Il faut tenir compte de la personnalité de Ousmane Sonko qui occupe naturellement beaucoup d’espace, et du rôle qu’il a joué dans les mutations politiques de ces dernières années dans ce pays, pour comprendre, que quelle que soit la volonté de l’un ou de l’autre, il arrivera le jour où ils seront mis devant le fait accompli.
TRIBUNE – 1ère partie. Malgré la victoire honorable du camp de Pastef le pays n’est pas encore à l’abri des soubresauts politiques.
Ce qui s’est passé le 24 mars 2024 était plus qu’un vote, car on avait assisté à une révolte populaire, avec un peuple surexcité, qui tenait à sanctionner un pouvoir qui avait montré ses limites en matière gouvernance politique. C’est ainsi que les électeurs qui voulaient coûte que coûte le changement, s’étaient levés très tôt le matin, pour en découdre avec un régime qui avait bouclé ses douze ans de pouvoir. Le Sénégal est entré dans une nouvelle ère de sa trajectoire politique, et le pouvoir est désormais entre les mains de Diomaye Faye et Ousmane Sonko, qui ont la lourde tâche de guider les Sénégalais vers un nouvel horizon de paix, de stabilité et de progrès.
Et cela dépendra en grande partie du mode de gestion du pouvoir qu’ils vondront instaurer dans ce pays, et qui semble être la plus grande équation qu’ils auront à résoudre. On peut croire à tout ce qu’on veut, mais un régime à deux têtes, parce que c’est de cela qu’il s’agit véritablement, ne résistera pas à l’épreuve du temps. Encore que le pays ne peut plus se payer le luxe d’une déflagration politique au sommet de l’Etat. Il faut tenir compte de la personnalité de Ousmane Sonko qui occupe naturellement beaucoup d’espace, et du rôle qu’il a joué dans les mutations politiques de ces dernières années dans ce pays, pour comprendre, que quelle que soit la volonté de l’un ou de l’autre, il arrivera le jour où ils seront mis devant le fait accompli. Il s’impose alors à eux, de définir clairement, les conditions de leur collaboration, pour éviter à ce pays de vivre des lendemains incertains. D’ailleurs quand Ousmane Sonko dit qu’il faut encadrer et contrôler Diomaye Faye, il semble oublier qu’il s’adresse à un Président de la République.
Même si on peut comprendre cette dérive langagière à cause de son ascendance et son rôle dans l’accession de Diomaye Faye au pouvoir. Il est ainsi constaté dans la démarche de Ousmane Sonko, quelqu’un qui se considère comme un Président de la République, et il n’a pas peut-être pas tout à fait tord. Il faut donc tenir compte de la complexité de cette collaboration, qui pourra tôt ou tard déteindre sur le fonctionnement de l’Etat. On n’avait même pas besoin de convoquer l’histoire pour se faire une idée de ce qui pourrait advenir de cette cohabitation entre ces deux personnes, qui préfèrent convoquer leur amitié, au lieu de porter leur regard sur une affaire qui concerne avant tout la gestion de l’Etat. Ce qui liait Senghor et Dia dépassait de très loin cette dite relation. Et s’ils ont été par la suite confrontés à la cruauté du pouvoir, c’est en grande partie pour avoir éviter de se parler franchement, et de définir clairement, les pouvoirs de chacun au sein de l’appareil d’état, ainsi que les interactions entre l’Etat et le Parti.
Dans son émission Yoon Wi le journaliste Assane Gueye de la RFM avait interpellé Alioune Tine sur la question, et sa réponse donnait déjà une idée sur les zones d’ombre qui sous-tendent cette relation : ” Danio wara waxtane” (Il faut qu’il se parle). Je m’attendais à une relance de la part du journaliste qui semblait ne pas vouloir pousser le bouchon trop loin. Pour beaucoup de raisons qui sont loin d’être subjectives le duo entre la force tranquille, Diomaye Faye et le turbo, Ousmane Sonko- les propos sont de Atepa Goudiaby- peut ne pas tenir la route.
Bref à l’instar du Président du Conseil de Gouvernement Mamadou Dia qui était en même temps à la tête du Parti au pouvoir, le Premier ministre Ousmane Sonko dirige aujourd’hui le Parti présidentiel aux côtés du Président Diomaye qui s’est déchargé de toute fonction dans le Parti. En tant que Président du Conseil Mamadou Dia avait la main mise sur l’Administration, il détenait la puissance politique et contrôlait le pays. Au moment où le Président Senghor se souciait beaucoup plus des affaires culturelles pour assurer le rayonnement du Sénégal dans le monde. Mais toutes les questions économiques et diplomatiques étaient sous le contrôle du Président du Conseil, Mamadou Dia. Les Sénégalais qui ont vécu cette période se rappellent encore du fameux voyage de Mamadou Dia à Moscou qui a été l’élément déclencheur des hostilités entre ces deux personnalités de l’Etat. Le rôle du Président Senghor était devenu pratiquement symbolique jusqu’à ce que le pouvoir lui échappe sans qu’il s’en rende vraiment compte. Mamadou Dia dira plus tard, ” Je n’avais pas besoin de prendre le pouvoir parce que j’avais déjà le pouvoir”. Mamadou Dia qui était constamment sur le terrain politique avait parfaitement raison, car il détenait l’essentiel des pouvoirs dans ce pays entre 1958 et 1962. Les contextes et les personnalités ne sont pas les mêmes, mais les règles du jeu ont très peu changé en politique, où les manœuvres sont souterraines et les choses sérieuses se règlent dans les coulisses.
La réalité du pouvoir est ainsi faite ! C’est comme cela qui ça se passe très souvent en politique, pour ne pas dire toujours !
Babacar Papis Samba- La pensée complexe
Maderpost