« Si la mal gouvernance devait avoir un visage au Sénégal, elle prendrait certainement celui de la Société Nationale La Poste ! » Dans cette tribune, Thierno Alassane Sall dépeint la mauvaise gestion de cette société en turbulence.
TRIBUNE – « Si la mal gouvernance devait avoir un visage au Sénégal, elle prendrait certainement celui de la Société Nationale La Poste ! Qui parmi les sénégalais n’a pas encore vu, les moyens colossaux mobilisés par les Directeurs généraux successifs au profit des partis au pouvoir lors des différentes joutes électorales tenues au Sénégal depuis 1995 ? Il est devenu une banalité le nombre de fois que la presse a relaté les cas d’achats de conscience et de votes dont se seraient livrés les différents directeurs généraux avec l’argent du contribuable sous la pseudo couverture « d’œuvres sociales » dans le sillage et/ou au nom du Président de la République. C’est aussi un secret de polichinelle que sur les 4 300 agents que compte la SN La Poste, à côté des braves et honnêtes mères et pères de famille qui font tourner la boîte au quotidien, nombreux sont ceux qui sont recrutés et se font payer sans jamais se présenter ni fournir de prestation de travail, en contrepartie des salaires faramineux qu’ils bénéficient, car étant tout simplement des militants politiques.
En plus de ces recrutements partisans, effectués sans rapport avec les besoins ni les possibilités financières de la boîte, le pantouflage de certains fonctionnaires à qui La Poste a taillé, sur mesure, des situations dignes de rente, la nébulosité qui entoure la passation des marchés, l’utilisation des moyens logistiques de la boîte à des fins politiques et personnels au détriment du fonctionnement des services opérationnels, l’octroi de subventions, parfois fictives, à des organismes ou à activités dont la mission n’ont rien à rien voir avec celle postale et autant d’autres choses non orthodoxes constituent des opérations de dépeçage en règle, voulue et planifiée par les différents pouvoirs politiques en place. Tous les Directeurs généraux qui se sont succédé à la tête de la boîte ont été pris dans un engrenage fatal : qui fera plus mal à la boîte et qui la fera plus plongées dans les profondeurs abyssales ? Ce jeu malsain avec les deniers de l’État surtout avec un des services essentiels dans un pays qui aspire à émerger est révélateur
Comment de telles pratiques, malsaines et aux antipodes des règles basiques d’une bonne gestion, de surcroît qui se voudrait saine et vertueuse, ont pu avoir lieu au Sénégal qui se targue d’être un État de droit ? Comment ces déviations, qui caractérisent une anormalité, ont pu devenir une « normalité » dans un pays qui dispose toute la panoplie d’institutions de contrôle ? Cette question mérite d’être posée quand on sait que, depuis 15 ans, aucun des corps de contrôle de l’Etat n’a daigné venir fouiner dans les comptes de l’entreprise ! C’est dommage qu’on soit arrivé à ce qu’un Député, Thierno Alassane Sall, soit amené à tenter de pallier les carences de l’État et de ses institutions de contrôle en interpellant le Ministre de la Communication, des Télécommunications et de l’Économie numérique au moyen d’une question orale. Bien qu’il ne soit élu à l’Assemblée nationale il n’avait de cesse de tirer sur la sonnette d’alarme et ce qui semble être un déni collectif, voire une démission collective face à la généralisation de la mal gouvernance au Sénégal lorsqu’il écrit dans son ouvrage (le Protocole de L’Elysée) : « Les symptômes d’une putréfaction avancée … se manifestent par d’innombrables indices, cependant nous refusons de regarder les choses en face comme un grand malade qui s’obstine à ignorer les signes d’un effondrement prochain ».
Il est temps que l’État prenne ses responsabilités pour faire sortir de la politique dans le management d’une boîte aussi stratégique comme La Poste et de mettre fin aux incertitudes, aux doutes et à la précarité qu’il fait vivre aux braves femmes et hommes sur les épaules desquelles repose le fonctionnement de ce service essentiel. »
Maderpost