La dégradation de la situation budgétaire du Sénégal telle que décrite par le Premier Ministre est sans précédent dans les annales économiques et financières depuis le premier gouvernement du Sénégal en 1957. Ajustement structurel.
ECONOMIE – Depuis 2019, Le Sénégal a drastiquement dévissé et les autorités économiques et financières publiques ont opté pour la politique de l’autruche prenant prétexte de la crise sanitaire de covid 19 et ensuite du conflit russo-ukrainien qui a entraîné une explosion des dépenses publiques destinées à amortir le choc conjoncturel et social sur les populations avec malheureusement une gouvernance budgétaire extrême laxiste et hasardeuse.
Notre pays semble avoir rompu avec les fondamentaux d’une gestion vertueuse et viable de ses comptes publics depuis 2019 en accumulant un niveau de déficit historique jamais atteint – presque autour de 75%.
Pour la première fois dans son histoire, le Sénégal est sans aucune marge de manœuvre budgétaire pour faire face ni à un choc interne ou externe ponctuel dans un contexte mondial aussi instable qu’imprévisible.
Gouverner c’est prévoir, l’ex-régime, malheureusement, a prêté le flanc, laissant un héritage désastreux au nouveau pouvoir souverainiste.
Nous sommes pieds et mains ligotés et livrés à nos créanciers.
Même les ressources en devises fortes issues de nos hydrocarbures ne peuvent nous tirer d’affaires.
Nous sommes rattrapés par plus de dix ans de gymnastique des chiffres sur fond de manipulation des ratios de solde budgétaire que même la vigilance du FMI et la banque mondiale, subsidiairement de l’union européenne n’a permis de détecter et de prévenir le cas échéant.
C’est presque le crime parfait.et aujourd’hui c’est un pays en urgence médicale, virtuellement au bord de la faillite budgétaire.
Heureusement nous gardons notre grade auprès des agences de notation pour l’instant en tout cas.
Cette dégradation brillamment exposée jeudi 26 septembre 2024 par le Ministre de l’économie et du Plan ne résulte pas uniquement d’un contexte exceptionnel.
Les choix budgétaires opérés par l’ex-régime ont largement contribué à accentuer ce déséquilibre, notamment par une baisse conséquente des recettes fiscales à travers des exonérations fiscales significatives engagées depuis 2014 pour le PSE.
Ces mesures, combinées à une allocation des dépenses souvent mal orientées, en particulier dans le soutien et subvention massif sans ciblage, ont alourdi le fardeau des finances publiques sans toujours en optimiser l’impact économique.
Le stock de la dette globale publique approche le PIB, à plus de 80% du PIB nominal qui ôte toute viabilité à court et moyen terme à notre pays surtout face aux montants excessifs de la dette commerciale exigible sur les deux et trois ans à venir.
Nous ne pouvons pas échapper à un rééchelonnement, même partiel, de nos remboursements surtout pour les eurobonds..
Le niveau de prévarication dans la gestion des finances de l’état exige une refondation même de tous les mécanismes budgétaires en cours, la gangrène est sur toute la chaîne budgétaire qui a été politisée pour masquer les comptes et tromper la vigilance des bailleurs permettant des vols et détournements massifs de l’argent public et même de ceux des bailleurs.
Les abus sur le tirage des comptes extérieurs exposent tous les ministres des Finances qui se sont succédés depuis 2012, on a osé toucher le substrat voire les fondements de notre administration économique et financière : la crédibilité et la signature du Sénégal.
Nous devons dorénavant exiger de nos ministre des Finances et budgets une prestation de serment devant le juge ou une juridiction tant l’éthique et le moral n’ont jamais autant été bafoués. A quelle fin dira-t-on !
Aujourd’hui, à chacun de tirer sa conclusion sur la situation catastrophique décrite par le Premier Ministre, en attendant notre pays vivra une période d’ajustement budgétaire voire économique qui malheureusement trouve un tissu social tellement fragile et effiloché mais qui semble être la seule voie de sortie de crise. Je n’ose pas dire de salut.
Moustapha Diakhaté, Expert et Consultant, Ex-Conseiller Spécial Premier Ministre