Mimi Touré revient sur les « incompatibilités familiales » avec comme ambition de mettre fin au népotisme et aux immixtions de la famille présidentielle dans les affaires de l’Etat. Elle avait déjà soulevé cette question après ses bisbilles avec le pouvoir de Macky Sall. On avait à l’époque mis en contexte cette déclaration qui semblait suspecte et sentait une odeur de règlement de compte politique.
TRIBUNE – Il est vrai que le rapport entre famille et pouvoir politique est une question lancinante, dont l’enjeu dépasse la gouvernance de Macky Sall, qui est appelé à quitter le pouvoir.
On en parle parce qu’il est courant pour des questions de ce genre, que l’on agisse sous le coup de la passion, ou que l’on prenne des décisions contextuelles, qui pourront être lourdes de conséquences pour l’avenir du pays.
La résolution de cette question semble alors importante. Elle est même urgente, cruciale et interpelle au plus haut degré tous les décideurs et citoyens de ce pays.
Nous devons alors être très prudent et regardant sur le traitement que nous avons à faire de la place de la famille présidentielle dans la nomenclature institutionnelle du pays.
On reconnaît d’avance qu’elle n’est pas simple, comme elle continue d’être une patate chaude entre les mains du président de la République. Malgré tout nous avons à la régler avec toute la rigueur qui sied en la circonstance, et en tenant compte de sa complexité
L’article 25 de la Constitution du Sénégal dit très clairement « chacun a le droit de travailler et le droit de prétendre à un emploi. Nul ne peut être lésé dans son travail, en raison de ses origines, de son sexe, de ses opinions, de ses choix politiques ou de ses croyances ». Que faire également de l’article 7 de la Constitution qui est pour un égal accès des femmes et des hommes aux mandats et aux fonctions.
Ces deux articles règlent la question de la proximité de ces citoyens sénégalais qui font partie de la famille présidentielle, en voulant par le fait même respecter le droit de tous les citoyens de quels bords où ils se situent.
Pour la jurisprudence sur cette question le frère du Président Abdou Diouf, Magatte Diouf a été un ministre de la République sous son magistère sans que cela ne dérange personne.
Comme c’était également le cas avec Adrien Senghor, un neveu du Président Senghor qui avait eu à occuper un poste ministériel sous sa gestion et il n’y avait pas encore de quoi fouetter un chat.
Le docteur samba Gueye qui avait occupé de hautes responsabilités dans ce pays a été marié avec Anna Senghor, Basile Senghor qui est de la famille du Président Senghor était procureur de la République, Pierre Senghor a été maire de Bambey. On peut dire autant pour le fils de Abdoulaye Wade, Karim qui avait occupé de très grandes responsabilités dans ce pays.
Il est vrai que le cas Karim Wade a été évoqué en son temps, et il avait même servi de prétexte aux initiateurs des Assises nationales qui avaient trouvé utile de se pencher sur cette question, afin d’éviter une éventuelle succession au pouvoir entre un père Président, en l’occurrence Abdoulaye Wade et son fils Karim et sans le dire ouvertement.
Et là au moins on peut bien comprendre quand il s’agit bien sûr d’une succession immédiate et par des moyens illégaux, anti-républicains ou anti-démocratiques. Encore que nous ne sommes pas sans ignorer qu’une loi dans son essence est générale et impersonnelle.
Donc toute action à ce niveau contre l’occupation de postes de responsabilité à l’endroit de la famille du président peut bien faire désordre ou donner l’air d’une stigmatisation, d’une discrimination et porter ainsi un coup dur à l’égalité des chances et devant la loi.
Il est alors à reconnaitre que nous sommes tous égaux devant la loi et que nul n’est au-dessus de la loi. On peut encore y ajouter nul ne devrait être lésé par la loi.
Ainsi une loi qui exclut toute la famille élargie du Président de la gestion du pouvoir pourrait être un précédent dangereux pour ce pays. Ce qui enlèverait encore à la loi toute sa beauté, toute sa pertinence.
C’est pourquoi nous disons sur les soi-disant incompatibilités ou interdictions que l’on veut tirer d’une manière élastique en y intégrant les descendants du Président, et/ou de son conjoint, ses frères et sœurs et leurs descendants, ça semble manquer de sérieux.
Comme il ne faut pas exclure qu’on y ajoute les gendres, les cousins, les cousines, les beaux-pères, les beaux-frères et les beaux-fils.
Nous ne devons alors prendre aucune décision qui entre dans ce cadre, pour des causes légères et passagères. Il semble en tout cas plus judicieux de faire recours à d’autres critères de sélection, de nomination ou d’élection qui intègrent la compétence, le mérite ou la probité, plutôt que de convoquer les questions de parenté ou de filiation.
Le débat n’est pas clos, il reste ouvert et fait appel à la réflexion, à la lucidité et à la responsabilité.
Babacar Papis Samba- Auteur et Adepte de la pensée complexe