A la suite bilan du la saison touristique 2023/2024 fait par Mountaga Diao, ministre du Tourisme et de l’Artisanat au Conseil des ministres du 5 juin, des spécialistes attendent des nouvelles autorités un changement de paradigme dans le secteur dont le Président Léopold Sédar Senghor a écrit les lettres de noblesse de 1966 à 1976.
TOURISME – « Le tourisme sénégalais a atteint en 10 ans, de 1966 à 1976, sous Léopold Sédar Senghor des chiffres records qui n’ont pas été réalisés en 24 ans sous Me Abdoulaye Wade et Macky Sall », indique, sous le charme du premier président de la République, Mouhamed Faouzou Dème sur le plateau de Kpital, l’émission économique hebdomadaire de Mader tv dont le thème portait sur : « Tourisme : quelles orientations du nouveau gouvernement pour les défis de l’heure », après le bilan du secteur par le ministre Mountaga Diao lors du Conseil des ministres le 5 juin 2024.
Léopold Sédar Senghor VRP irremplaçable du tourisme
Sous Léopold Sédar Senghor, « qui avait fait du tourisme sénégalais une invitation au monde à le rejoindre via la culture sénégalaise qu’il transportait par devers lui partout où il se rendait sur la planète », des millions de touristes ont débarqué chaque année à Dakar, après le premier Festival mondial des arts nègres en 1966.
« Et pour cause, Senghor était le premier vendeur de la destination Sénégal avec un grand D et des autres destinations régionales avec petit d. Parce que Senghor avait compris que le tourisme est transversal et qu’il doit se reposer d’abord sur la culture sénégalaise, ensuite son histoire, ses offres balnéaires, ses sites, ses parcs forestiers, le sport, etc. C’est pour cela qu’il voyageait toujours avec des artistes », explique M. Dème.
Comme pour lui donner raison, le site suisse droits-humains-geneve.info écrivait en 2010 : « Après un essor considérable dans le passé, le tourisme au Sénégal a fortement régressé. Selon les statistiques, ce pays qui accueillait à lui seul neuf millions de touristes par an, dans les années 1970, n’en reçoit plus que 450.000 aujourd’hui ».
Faut-il rappeler que pour Senghor, « la culture est au début et à la fin de tout développement ».
Me Wade libéral non féru de tourisme
Contrairement à son illustre prédécesseur, Me Abdoulaye Wade ne mise pas sur le tourisme pour des « raisons économiques ».
« Je n’y crois pas » dira-t-il dans une de ses sorties. « Il avait ses raisons et je suis d’accord avec lui » dit le même M. Dème selon lequel le troisième président de la République, en bon libéral, ne voulait pas financer un secteur « quasiment entièrement entre les mains de professionnels étrangers » dont toutes les commandes se faisaient dans leurs pays d’origines au détriment de l’offre nationale.
Pour le libéral Wade, le secteur privé sénégalais devait investir le secteur en posant les termes d’une appropriation.
Cette prise de conscience impulsée par le Président Wade amènera effectivement le monde des affaires sénégalais à investir dans le secteur avec plus ou moins de bonheur pour ne pas dire avec moins de réussite.
Les raisons sont à trouver dans des problèmes de gouvernance, la dégradation de sites, l’avancée de la mer, les effets pervers des stations balnéaires de la petite côte, une augmentation de résidences secondaires non répertoriée, l’enracinement du conflit casamançais, l’accroissement du taux de criminalité, l’insécurité et le djihadisme qui feront déplacer le rallye Dakar, la vétusté du transport, les recommandations défavorables des gouvernements des touristes concernant la destination Sénégal, entre autres.
L’image ternie du Sénégal
Au titre de l’insécurité, le gouvernement canadien invite ses ressortissants à la prudence sur le site voyage.gc.ca sur la destination Sénégal.
« Faites preuve d’une grande prudence au Sénégal en raison du taux de criminalité », dit le site dont la dernière mise à jour date du… 5 juin 2024.
A propos de la région de la Casamance et des régions frontalières, le même site de noter que le conflit en Casamance « se caractérise historiquement par des accrochages et affrontements entre militaires et groupes rebelles. Aux périodes de calme relatif succèdent des périodes de conflit alimentées par des explosions de mines, des attaques directes ou indirectes, des braquages et des attaques contre des commerces ou des villages ».
Les groupes rebelles opèrent, de façon sporadique, sur les axes routiers (souvent fermés la nuit) et les localités proches des frontières avec la Gambie et la Guinée‑Bissau. On trouve des mines antipersonnel, antichar et des munitions explosives non explosées dans de nombreuses zones (Nord Sindian, Niassya, Sud Oussouye, Niaguis), écrit-il.
