Vous connaissez la fameuse réplique « il faut que tout change pour que rien ne change » ? Elle est attribuée à Tancrède Falconeri dans « Le Guépard » de Luchino Visconti. Il y a pire que de vouloir tout changer pour que rien ne change. C’est de ne rien vouloir changer du tout.
TRIBUNE – L’année 2024 a été évidemment marquée au Sénégal par la forte manifestation électorale d’une population qui a tranquillement et assurément décidé qu’elle aspirait à un changement, voire une « révolution » systémique, structurelle, des modes et coutumes de nos hommes et femmes politiques, leaders économiques, comme d’opinion, pour disposer notre pays dans le temps du monde.
Des impatiences se manifestent ça-et-là, de manière sporadique, accompagnés de visions et vœux parfois turbulents, qui ont l’avantage de secouer certains cocotiers dont les fruits tombent drus sur nos faciles accoutumances, et réveillent les désirs enfouis dans les fatalités, avant de les redéployer vers des risques salvateurs.
2050 comme objectif ? Les caps à prendre doivent souvent s’emprunter dès 2025, et dans bien des secteurs de notre vie nationale, les choses devront évoluer de manière énergique et éclairée, pour qu’advienne véritablement ce changement tant attendu… souvent différé, dissous dans nos commodes attentismes et installé dans nos confortables archaïsmes.
Le leadership d’un patronat en question
Une des forces sans lesquelles nos nouveaux dirigeants ont compris qu’ils n’arriveraient pas à faire décoller la Fusée Sénégal vers 2025, est bien sûr le secteur privé, avec ses organisations qui semblent être en pleine réorganisation, si ce n’est en fort bouillonnement.
Les divers questionnements sur la mission du Patronat Sénégalais sont d’ores et déjà posés et les mois et les semaines à venir sont cruciaux et chargés d’antagonismes qui ne sont pas seulement conjoncturels mais structurels, et plus près de nous, le CNP devra dès ce jeudi affronter un mouvement de clarification amorcé par quelques-uns de ses membres, lors d’une réunion du Bureau exécutif du Conseil national du Patronat qui a inscrit tout en haut de son ordre du jour, la Déclaration du Président de l’UPIC sur TFM concernant le CNP.
Y’aurait-il de l’eau dans le gaz ? Ce n’est pas encore « Règlement de comptes à OK Corral », mais ça en prend le chemin. Rappel du Casus Belli et des faits…
Quelques jours derrière nous, Mouhamadou Mohamed Ndiaye reçoit sur TFM dans Soir Infos, Monsieur Amadou Seck, sémillant et décomplexé DG de Eurogerm, et Président de l’Union des prestataires industriels et commerçants du Sénégal, UPIC.
L’entretien semble être axé sur le voyage qu’a effectué Amadou Seck en Gambie en compagnie du PM Ousmane Sonko au Forum économique et commercial Séné-Gambien. La conversation roule aisément sur les bénéfices économiques de ce Forum qu’a pu enregistrer le Sénégal, lorsque, tout à coup au détour d’une question, s’invitent la Une de Enquête Quotidien qui titre « Le Patronat sous Pression » et celle surtout de la Dépêche annonce : « Jub Jubal Jubanti au COSEC : Le DG met au partage par le patronat d’une cagnotte de millions » sans omettre de commenter en ce qui concerne le journal Enquête, la sortie du DG de CCBM Serigne Mboup, qui compare certains dirigeants de ces organisations à des Khalifes Généraux et à des Imams.
Selon lui, « Le Cosec donne 400 millions F CFA à quatre organisations patronales que sont le Conseil national du patronat (CNP), la Confédération nationale des employeurs du Sénégal (Cnes), le Mouvement des entreprises du Sénégal (Meds) et les Groupements économiques du Sénégal (Ges) ».
