Plusieurs centaines de tonnes d’or quittent chaque année via la contrebande le continent africain vers Dubaï, avant d’être légalement réexportées vers d’autres pays, dénonce l’ONG suisse SWISSAID dans un rapport publié jeudi 29 mai. AFRIMAG vous livre intégralement l’article reçu de Marc Ummel et Yvan Schulz, les deux auteurs de l’étude : « Plus d’une tonne d’or quitte chaque jour le continent africain sans être déclarée ».
OR – Berne et Lausanne, le 30 mai 2024 – Au moins 435 tonnes d’or ont été exportées en contrebande du continent africain en 2022, soit l’équivalent de 31 milliards de dollars au cours actuel.
Le phénomène prend par ailleurs de l’ampleur : entre 2012 et 2022, la contrebande de l’or a plus que doublé en Afrique. Ces données proviennent d’une étude inédite de SWISSAID qui détaille également le rôle-clé des Émirats arabes unis dans le commerce du métal précieux africain.
Portant sur l’ensemble des 54 pays d’Afrique et couvrant une période de plus de dix ans, cette nouvelle étude de SWISSAID quantifie pour la première fois la production et le commerce de l’or africain, déclarés et non déclarés. Les résultats sont saisissants : chaque année, entre 321 et 474 tonnes d’or artisanal sont produites sur le continent sans être déclarées.
Cela équivaut à une valeur entre 24 et 35 milliards de dollars ainsi qu’à 75% de la production totale d’or africain extrait de manière artisanale. En outre, dans douze pays du continent, la contrebande dépasse 20 tonnes d’or par année.
Qu’advient-il de ce précieux métal ? Une grande partie de l’or africain, industriel et artisanal, prend ensuite la direction d’un nombre très restreint de pays. En 2022, près de 80% de cet or a été exporté vers trois pays : les Émirats arabes unis (47%), la Suisse (21%) et l’Inde (12%).
Véritable plaque tournante du commerce de l’or, les Émirats arabes unis ont importé 2’569 tonnes d’or en provenance d’Afrique entre 2012 et 2022 qui n’ont pas été déclarées à l’exportation dans les pays africains, révèle l’étude. Les montants concernés sont conséquents, à savoir un total de plus de 115,3 milliards de dollars. Pour l’essentiel, cet or est raffiné à Dubaï avant d’être exporté vers l’Inde, la Suisse, la Turquie ou Hong Kong.
Manque de contrôles
Cette étude fouillée fournit des données précieuses dans le contexte actuel. Les difficultés socio-économiques que connaissent plusieurs pays africains et les prix croissants de l’or ces dernières années ont en effet provoqué une véritable ruée vers l’or dans de nombreuses régions.
Corollaire : un développement précipité et peu contrôlé de mines artisanales, à petite échelle et même semi-mécanisées dans lesquelles les conditions de travail sont souvent désastreuses.
Le manque de contrôle étatique et la corruption qui gangrène le secteur de l’or contribuent aux risques élevés de violations des droits humains et d’atteintes à l’environnement, dont les populations locales sont les premières à souffrir. « Faire la lumière sur le commerce de l’or africain est indispensable afin de mettre les États et l’industrie face à leurs responsabilités », explique Yvan Schulz, chef de projet chez SWISSAID et coauteur de l’étude.
Et Marc Ummel, responsable du dossier matières premières chez SWISSAID et coauteur de l’étude, de compléter : « Les États ne doivent plus pouvoir se réfugier derrière l’absence et la mauvaise qualité des données pour justifier leur inaction. Ils doivent prendre leurs responsabilités, notamment en renforçant les contrôles et en œuvrant à la formalisation du secteur. »
Recommandations
Au terme de leur recherche, les auteurs dressent une liste de recommandations aux États et à l’industrie. Ils préconisent notamment une harmonisation des taxes, l’adoption de législations nationales reprenant l’ensemble des exigences du Guide de l’OCDE sur le devoir de diligence pour des chaînes d’approvisionnement responsables en minerais en provenance de zones de conflit ou à haut risque, et une plus grande transparence.
Ces démarches visent à lutter contre les flux d’or illicites et le financement de groupes armés, à améliorer les conditions de travail dans les mines et à réduire les pertes de revenus pour les États africains.
Maderpost / Afrimag