses familles et des populations qui ont connu des drames similaires dans nos hôpitaux. Pour moi, c’est cette souffrance qu’il faut écouter et entendre. C’est d’abord permettre à ce que la famille d’Astou Sokhna puisse faire son deuil en toute sérénité. Mais, c’est également, au-delà de ce drame, que nous tous nous sachions que nous ne devons pas continuer à vouloir nous rejeter la balle. Chacun a sa part de responsabilité, l’État au plus haut niveau, qui n’a pas su construire un système hospitalier et de soins digne de ce que les populations doivent en attendre. Les soignants, qui sont certes héroïques et braves, par moments, et qui sont en droit de réclamer certains dus, doivent aussi faire une introspection parce que je pense que par rapport à l’éthique, nous devons beaucoup la renforcer à notre niveau. Je pense que le but de tout cela, c’est une réelle refondation de notre système de santé pour qu’enfin, les populations sénégalaises se sentent en sécurité. Faut-il aller à des assises du système de santé au Sénégal ? Le problème du Sénégal, c’est que le terme ‘’états généraux’’ est presque galvaudé. Cela ne sera pas la première fois. Je pense qu’il est important aujourd’hui que l’on comprenne que la cosmétique ne peut pas perdurer. Pendant longtemps, on a parlé des prouesses qui ont été réalisées mais le résultat est là. Cela veut dire qu’il faut quand même une volonté, qu’on sente cette vision qui change. Il faut que les paradigmes changent. Il faut déjà qu’on sache que ce qui a été fait jusqu’ici n’a pas été couronné de succès, en tout cas pas aussi efficient par rapport à l’argent qui a été mis. Si on veut, on peut l’appeler ainsi mais je pense que c’est surtout prendre conscience au plus haut niveau qu’il faut changer d’approche, de vision. Une fois que ceci est fait, peut-être qu’on peut avancer vers ce qu’on pourrait appeler des assises. Mais, ce qui est le plus important, c’est que vraiment, pour une fois, des solutions concrètes puissent être apportées et (elles) doivent aussi partir d’un audit exhaustif et sans complaisance de pourquoi cela n’a pas marché jusqu’ici. Et, surtout que les responsabilités souvent partagées aussi bien de l’État, des administrateurs de nos systèmes de santé, de nos ministères de la Santé mais également de nous soignants, du rôle qu’on a pu jouer pour que les choses ne marchent pas. Maderpost / Emedia ]]>
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