Le mois dernier, au parlement gambien, un projet de loi controversé a été présenté, visant à abroger une loi criminalisant les mutilations génitales féminines (MGF).
MGF – Si ce projet de loi est adopté, la Gambie deviendrait le premier pays à légaliser à nouveau cette pratique après l’avoir précédemment interdite il y a neuf ans, sous le règne de l’ancien président Yahya Jammeh.
À la suite d’un débat animé sur l’abrogation de la loi interdisant les mutilations génitales féminines, qui avait été promulguée en 2015, les députés gambiens ont voté pour que le projet de loi d’amendement soit examiné plus en profondeur par la commission des affaires de l’Assemblée nationale.
Le débat parlementaire a vu s’opposer deux visions sur cette pratique : d’une part, ceux qui la considèrent comme un acte barbare contre les femmes et les filles, et d’autre part, ceux qui la soutiennent en tant que pratique traditionnelle et religieuse ne remettant pas en question le statut des femmes dans la société.
Les partisans de l’abrogation de l’interdiction insistent sur le caractère traditionnel et religieux des MGF, affirmant qu’elles sont ancrées dans la culture gambienne depuis des siècles et qu’elles n’entravent pas le rôle des femmes dans la société.
Cependant, les opposants à l’abrogation craignent que cela ne constitue un recul pour les droits des femmes et des jeunes filles, les privant de leur capacité à décider de leur propre bien-être.
Comme lors de la première lecture du projet de loi au Parlement, d’éminents imams et religieux islamiques, accompagnés d’une foule de femmes voilées portant des pancartes « Les MGF sont islamiques », ont été accueillis par un flot inébranlable d’activistes anti-MGF déterminés qui ont fait des efforts de dernière minute pour convaincre les députés de ne pas poursuivre le débat sur le sujet.
Toutefois, après avoir décidé de suspendre la deuxième lecture du projet de loi en raison d’une position non concluante sur le sujet, les députés ont renvoyé le projet de loi à la commission des affaires de la Chambre, dont les membres examineront les deux parties du débat avant de formuler leurs recommandations.
Almameh Gibba, député de Foni Kansala, membre de l’Alliance pour la réorientation et la construction patriotique (APRC) de l’ancien président Yahya Jammeh, et l’imam controversé Abdoulie Fatty sont les principaux défenseurs de l’interdiction de la pratique, insistant sur le fait qu’elle est sanctionnée par l’Islam.
Le député Gibba a fait valoir que le projet de loi d’initiative parlementaire à l’origine de l’interdiction avait confondu circoncision et mutilation, cette dernière n’étant pas nécessairement vécue par les femmes et les jeunes filles qui subissent l’opération.
L’imam Fatty s’est dit d’accord avec Gibba et a affirmé que deux de ses propres filles avaient été « circoncises et non mutilées » en Arabie Saoudite. Il s’agissait d’un coup de gueule contre ceux qui affirmaient que cette pratique était contraire à l’islam et ne s’appuyait pas sur les Ecritures.
L’imam, qui a même payé les amendes des praticiens après leur condamnation, a déclaré qu’en tant que pratique traditionnelle ancrée dans la religion, les MGF ont leur place dans la régulation du bien-être physique des femmes et des jeunes filles.
Toutefois, les opposants au projet de loi, tels que Gibbie Mballow, représentant de Upper Fulladu West à l’assemblée nationale, ont rétorqué que l’Arabie saoudite, considérée dans le monde entier comme
le porte-drapeau des pratiques islamiques, désapprouvait les mutilations génitales féminines, qu’elle considérait comme irréligieuses.
Mballow a déclaré qu’il n’y avait pas l’ombre d’une preuve suggérant que le prophète Mahomet avait observé cette tendance sur ses filles et avait mis en garde contre les ramifications médicales pour les femmes et les filles si l’interdiction était levée.
Afin de vérifier la véracité des deux affirmations concernant la position réelle de l’Arabie Saoudite sur les MGF, le leader de la majorité, Bilay G Tunkara, a présenté une motion pour que le projet de loi soit renvoyé à la commission des affaires de la Chambre.
Ses membres devraient entamer des consultations nationales avec des religieux islamiques, des personnes pratiquant les MGF sous le manteau, des féministes et d’autres militants avant que l’Assemblée nationale ne vote définitivement sur le projet de loi.
Entre-temps, Amnesty International a prévenu que la Gambie risquait de prendre des « mesures régressives » sur les questions de genre, y, compris les MGF, si le projet de loi visant à interdire cette pratique était adopté par les députés gambiens.
Maderpost / Apa