Référence
Objet de la saisine
Solution jurisprudentielle
N° 9/C/1998 du 09 octobre 1998
Les requérants ont saisi le Conseil constitutionnel aux fins de déclarer inconstitutionnelle la loi portant révision des articles 21 et 28 de la Constitution du 07 mars 1963 portant (suppression de la limitation des mandats présidentiels et du quart bloquant I).
Décision : « Le contrôle de la loi portant révision » des articles 21 et 28 de la Constitution votée par l’Assemblée nationale en sa séance du 27 août 1997, « échappe à la compétence du Conseil constitutionnel ».
N° 1/C.2003 du 11 juin 2003
Les requérants exposent que la loi portant révision des articles 6 et 27 de la Constitution du 22 janvier 2001 et instituant un Conseil de la République pour les Affaires économiques et sociales a été votée après leur sortie de l’Hémicycle à la suite du refus du Président de l’Assemblée nationale de leur donner la parole en séance plénière ; ils demandent au Conseil constitutionnel de décider que les droits de l’opposition reconnus par le Préambule et les articles 58 et 103 de la Constitution ont été violés.
N° 3/C/2005 du 18 janvier 2006
Les requérants saisissent le Conseil d’un recours en inconstitutionnalité contre la loi prorogeant le mandat des députés élus à l’issue des élections du 29 avril 2001 votée par l’Assemblée nationale.
Ils demandent au Conseil de se déclarer compétent et de décider que la loi déférée est contraire à la Constitution ; ils soutiennent qu’elle est une fausse loi constitutionnelle et que la procédure prévue par l’article 103 de la Constitution a été violée.
N° 2/C/2009 du 18 juin 2009
Les requérants demandent au Conseil de déclarer inconstitutionnelle la loi constitutionnelle instituant un poste de Vice-président de la République votée par l’Assemblée nationale.
N° 1/C/2016 du 12 février 2016
Le Président de la République a saisi le Conseil constitutionnel, « aux fins d’examiner la conformité du projet de révision de la Constitution « l’esprit général de la Constitution du 22 janvier 2001 et aux principes généraux du droit ».
Les requérants saisissent le Conseil constitutionnel d’un recours « tendant à faire déclarer : d’une part, contraires à la Constitution, « certaines dispositions de forme législative » contenues dans la loi portant révision de la Constitution et adoptée par l’Assemblée nationale le 19 avril 2018 et, d’autre part, contraires aux dispositions de la loi organique portant Règlement intérieur de l’Assemblée nationale, la résolution portant vote sans débat et l’adoption de l’amendement introduit pour modifier le projet de loi constitutionnelle ;
2. Considérant qu’en conclusion, les requérants demandent au Conseil constitutionnel de dire que « le vote » de la loi n° 14/2018 en date du 19
avril 2018 « est entaché d’illégalité » en ce que la Constitution et le Règlement intérieur de l’Assemblée nationale ont été méconnus.
N° 6/C/2023 du 1er août 2023
Les requérants ont saisi le Conseil d’un recours « en annulation » tendant à faire « considérer que « certaines dispositions de forme législatives » contenues dans la loi n° 10/2023 adoptée en séance plénière le 20 juillet 2023 réglementaires sont contraires à la Constitution.
Remarques conclusives
i) Le Conseil constitutionnel n’a jamais rejeté une demande tendant à contester la conformité d’une loi de révision constitutionnelle à la Constitution ; il a toujours délibéré, dit-il, « conformément à la loi »;
ii) Le Conseil constitutionnel n’a pas encore censuré une loi constitutionnelle, sauf à émettre des observations de forme et à être d’avis que « le mandat en cours au moment de l’entrée en vigueur de la loi de révision, par essence intangible, est hors de portée de la loi nouvelle » (Décision n° 1/C/2016 du 12 février 2016, Projet de révision de la Constitution) ;
iii) Le Conseil constitutionnel a toujours considéré, dans ses décisions, que « le pouvoir constituant est souverain », « qu’il peut abroger, modifier ou compléter des dispositions de valeur constitutionnelle « dans la forme qu’il estime appropriée », sans établir une « échelle de souveraineté » entre le « pouvoir constituant originaire » (pouvoir constitutionnel initial) et le « pouvoir constituant dérivé » (pouvoir constitutionnel dérivé, conditionné et limité). En termes clairs, le Conseil ne fait pas la distinction d’importance entre une « loi de révision constitutionnelle » approuvée « par le Peuple à travers un référendum ou par l’Assemblée nationale à la majorité des 3/5 des suffrages exprimés » ; par conséquence, ce sont deux lois de même densité normative parce que approuvées par le « pouvoir constituant souverain », qu’il soit le Peuple ou l’Assemblée nationale ;
iv) Le Constitutionnel s’est décerné un pouvoir de « contrôle minimum » sur les lois de révision constitutionnelle par lequel « il examine la régularité de la procédure suivie, la forme du texte et, au fond, le respect des limites fixées par la Constitution » (décision n° 1/C/2016 du 12 février 2016, Projet de révision de la Constitution) ;
v) Le Conseil constitutionnel a constamment rappelé « les limites » en matière de révision constitutionnelle, à savoir les dispositions intangibles (clauses d’éternité) que sont expressément :
a) les limites temporelles ou interdictions relatives :
– en « période de suppléance » du Président de la République en cas de démission, d’empêchement ou de décès, d’une part, il n’est pas possible de procéder à une révision de la Constitution (article 39 de la Constitution) et, d’autre, les dispositions des articles 49, 51, 86 et 103 ne sont pas applicables (article 40 de la Constitution) ;
– en période de « pouvoirs exceptionnels » du Président de la République, il ne peut également être procéder à une révision constitutionnelle (article 52 alinéa 3 de la Constitutionnel).
