Le vice-président du Conseil constitutionnel du Sénégal, le professeur Ndiaw Diouf a fait état jeudi à Dakar de la “multiplication de risques de conflits” liée à l’existence en Afrique de multitudes de tribunaux se prévalant de la capacité d’édicter des règles de droit et de les faire respecter.
UNIVERSITAIRE – Les différentes juridictions existant au niveau sous-régional et continental peuvent constituer des risques de « conflits entre juridictions », a-t-il indiqué au cours d’un hommage qui lui était rendu par la Faculté des sciences juridiques et politiques de l’Université Cheikh Anta Diop (UCAD) de Dakar.
Le professeur Diouf, ancien doyen de ladite faculté, a prononcé une leçon inaugurale à l’occasion de cette cérémonie solennelle.
« On a une multitude de juridictions en Afrique. Parfois on trouve dans un même espace la Cour de Justice de l’Union monétaire ouest africaine (UEMOA), celle de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), la Cour commune de justice et d’arbitrage et celle de la CEMAC », la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale, a-t-il fait observer.
« Chacune de ces juridictions prétend faire respecter les règles produites par son système », a-t-il dit, ajoutant qu’il arrive que sur une même question, « plusieurs systèmes prétendent édicter des règles ».
« C’est pour cela qu’il y a cette multiplication de risques de conflits entre ces différentes juridictions. Dans tous les systèmes, il y a un droit commun. Quand vous prenez celles [les juridictions] de l’UEMOA, de la CEDEAO et de la CEMAC, il y a des directives qu’on demande aux Etats de respecter et des objectifs à atteindre », a fait savoir le professeur Diouf.
Dans cette optique, « il y a des règles de droit qui sont d’application immédiate et directe », a soutenu le vice-président du Conseil constitutionnel du Sénégal.
« En raison de la proximité des objectifs poursuivis par les diverses organisations d’intégration, il ne faut pas exclure l’éventualité de risques d’un conflit de normes d’origine différente », a alerté le juriste.
Selon lui, « des divergences » notamment « sur la manière de comprendre certaines règles juridiques ».
La directive de l’UEMOA numéro 6-97 du 16 décembre 1997 portant règlement général de la comptabilité publique, par exemple, stipulait qu’on ne peut pas opposer la compensation à l’Etat.
Pourtant, a-t-il signalé, « l’Acte uniforme portant organisation des procédures certifiées de pourvoi et de voies d’exécution dit totalement le contraire. C’est-à-dire qu’on peut opposer une compensation à l’Etat ».
« Je suis débiteur de l’Etat qui me poursuit pour le redressement de créances fiscales. Devant le Tribunal, je lui oppose l’acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif, en lui opposant la compensation, mais il me dira le contraire en faisant appel à la directive de l’UEMOA qui dit le contraire », a expliqué le professeur Diouf.
Selon lui, c’est ce genre de conflits auxquels les professionnels du droit sont appelés à être confrontés dans le cadre de la configuration actuelle des juridictions africaines.
Maderpost /APS