Investi candidat de citizen Alliance, un parti centriste porté sur les fonds baptismaux en 2019, à 46 ans, Dr Ismaela Ceesay se jette dans la bataille d’une présidentielle qui risque d’être âprement disputée. De l’analyse politique à son exercice, il n y a qu’un pas qu’a franchi le politologue, enseignant chercheur à l’Université de Gambie. Une position défendue par celui qui veut bousculer l’establishment et se faire élire à la prochaine échéance électorale de 2021.
PRESIDENTIELLES / GAMBIE – Jusque-là peu connu, celui qui est considéré comme « la bête noire » du président Adama Barrow qu’il ne cesse de tancer, entend jouer pleinement le rôle d’outsider. Qui est ce candidat qui veut incarner le renouvellement de la classe politique dans son pays ?
Face à la presse, Dr Ismaela Ceesay déroule. La gestuelle, le regard, la verve, tout semble maitrisé au millimètre près…dans un accent anglais impeccable. Le quadragénaire ne porte pas son âge. Visage poupin, la mise parfaite, le dandy dégage de l’énergie et affiche la même aisance dans les amphithéâtres que face aux journalistes. Le nouvel opposant tient ainsi sa première sortie médiatique après son investiture comme candidat de Citizen Alliance. Son discours trouve un écho favorable auprès de ses compatriotes qui rivalisent de « likes » et de commentaires en direct. Un millier d’internautes est à l’affût. Comment le politologue a-t-il sauté le pas de l’analyse politique à son exercice ? Il l’attribue avant tout à l’échec de la classe politique.
« Dans la vie, il faut voir toujours grand, professe-t-il. Le savoir doit avant tout profiter à la communauté. J’ai touché les limites de mes analyses politiques qui, certes étaient écoutées, mais n’ont aucun impact sur la vie de mes compatriotes ».
« Bête noire » du président
En tant qu’universitaire, il indique avoir diagnostiqué les maux dont souffre son pays. De l’éducation à la santé en passant par l’agriculture, le chômage…rien ne semble avoir de secrets pour lui. Catapulté à la tête de Citizen Alliance, un parti centriste, le porte-étendard se veut pragmatique et fédérateur. Dans le manifeste de la nouvelle formation politique figure quatre axes principaux pour dit-il « sortir la Gambie de l’ornière » : économie, égalité des chances, gouvernance et réforme des institutions entre autres. Parmi tous les axes, l’éducation lui tient particulièrement à cœur.
« Notre système éducatif est faible. Il est immobiliste et négligé par nos dirigeants, regrette-t-il. Imaginez-vous que c’est le même système hérité de la colonisation. Il doit être réformé car il est suranné et ne pousse pas à la créativité ».
Considéré comme « la bête noire » du président, ses critiques lui reprochent d’avoir une dent contre le chef de l’Etat qu’il ne cesse de tancer. Répondant à l’une de ces critiques, celui-ci s’était emporté devant la presse en lançant sur un ton exaspéré : où était ce professeur quand il défiait la dictature ? Dr Ceesay entend clarifier les choses : il n’a aucun problème particulier avec le chef de l’État, mais celui-ci doit rendre des comptes et le moins que l’on puisse dire est que sa gouvernance est loin d’être « exempte de reproches ».
« Moi je suis un républicain convaincu. Le chef de l’Etat est notre serviteur. On lui a tout donné pour nous servir. S’il ne le fait pas convenablement, j’ai plein droit de le dire sans détour. Je ne l’ai jamais attaqué personnellement », a-t-il martelé.
Il accuse le président Barrow d’être sur les pas de Jammeh mais il fait pire que son prédécesseur en matière de gestion des deniers publics. « C’est le régime le plus corrompu », résume-t-il.
« En trois ans, Barrow s’est fait construire un petit palais dans son village natal. Toutes les preuves sont là, brandi le nouvel opposant. Tout le monde sait que son salaire ne lui permet. Pire encore, il corrompt les gens à coup de millions pour les faire adhérer à son parti alors que le taux de chômage des jeunes explose », peste-t-il.
Elève moyen
Pour être quitte avec sa conscience, celui qui enseigne la science politique à l’Université de Gambie depuis une décennie a suspendu pour un an ses cours. Derrière l’apparence de dandy qui porte un soin particulier à sa mise, se cache un homme issu d’une famille élargie et modeste qui a tout arraché à la vie. Natif de Brikama, ville à une trentaine de km, le petit Ismaela aura connu toutes les misères du monde. A 14 ans, il est contraint de quitter son pays pour la Sierra Leone poursuivre ses études secondaires. Elève plutôt moyen, ce fils d’un ancien agent forestier n’a pas pu obtenir le minimum requis pour intégrer un collège dans son pays. De ce premier séjour à l’étranger, il demeurera cinq ans avant que les soubresauts du petit pays anglophone ne le rattrapent. Il est obligé de quitter en 1995 quand éclate la guerre civile à Freetown.
Maderpost / Emedia