Des vacances de fin d’année à Saint-Louis animée de programmes culturels riches en couleurs tel le défilé de mode de la grande costumière et styliste autodidacte Oumou Sy ou encore du Fanal le 30 décembre 2024, nous sommes rentrés à Dakar, convaincu que la ville tricentenaire, ancienne capitale du Sénégal et de l’Afrique occidentale française souffre cruellement du manque d’une vision ambitieuse, de l’absence d’investissements stratégiques et de l’absence d’une gouvernance exemplaire pouvant d’ailleurs déteindre sur le reste du pays au bénéfice des populations sénégalaises désormais sorties de la liste des « moins avancées » du monde.
SAINT-LOUIS – De l’icône Marie Madeleine Diallo, en passant par l’hôtelière Ariane Réaux (La Saint-Louisienne), Yannick Philip (hôtel La Poste) aux festivaliers, restaurateurs, tous sont unanimes « Saint-Louis se meurt, malgré son fort potentiel culturel et touristique ».
Notre sentiment est le même, et ce ne sont pourtant pas des contenus culturels et touristiques qui manquent. Il suffit de jeter un coup d’œil sur le programme des festivals et autres événements qui débutent en février, jusqu’en décembre, pour s’en convaincre.
Les touristes ne s’ennuient pas sur l’île assainie et aménagée depuis l’époque coloniale.
Au regard des constructions que l’on devine sans plan d’urbanisme à Ngalène et Boudiouck qui grossissent comme des champions, donnant un aperçu de la réplique prochaine d’un Dakar hideux qui s’y projette, on comprend aisément pourquoi le mythe Saint-Louis se meurt. A croire que nous ne savons rien faire d’autre qu’habiter.
Il nous semble pourtant possible de transformer Saint-Louis en une Destination mondiale comparable à Las Vegas ou Dubaï. A condition qu’on ait envie et la volonté d’en faire un projet digne de ce nom, qui nécessiterait une stratégie ambitieuse et adaptée au contexte local.
Tous ceux qui sont allés à Las Vegas et Dubaï savent que ces deux villes sont des exemples de transformations spectaculaires basées sur des visions audacieuses, quand bien même elles diffèreraient dans leurs modèles de développement.
Pour nous, il ne fait aucun doute que Saint-Louis « se meurt » parce que l’Etat a manqué jusqu’ici de vision et d’audace. C’est encore plus valable pour la vielle ville, même si l’on ne peut dénier aux présidents Abdoulaye Wade et Macky Sall un brin d’audace.
Ou encore Idrissa Seck, ancien Premier ministre, qui s’est le plus distingué dans l’audace de ville, avec Thiès qu’il avait réussi à transformer entre 2002 et 2004. Les nouvelles autorités sont attendues.
Certes, Saint-Louis ne peut copier exactement le modèle de Las Vegas ou Dubaï, mais elle peut s’inspirer de leur audace en capitalisant ses forces, c’est-à-dire son patrimoine unique, sa position stratégique en Afrique de l’Ouest, et sa richesse culturelle.
Avec une vision ambitieuse, des investissements stratégiques et une gouvernance exemplaire, Saint-Louis deviendra une destination phare en Afrique et dans le monde.
Cela est d’autant possible que la vielle ville a déjà une identité forte. En effet, si pour Dubaï, la force réside dans le luxe et l’innovation, pour Las Vegas dans le divertissement et les casinos, une vision audacieuse offrira à Saint-Louis un mélange unique de tourisme culturel (près de 15 programmes déjà dans l’année), d’écotourisme, de ville festive moderne, sans oublier ce qu’elle a en plus, son patrimoine historique qu’il convient de valoriser.
Au regard justement de ce patrimoine, de l’idée de faire de Saint-Louis la capitale africaine du patrimoine culturel et naturel avec une touche d’innovation, il n’y a qu’un fil. Avec un plan de développement à long terme reposant sur une vision sur 10 à 20 ans forte d’objectifs concrets comme la modernisation, l’attractivité, les partenariats publics-privés, Saint-Louis peut constituer une mamelle importante de l’économie sénégalaise qui plus est capteur de devises.
