Selon les sources, les projections démographiques pour la fin du siècle varient entre 7 et 11 milliards d’habitants. Comment expliquer de telles disparités ? Pourquoi les experts ne parviennent-ils pas à nous donner des chiffres fiables ?
PLANETE – Dans les années 1960, on pensait que la population mondiale allait croître indéfiniment. Dans son ouvrage « La bombe P » (The Population Bomb en anglais), paru en 1968, le démographe américain Paul R. Ehrlich alertait alors d’une « famine massive » au cours des années 1980 en raison de la surpopulation.
Mais, après un pic de 2,05 % par an dans les années 1965-1970, la croissance de la population mondiale a commencé à ralentir pour atteindre 1,1 % aujourd’hui.
Cela peut paraître peu, mais d’après les dernières projections de l’ONU, cela nous amène tout de même à 9,7 milliards d’habitants en 2050 et 11 milliards d’ici la fin du siècle. Toutefois, on observe des écarts considérables entre les prévisions.
Une étude de l’Institute for Health Metrics and Evaluation (IHME) de l’université de Washington estimait ainsi, en 2020, que le plateau ne dépasserait pas les 8,8 milliards en 2100, soit une marge d’erreur de plus de deux milliards (voir ci-dessous) ! Un autre organisme, l’Institut international d’analyse des systèmes appliqués (IIASA) à Vienne mise, lui, sur un pic peu plus de 9,7 milliards vers 2070.
Sur le court terme, il est relativement facile de prévoir l’évolution de la population. Les projections à horizon de 20 ou 30 ans sont généralement considérées comme bonnes parce que la plupart des personnes qui seront en vie dans les décennies à venir sont déjà nées. Les taux de naissance, de mortalité et de migration sont également assez faciles à extrapoler à partir des tendances récentes.
« En matière de démographie, les évolutions sont lentes, les effets d’inertie sont importants. Il faut souvent plusieurs générations pour renverser une situation », poursuit le chercheur. En Chine par exemple, malgré l’assouplissement progressif de la politique de l’enfant unique depuis 2015, la natalité reste au plus bas, avec à peine 10,48 naissances pour 1.000 habitants en 2020, soit son taux le plus bas depuis 1949.
Certains événements inattendus peuvent néanmoins jouer à court terme. La pandémie de Covid-19 a par exemple fait diminuer le nombre de naissances de 8,9 % en janvier 2021 par rapport au même mois de l’année dans un ensemble de 17 pays, selon une pré-publication de l’université de Vienne en Autriche, avec une chute allant jusqu’à 20 % en Espagne. Et nul ne sait s’il s’agit simplement d’un décalage dans le temps ou si ce retard ne sera jamais rattrapé. D’autres phénomènes à plus long terme peuvent aussi faire dérailler les prévisions. Ainsi, alors que les progrès du niveau de vie ont jusque-là été un facteur d’accroissement de la durée de vie, la modification des modes de vie comme l’obésité pourrait inverser la tendance. Depuis 2012, on observe ainsi une baisse de l’espérance de vie aux États-Unis, en raison notamment des morts par overdose (drogue et opioïdes). Des scénarios divergentsLes prévisions de l’ONU se sont malgré tout révélées relativement fiables historiquement. En 1968, par exemple, les Nations unies prévoyaient une population mondiale 5,44 milliards d’habitants en 1990, relativement proche du chiffre réel (5,34 milliards). L’institution préfère d’ailleurs publier des fourchettes avec différents scénarios. Pour son hypothèse basse, la population mondiale progresserait pour atteindre 8,9 milliards de personnes en 2050 avant de retomber à 7,3 milliards en 2100. Un scénario encore plus pessimiste que celui de l’IHME.
Maderpost / Futura]]>