Ces deux catégories d’interdiction sont attachées à des situations constitutionnelles particulières et temporaires au cours desquelles le pouvoir constituant ne peut modifier la Constitution.
b) les limites matérielles ou interdictions absolues :
– « la forme république de l’Etat » est jusqu’ici une balise infranchissable constamment signalée par le Conseil constitutionnel dans ses décisions, sans varier ;
– à la faveur de la réforme constitutionnelle de 2016, cette disposition est ainsi élargie : « La forme républicaine de l’Etat, le mode d’élection, la durée et le nombre de mandats consécutifs du Président de la République ne peuvent faire l’objet de révision ». Bien plus, ces dispositions sont sanctuarisées par le dernier alinéa de l’article 103 pour les mettre hors de portée de l’Assemblée nationale et du Peuple : « L’alinéa 7 du présent article ne peut être l’objet de révision ».
Aussi faut-il comprendre que cette formulation n’est pas neutre. Non seulement, elle n’est pas exempte de critique mais la notion d’intangibilité d’une disposition constitutionnelle est elle-même contestable, pour ne pas dire fictionnel. Elle a juste une valeur instrumentale pour limiter la propension démesurée des autorités politiques à s’éterniser au pouvoir et à asservir, par des artifices démocratiques, le Peuple. En effet :
i) le Peuple pourra toujours, dans le cadre de l’établissement d’une nouvelle Constitution, changer souverainement les clauses d’éternité en fonction de la transformation de ses aspirations démocratiques ;
ii) Comment peut-on interdire une nouvelle génération de revenir sur des proclamations solennelles qui liaient des générations antérieures car, selon une tradition révolutionnaire, « un peuple a toujours le droit de revoir, de réformer et de changer sa Constitution. Une génération ne peut assujettir à ses lois les générations futures ». Est ainsi traduite en droit une philosophie politique « qui fait de la Nation souveraine l’origine de tout et qui postule, en conséquence, sa totale et permanente liberté : la Nation n’est pas faite pour la Constitution, c’est elle qui fait la Constitution et reste constamment maître de son contenu »;
Au bénéfice de ces considérations, comment peut-on apprécier la requête de Messieurs Mohamed Ayib Salim DAFFE et Samba DANG aux fins de « saisine en inconstitutionnalité contre la loi n° 04/2024 portant dérogation à l’article 31 de la Constitution » ? Le Conseil constitutionnel pourrait-il censurer ou non la loi constitutionnelle disposant que « aux termes duquel « Le scrutin pour l’élection du Président de la République a lieu quarante-cinq (45) jours francs au plus et trente jours (30) francs au moins avant la date de l’expiration du mandat du Président de la République en fonction », le scrutin de l’élection présidentielle du 25 février 2024 est reporté au 15 décembre 2024 » ?
Si oui, va-t-il opposer à l’Assemblée nationale les dispositions intangibles consacrées par les alinéas 7 et suivant de l’article 103 de la Constitution ? Ce faisant, vat-il accorder valeur supérieure aux dispositions intangibles par rapport aux autres dispositions du texte Constitutionnel non intangibles ? Pourrait-on à l’avenir modifier les mêmes alinéas pour y ajouter de nouvelles dispositions telles que, à titre d’illustration, la sacralité des droits fondamentaux, le mandat des députés ou les pouvoirs de l’Assemblée nationale, l’irrévocabilité des juges constitutionnels ? La réponse est délicate.
Si non, va-t-il consacrer désormais la souveraineté illimitée du pouvoir constituant en vertu de la nature constitutionnelle de la loi contestée ? Dans cette hypothèse, ne serait-il pas loisible à une Assemblée nationale de modifier la « forme république de l’Etat » et « le nombre de mandats » à la majorité des 3/5 des suffrages exprimés pour expérimenter d’autres formes de République.
Par Meïssa DIAKHATE
Agrégé de droit public
Directeur associé du CERACLE <Ce message a été modifié>
Maderpost