« Ne vous déplacez par voie terrestre que pendant le jour. Empruntez les routes principales. Circulez de préférence en convoi. Faites affaire avec des organisateurs de voyages ou des transporteurs réputés. Les régions jouxtant les frontières avec le Mali et la Mauritanie présentent des risques, car elles peuvent abriter des éléments extérieurs en raison de la porosité des frontières. », prévient encore le site notant par ailleurs :
« Les grèves et les manifestations sont courantes dans les grandes villes. Même les manifestations qui se veulent pacifiques peuvent soudainement donner lieu à des actes de violence. Elles peuvent aussi grandement perturber la circulation et les transports publics. »
Concernant le terrorisme, « Le Sénégal n’a pas subi d’attaques terroristes récemment. Toutefois, dans le contexte de la menace terroriste régionale qui pèse sur les pays d’Afrique de l’Ouest, y compris le Sénégal, des attentats pourraient avoir lieu à tout moment. Les endroits suivants pourraient être ciblés : les édifices gouvernementaux, y compris les écoles ; les lieux de culte ; les aéroports, ainsi que d’autres plaques tournantes et réseaux de transport ; les endroits publics comme les attractions touristiques, les restaurants, les bars, les cafés, les centres commerciaux, les marchés, les hôtels et autres lieux fréquentés par les étrangers ».
« Soyez toujours sur vos gardes lorsque vous vous trouvez dans des lieux publics », ponctue-t-il. Si ce n’est dire tout le travail de déconstruction d’une image aux effets dévastateurs qui est plus est dans une concurrence d’offres sous-régionales soutenues et compétitives qui attend les nouvelles autorités. La connaissance de tels aprioris de gouvernement sur la Destination Sénégal invite à la retenue, voire une prise de conscience globale pour inverser la tendance et changer ces perceptions défavorables à ladite destination probablement partagées ailleurs dans le monde.
S’ajoute de plus, les coûts élevés de construction, (ciment, fer, bétons), de production (électricité, eau, hydrocarbure), de transports aériens (taxes aéroportuaires), de séjours, le déficit d’offres, le manque de contenus internationaux culturels, sportifs, etc., en dépit des réalisations du Président Wade, tel le Monument de la Renaissance, oui encore la Place du Souvenir Africain, le Grand Théâtre, celles du Président Macky Sall, notamment des stades, centres de conférences, infrastructures routières aux internationaux.
Le pari des nouvelles autorités
Deuxième mamelle de l’économie avec la pêche, le tourisme représentait en 2022, deux ans après le covid 19, près de 7% du PIB et environ 8% des emplois, selon le Conseil mondial du voyage et du tourisme.
Son retour au premier plan passe selon un acteur par une « économie nationale axée sur la transformation de ses matières premières, la baisse des coûts de productions et de construction, la multiplications de ports secondaires et de plaisance dans le Sud, le Nord et le Centre du pays, l’investissement ambitieux dans les chemins de fer, la réduction du coût de séjour et des transports aériens intérieurs, le renouvellement du parc taxis, la sécurité intérieure et aux frontières, des offres multiples et surtout la culture et la stabilité politique».
Selon la même source, les nouvelles autorités peuvent réaliser le pari du renouveau « à condition qu’elles développent une approche inclusive et fassent du tourisme, du commerce international avec plus d’exportation et de la technologie leurs défis. Le tourisme est transversal, on le trouve partout. L’essentiel est de donner des raisons aux étrangers et locaux de séjourner dans les hôtels et résidences secondaires répertoriées grâce à des offres plurielles, des transports routiers, aériens, ferroviaires et maritimes accessibles et confortables, la sécurité, etc. »
Pour Mouhamed Faouzou Dème et M. El Hadj Ndary Guèye, les nouvelles autorités devraient mettre en place des offices régionaux relevant d’un office national et non des gouverneurs, intégrer le tourisme dans la décentralisation et surtout faire appel aux spécialistes du secteur.
« Le tourisme sénégalais qui vit de ses acquis ne peut plus se contenter de sa longueur d’avance, il est rattrapé par la concurrence acharnée des voisins gambiens, caboverdiens et ghanéens », selon M. Gueye.
« Le pari est possible, mais le nouveau gouvernement doit comprendre que ce n’est pas avec de l’ancien qu’il fera du neuf », prévient pour sa part M. Dème.
Maderpost