Le lundi 19 février, le président de la transition de Guinée, le général Mamadi Doumbouya, a pris la décision de dissoudre le gouvernement dirigé par Bernard Goumou. Cette décision intervient au milieu d’une crise interne entre le premier ministre et son ministre de la Justice, Alphonse Charles Wright. Leur échange de correspondance a été un tournant décisif dans cette dissolution. Les détails des échanges ont été obtenus par APA, dévoilant les tensions croissantes entre les deux hauts fonctionnaires.
GOUVERNEMENT – Tout a commencé le 13 février dernier. Dans sa lettre adressée à Alphonse Charles Wright, ministre d’État, ministre de la Justice et des Droits de l’Homme, le premier ministre guinéen, Bernard Goumou, a exprimé ses inquiétudes concernant les récentes injonctions visant à ouvrir des enquêtes sur la gestion financière des entités publiques.
Il y a quelques jours, le ministre de la Justice a demandé au parquet de Conakry d’engager des poursuites judiciaires contre une trentaine de cadres en charge de la gestion des finances publiques au sein des départements pour faux et usage du faux en écriture publique. Il leur reprochait de s’être engagés dans la confection de pièces comptables pour tenter de justifier les dépenses liées à l’exécution des budgets alloués à leurs départements.
Bernard Goumou a tout d’abord mis en lumière le rôle des chefs de divisions des affaires financières (DAF) et des directeurs généraux des établissements publics administratifs (EPA), soulignant qu’ils exécutent les budgets sur ordre des ministres et des ordonnateurs. Il a donc plaidé en faveur d’une enquête incluant les actes des ordonnateurs pour une investigation complète.
De plus, le premier ministre a exprimé des doutes quant aux capacités de l’État à mener des enquêtes d’une telle ampleur, tant sur le plan financier que sur celui des ressources humaines. Il a souligné les difficultés persistantes de l’administration judiciaire à résoudre rapidement les affaires financières complexes, malgré les instructions antérieures données à cet effet.
Dans sa correspondance, le premier ministre a également relevé l’absence de consultation préalable avec lui en tant que chef de gouvernement, pointant le besoin de respecter les procédures établies, notamment en soumettant de telles décisions à l’examen du Conseil des ministres, la plus haute instance décisionnaire.
Il a exprimé ses inquiétudes quant à la divulgation publique des enquêtes en cours, soulignant le préjudice potentiel pour la réputation des personnes concernées, en l’absence de preuves établies.
Par conséquent, il a demandé la suspension immédiate des enquêtes en cours et a appelé à la présentation d’un dossier complet au Conseil des ministres, incluant tous les éléments factuels nécessaires à une prise de décision éclairée.
Réponse du ministre de la Justice
En réponse, le ministre de la Justice a exprimé sa surprise quant à la méthode de communication choisie par le premier ministre. Pour lui, une invitation pour une discussion aurait été plus appropriée pour éclairer sur les principes régissant les institutions judiciaires et les procédures pénales.
Il a rappelé les bases légales qui lui permettent d’émettre des directives aux magistrats du ministère public, conformément à l’article 37 du code de procédure pénale, visant à garantir la cohérence de la politique pénale du gouvernement.
Le ministre Wright a rappelé le rôle essentiel de l’institution judiciaire dans le maintien de l’ordre et de la justice, en veillant au respect de la loi et à la protection des droits fondamentaux des citoyens. Il a également expliqué le processus d’enquête pénale, qui vise à établir les faits sans présumer de la culpabilité des personnes impliquées.
Concernant la suspension des procédures engagées, M. Wright a rappelé que l’action publique ne peut être interrompue par l’exécutif, soulignant le principe de séparation des pouvoirs et l’indépendance du pouvoir judiciaire, garantis par la Constitution.
La dissolution du gouvernement par le président de la transition, le général Doumbouya, a mis fin à toute possibilité de discussion entre les deux responsables gouvernementaux qui devront, conformément à la charte de la transition restituer, «sans delai», leurs véhicules de service et leurs documents de voyage. Ils sont aussi tenus de remettre les cachets aux intérimaires désignés. Les secrétaires généraux sont chargés de gérer les affaires courantes. Les désormais ex-membres verront aussi leurs comptes bancaires gelés et ne bénéficieront plus de garde rapprochée.
Maderpost / Apa