Encore du racisme dans les stades ! Mike Maignan, le gardien français de l’AC Milan, a été la cible d’insultes racistes de la part des supporters d’Udinese, samedi 20 janvier 2024, le match a été arrêté une dizaine de minutes avant de reprendre.
RACISME – Dire que le racisme existe est une lapalissade. De plus en plus des actes de racismes sont notés dans divers secteurs de la société. Le football n’y échappe pas malgré les soi-disant mesures prises à cette encontre.
Plusieurs footballeurs et anciens footballeurs ont tenté, à leurs manières de faire face à cette pratique haineuse, voire barbare.
Lilian Thuram, champion du monde 1998 avec l’équipe de France, a mis en place, dès la fin de sa carrière sportive en 2008, la fondation Educative contre le racisme.
L’année suivante, il publie “Mes étoiles noires”, qu’il a enrichi avec l’historien Pascal Blanchard, pour en offrir une version illustrée.
Dans un entretien audiovisuel accordé à Rfi et exploité par Maderpost, le père de Marcus Thuram (attaquant de l’Inter Milan) livre ses convictions sur le racisme. In extenso ses explications.
La réalité que Lilian Thuram veut combattre, c’est celle du racisme
« L’histoire moderne s’est construite sur les hiérarchies selon la couleur de la peau. On a hiérarchisé les gens en disant que les personnes de couleur blanche étaient supérieures aux autres.
Et donc, questionner la catégorie blanche permet de repenser l’histoire et de percevoir en fait les systèmes politiques qui ont mené à ce suprématisme blanc. Par exemple, lorsque je suis dans les écoles, avec les enfants je leur dis : est- ce que vous connaissez Christophe Colomb ? Les enfants me disent oui, c’est celui qui a découvert l’Amérique.
Et donc je dis : imaginez que vous êtes sur le bateau, avec Christophe Colomb. Christophe Colomb arrive…Est-ce que vous voyez les gens sur la plage ? Parce que les gens sur la plage ne disent pas que Christophe Colomb a découvert l’Amérique. Ce qui est intéressant, c’est comment on a construit l’histoire, et est ce qu’on peut changer de point de vue ? »
« Petit à petit, je me suis construit des étoiles noires et ça a changé beaucoup de choses. Tout d’abord, ça m’a permis de comprendre qu’il y a une autre façon de raconter l’histoire. Et aussi ça m’a permis d’avoir une meilleure estime de moi-même ».
« Parce qu’on peut analyser l’image, on peut entrer dans l’image. Ça ouvre le livre à un public plus large. Les parents peuvent avoir les enfants à côté, leur montrer des images, décortiquer les images et leur faire comprendre certaines réalités ».
Creusant son sillon, Lilian Thuram a publié, en 2020, un livre dont le titre la PENSEE BLANCE a fait sursauter certains.
« Ces dernières années, nous commençons à questionner une catégorie qu’on ne questionnait jamais : la catégorie blanche. Ça crée des crispations parce qu’en règle générale, les personnes de couleur blanche ne se savent pas enfermées dans des catégories.
Très souvent, j’entends parler de la musique noire, de la littérature noire et donc je sais que je suis enfermé dans une catégorie. Et l’idée du questionnement des catégories, c’est pour qu’on puisse s’en sortir. Je pense que si vous voulez comprendre la société dans laquelle nous vivons, il faut connaitre l’histoire.
Je pense que c’est comme un individu : si vous voulez savoir qui je suis, il faut questionner mon histoire. Et donc questionner l’histoire, c’est construire un futur meilleur. Le racisme a une profondeur historique énorme. Donc je pense que mes enfants, que les enfants de mes enfants vont souffrir du racisme. Ce qui est très important, c’est la génération de mes enfants, la génération de mes petits-enfants travaillent pour l’égalité ».
Né en Guadeloupe, Lilian Thuram se rend volontiers en Afrique, un contient dont l’exploitation est à la source du racisme
« Si vous voulez comprendre le racisme qui touche les personnes noires, il faut comprendre la violence qui a été faite et qui est faite au continent africain.
Si vous voulez mettre en esclavage des personnes qui viennent du continent africain, il faut obligatoirement construire un discours qui va légitimer l’idée qu’ils ne sont pas des êtres humains comme les personnes blanches.
Cette propagande a duré des siècles, ça a fini par devenir culturel. Et le mépris des personnes noires est la chose la plus partagée au monde. Pour que le discours raciste prenne, il faut des politiques, il faut des intellectuels, il faut des moyens de communication qui, en répétant un certain discours, finissent par normaliser ce discours.
C’est pour cela qu’il faut dénoncer, décortiquer, analyser et ne jamais hésiter à dire que tout cela est faux et que tout cela va emmener à une certaine violence. Parce que lorsqu’il y a un discours raciste, sexiste ou homophobe, nous sommes en train de parler de violences. Il faut qu’on prenne conscience qu’en fait il y a plein de personnes qui meurent dans la méditerranée, et que ça ne choque personne. C’est la réalité du racisme.
C’est qu’en fait il y a des vies qui comptent moins que d’autres. Dans 50 ans, je pense que lorsqu’on va analyser la société dans laquelle nous vivons aujourd’hui, la génération du futur se posera la question : mais comment ils ont fait pour laisser faire ça, en fait ? ».
Maderpost / Mamadou Ba avec BAT