C’est d’ailleurs pourquoi, relance le journaliste de TFM, certains patrons refusent de lâcher la tête de leurs organisations, même après des décennies de règne sans partage, appuyant Serigne Mboup qui déclare que « Seule la mort peut les faire quitter », rajoutant le en citant que c’est l’une des raisons pour lesquelles le secteur privé est en mille morceaux, « chacun cherchant à avoir sa part du gâteau ».
Le Président de l’UPIC démontre alors les mécanismes de fonctionnement de son entité patronale et l’idée qu’ils s’y font de la transparence et de la démocratie.
Amadou Seck questionné sur la cagnotte et sur le manque criard de démocratie dans ces instances, ne donne absolument pas l’impression d’avoir une patate chaude dans la bouche et avec aisance et clarté, répond avoir été informé de la décision du OSEC et déclare avec une franchise souriante autant qu’absolue, que « les organisations patronales devraient s’interroger pour évaluer leurs modes de fonctionnement, travailler à plus de Démocratie interne et éviter de faire de leurs positions des propriétés privées, au point pour certains d’entre eux de pouvoir choisir leurs successeurs »…
Ces propos seraient-ils en fait l’objet du délit de franchise avérée, qui est sur le point d’être signifié à Monsieur Amadou Seck lors de la réunion du CNP de ce jeudi après-midi ?
Pas un combat personnel, ni une question taboue
Pour Amadou Seck, « c’est effectivement un problème. En Côte d’Ivoire, ça change tous les 5 ans, maximum 10 ans. En France et dans tous les pays, ça change. Même en Gambie, il y a des changements à la tête du patronat ».
Ces préoccupations gouvernementales sur la démocratie interne dans les organisations patronales, expliquent que la visite du PM Ousmane SONKO en Mauritanie, ait pu être marquée par la décoration qui a été octroyée à l’ancien président du patronat Mauritanien
Mohamed Ould Bouamatou, accompagné de l’actuel président, l’industriel Mohamed Zeine El Abidine Ould Cheikh Ahmed.
« Pourquoi ici les gens ne veulent pas partir et qu’on ne doit pas en parler ? C’est un vrai problème » s’interroge aussi Amadou Seck.
Et pourtant, il est fortement impliqué dans le CNP, saluant même que dans l’intérêt du Sénégal, il faudrait un secteur privé fort et uni. Il n’est pas le dernier à se féliciter de l’union entre le CNP et la CNES, n’étant point favorable à la multitude d’organisations
« Aujourd’hui, avec l’avènement du Projet et du Nouveau référentiel des politiques publiques, les nouvelles autorités veulent parler avec le patronat d’une seule voix. C’est la raison pour laquelle, aujourd’hui, la Confédération nationale des employeurs du Sénégal (CNES) et le Conseil national du patronat (CNP), qui sont les deux structures plus importantes du patronat, vont fusionner », a-t-il déclaré.
Besoin urgent d’un secteur privé uni et fort
Pour beaucoup, il y a trop d’organisations patronales au Sénégal. Le CNP de Baidy Agne, la CNES d’Adama Lam le Meds de Mbagnick Diop, le CIS de Pierre Goudiaby Atépa, le C50PN d’Abdoulaye Sylla, ou les 2 UNACOIS.
La liste est loin d’être exhaustive. Si pour certains de ces dirigeants, on connait bien les entreprises, pour d’autres, il est difficile d’en dire les noms et qualités. Une véritable question de légitimité qui se pose. Et pourtant, leurs positions leur permettent d’avoir de nombreux privilèges et d’aller partout soi-disant pour représenter un secteur où ils sont loin d’être les plus méritants.
Pour le Président de l’UPIC et personnalité influente du CNP, l’état veut un secteur privé uni et qui soit une force de propositionà côté de tous les programmes de politiques publiques de l’état qui sont destinées notamment à l’employabilité des jeunes Sénégalais.
Réinventer les rapports entre l’état et un secteur privé rénové et dynamisé empreint d’un souffle nouveau ? Cela vaut bien un débat non ? Rien ne va plus !!! Faites vos vœux !!! Pour qu’enfin « tout change »….
Jean Pierre Corréa