ECONOMIE – La rencontre de haut-niveau de deux jours organisée par la Confédération nationale des Employeurs du Sénégal (CNES) à Dakar s’est clôturée mercredi, 27 juin, avec de fortes recommandations sur le niveau d’engagement du secteur privé ouest-africain. En marge de cet événement, M. Alessandro Poggiali, Vice-président de Philip Morris International, chargé des Affaires Extérieures pour le Moyen-Orient et l’Afrique, qui était l’un des intervenants, a discuté des politiques de son entreprise sur cette question critique.
Globalement, quelle est la situation du commerce illicite à l’échelle mondiale et en Afrique subsaharienne?
Tout d’abord, je voudrais vous remercier de m’avoir invité et de m’avoir accordé de votre temps. Je suis heureux d’être ici parce que nous avons débattu, à deux reprises, d’une question critique, qui est commune aux différents acteurs. Je dirais que le commerce illicite, d’une manière générale, est assez répandu à travers le monde. Plus la demande pour un produit est forte, plus les trafiquants s’intéressent à sa vente.
Ce qui fait que le commerce illicite concerne plusieurs domaines, des appareils électroniques aux médicaments, sans oublier les jouets, le tabac ou n’importe quel autre secteur. Pour vous donner quelques chiffres, par rapport à votre question, l’ampleur du commerce illicite dans l’industrie du tabac s’élève à un milliard de dollars américains, en termes de volume financier et de perte de recettes fiscaux qui en découlent et pourraient atteindre 50 milliards. Vous imaginez ce qu’il est possible de faire avec 50 milliards.
Je suis sûr que si ces 50 milliards étaient mis à la disposition d’un quelconque pays, le gouvernement de ce pays aurait pu faire beaucoup de choses avec cet argent. Le Commerce illicite est un phénomène complexe, comme je l’ai dit plutôt, car il met en jeu un certain nombre d’intérêts, dont notamment celui du consommateur qui est bafoué en ce sens qu’ils ont accès et achètent des produits qui ne sont pas légalement conformes aux règlements spécifiques du marché.
Certains organismes de lutte contre le tabagisme, particulièrement ceux du Sénégal, soutiennent que l’industrie du tabac est impliquée dans l’organisation du commerce illicite. Que pouvez-vous dire par rapport à cette allégation?
Je dirais qu’il s’agit d’une allégation! L’entreprise fait vraiment de son mieux pour lutter contre le commerce illicite et je peux vous donner quelques exemples. D’abord, nous avons mis sur pied un département entièrement dédié au commerce illicite, avec des experts provenant de différents pays, exclusivement mobilisés pour la lutte contre ce phénomène.
Ensuite, nous sommes en train de passer des accords d’entreprise avec plusieurs pays à travers le monde pour lutter contre ce phénomène et à cet effet, nous avons signé près de 50 protocoles d’accord à travers la planète dans le cadre desquels les pays-signataires ont défini des modalités et nous ont aidé à fermer près de 50 usines clandestines l’année dernière.
Troisièmement, nous mettons une quantité importante de ressources dans un fonds indépendant appelé PMI IMPACT qui est géré par un groupe d’experts indépendants. Nous fournissons simplement les ressources et n’intervenons pas sur la manière dont elles sont utilisées. Nous avons mobilisé 100 millions pour ce fonds et ces ressources seront accessibles aux institutions publiques et privées avec le projet de lutte contre la criminalité et le commerce illicite.
Je pense que le commerce illicite est une question complexe qui doit être combattue de façon collective. Nous accomplissons notre rôle dans ce sens et sommes disposés à le jouer pleinement. Par ailleurs, il convient de définir clairement ce qu’est un opérateur légalement reconnu, ce qui n’est pas un opérateur légal. Il est également nécessaire de mettre en place un système de répression
L’aspect sécuritaire du commerce illicite fait couler beaucoup d’encre. Est-ce qu’il y a véritablement un lien entre le commerce illicite des produits du tabac et le terrorisme, par exemple?
Il s’agit d’une question dont nous avons longuement discutée lors de cette rencontre de deux jours. Le commerce illicite n’est pas un problème seulement pour le tabac car les revenus tirés de ces activités commerciales illicites vont au crime organisé et même potentiellement au financement du terrorisme.
Par ailleurs, les traitements auxquels ces produits sont soumis sont identiques à ceux auxquels les produits illicites sont soumis, comme par exemple les armes, les drogues … Donc, nous dirons que ce phénomène constitue une véritable menace.
D’après vous, quelles sont les mesures à prendre et qu’est-ce que Philip Morris s’est engagée à faire dans la lutte contre le commerce illicite?
Je pense que le commerce illicite ne peut être vaincu que si nous unissons nos forces en raison de l’ampleur du phénomène. Vu la très grande ampleur du phénomène, il importe de le combattre de façon collective. Donc, en réalité, nous optons pour le partenariat public-privé pour lutter contre ce phénomène et nous croyons que nous pouvons contribuer à son élimination définitive.
Dans la recherche de la solution, nous pouvons fournir aux autorités des informations, leur apporter notre expérience et leur faciliter l’accès aux technologies. Comme je l’ai dit tantôt, nous passons des protocoles d’accord multiformes dans bon nombre de pays afin de relever ce défi plus précisément.
Nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir! Permettez-nous de tout résumer. Nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir car, tout d’abord, c’est la chose la plus judicieuse.
Deuxièmement, parce que c’est la meilleure chose pour notre entreprise. Il est injuste de rivaliser avec un acteur qui ne paie pas une taxe, qui doit s’appliquer à tous les acteurs et qui mine sérieusement les objectifs gouvernementaux en matière d’impôt et de recettes.
Nous fournissons des ressources à travers notre Fonds PMI IMPACT, partageons une expertise provenant de partout à travers le monde, et facilitons l’accès aux technologies. Nous suggérons également que des solutions réglementaires et fiscales soient trouvées afin de contrecarrer ou d’éradiquer définitivement le commerce illicite, et le principe fondamental est que tout le monde devrait payer les mêmes taxes.
Quelle est l’ambition de votre entreprise pour l’avenir?
Je vais vous parler d’un projet dans lequel l’entreprise s’est lancée récemment. Il n’a pas grand-chose à voir avec le commerce illicite mais concerne beaucoup notre rôle en tant qu’entreprise-citoyenne. Nous nous sommes embarqués dans un voyage qui vise à transformer l’industrie du tabac.
Ceci pourrait paraître ambitieux pour la grande compagnie de tabac que nous représentons, mais c’est en fait la chose la plus judicieuse à faire. Nous avons investi des milliards de dollars pour concevoir des produits qui soient meilleurs pour les consommateurs. Nous avons lancé ces produits qui ne sont pas combustibles dans plusieurs pays à travers le monde pour garantir leur accessibilité à des millions d’hommes et de femmes qui continuent de fumer.
Nous avons élaboré un processus de recherche-développement dans le cadre duquel nous avons évalué ces dits produits et leur effet sur la santé. Toutes les informations que nous avons recueillies jusqu’à maintenant, y compris celles collectées par des firmes tierces convergent dans la même direction, révélant que ces produits sont potentiellement le meilleur choix pour les fumeurs.
Source : Allafrica