Les réseaux criminels ont profité de la ruée de la population vers la chloroquine en raison de ses propriétés dans le traitement de la covid-19 pour inonder le marché sénégalais de versions falsifiées de ce médicament.
SANTE – Cette situation pourrait entraîner de graves problèmes de santé publique au Sénégal.
Les réseaux criminels profitent du battage médiatique créé sur les propriétés de la chloroquine dans le traitement de la covid-19 pour alimenter le Sénégal en faux médicaments. C’est ce que révèle une enquête réalisée par Mouhamadou Kane, consultant en recherche pour le compte du projet de renforcement de la réponse de l’Afrique à la criminalité transnationale organisée (ENACT).
Utilisée auparavant sous le nom commercial Nivaquine pour prévenir et guérir le paludisme en Afrique, la chloroquine est aujourd’hui très demandée au Sénégal et plus particulièrement dans la capitale, Dakar. Cette pression sur ce médicament fait suite aux rapports du célèbre microbiologiste français Didier Raoult et des scientifiques chinois concernant son efficacité dans le traitement de la covid-19. Une utilisation validée par la suite par le professeur Moussa Seydi, chef du service des maladies infectieuses de l’hôpital universitaire Fann de Dakar.
En vue donc de prévenir toute ruée vers la chloroquine, le gouvernement du Sénégal a réquisitionné toute la chloroquine disponible auprès des laboratoires privés. Une opportunité dont se sont saisis les réseaux criminels pour développer « une économie parallèle en trafiquant et en vendant une version inférieure de la chloroquine ».
D’après l’enquête, les réseaux criminels profitent des échanges commerciaux entre le Sénégal et la Guinée, car les camions transportant des marchandises sont exemptés des restrictions de voyage. La chloroquine contrefaite est introduite en contrebande au Sénégal par des chauffeurs routiers transportant des fruits de Guinée.
Ainsi, le nombre de personnes qui utilisent et qui achètent sur le marché noir la fausse chloroquine, dont le nirupquin, une forme contrefaite de chloroquine fabriquée à Mumbai, en Inde, a considérablement augmenté ces derniers mois, souligne l’enquête. « La ruée vers la chloroquine a entraîné une forte hausse de son prix sur le marché noir. Avant l’épidémie de covid-19, un comprimé de Nirupquin se vendait à 250 FCFA (0,40 $). Maintenant, il coûte 1500 FCFA (2,40 $). Une boîte de 100 comprimés vendus à 6000 FCFA (10 $) coûte actuellement environ 20 000 FCFA (33 $) sur le marché noir.»
Les riches et les pauvres achètent le médicament. Certains clients ne savent pas que le médicament qu’ils achètent est faux, fait savoir l’enquête. « Beaucoup de gens achètent le médicament pensant qu’il peut prévenir le coronavirus et se soigner à la maison, car de nombreux patients covid-19 refusent d’aller à l’hôpital en raison de la stigmatisation liée à la maladie », explique le professeur Moussa Seydi.
Dans tous les cas, il a des effets secondaires potentiellement mortels pour les utilisateurs. Les faux médicaments provoquent non seulement des maladies cardiovasculaires et une insuffisance rénale chronique, mais peuvent également « provoquer une résistance à la lutte contre des maladies comme le paludisme », explique l’OMS.
Et à moins que le gouvernement ne prenne des mesures urgentes contre la vente illicite de fausse chloroquine, l’automédication pourrait entraîner de graves problèmes de santé publique au Sénégal.
Maderpost / IGFM