Anticiper le projet avant que Saint-Louis ne croule sous l’urbanisme sauvage
Saint-Louis qui va bientôt crouler sous l’urbanisme sauvage est une offre naturelle et intelligente d’infrastructures modernes et attractives. Il faut être aveugle pour ne pas voir le potentiel qui n’attend que la création d’infrastructures phares inspirées de projets spectaculaires dont le but ne sera rien d’autre que d’attirer l’attention internationale, à travers un centre touristique ultramoderne inspiré de l’histoire coloniale et un musée flottant dédié à l’histoire du Sénégal et de l’Afrique.
Une telle ambition attirerait des millions de touristes par an. On voit de là, l’agrandissement de la capacité d’accueil de l’aéroport, la construction de complexes hôteliers et des espaces de loisirs, comme des hôtels-boutiques flottants sur le fleuve Sénégal ou des ressorts de luxe combinant modernité et culture locale. Saint-Louis est si riche et prometteuse qu’on en vient à rêver les yeux ouverts.
Le projet de faire Saint-Louis une destination mondiale nous semble d’autant possible que le Sénégal fait partie des nations africaines les mieux connectées. Le prolongement des autoroutes, l’agrandissement de l’aéroport, le réaménagement de la ligne ferroviaire, la restauration et transformation du port de Saint-Louis (le premier port du Sénégal) en port de plaisance, ne sont pas une vue de l’esprit. Ils sont déjà, attendant l’audace.
En plus de l’assurance de transports modernes (short sea, autoroutes, pistes, trains, aéroport), Saint-Louis peut, en partenariat avec les sociétés de télécommunications (Orange, Yas, Expresso), susciter des investissements conséquents dans les technologies afin de d’être une « smart city » et devenir par conséquent innovante et écologique.
Restaurer et protéger les monuments historiques de Saint-Louis
C’est avec amertume que nous constatons que Saint-Louis ne capitalise pas ses atouts naturels et culturels pourtant visibles. La restauration et la protection des monuments et maisons historiques est une exigence dans le cadre de la vision ambitieuse et de l’audace qu’il faut nourrir pour Saint-Louis.
Notre présence aux événements offerts par l’agence de Marie Madeleine Diallo dans le cadre du Fanal indique que rien de cohérent et d’optimisé ne peut se faire à Saint-Louis sans l’intégration des monuments. Il faut une offre touristique interactive avec des visites guidées immersives. Saint-Louis s’y prête naturellement.
La ville a tout ce qu’il faut pour des spectacles sons et lumières. Le décor lumineux extérieur du pont Faidherbe est une sacrée photo souvenir. S’y ajoute les festivals nationaux et internationaux (film documentaire, jazz, au tour des cordes, musiques du monde, blues, etc.).
Que dire de l’exploitation du fleuve Sénégal et de la côte. Saint-Louis peut-elle avoir un fleuve long de 1770 km et ne pas développer le tourisme fluvial avec des croisières de luxe, des activités nautiques avec des équipements modernes ? Peut-elle ne pas promouvoir des plages modernes avec des installations attractives tels les parcs aquatiques, les beach clubs ?
L’image des plages sales à la Langue de Barbarie nous a laissé sans voix. Rien de fait pour que le tourisme et l’économie saint-louisiens se tournent vers l’investissement et l’innovation. A quoi bon tout le tralala sur la décentralisation et la déconcentration ? Où est le central ? Saint-Louis, un vrai gâchis.
Pourquoi ne pas faire de Saint-Louis une Zone économique spéciale ?
Qui a été à Port-Saïd, une ville portuaire dans le Nord-Est de l’Egypte au débouché du canal de Suez dans la mer Méditerranée devinera l’idée.
L’ambition audacieuse à laquelle nous invitons les autorités pour Saint-Louis intègre l’idée de la création d’une Zone économique spéciale, soit une zone franche en vue d’attirer les investisseurs internationaux, avec des incitation fiscales (vous avez bien lu) et des infrastructures adaptées.
A ces fins, devrait être priorisé l’encouragement des investissements dans les secteurs porteurs comme les énergies renouvelables en dépit de la production à quelques encablures du gaz et du pétrole, le commerce, et la technologie.
La jeunesse fortement représentative de Saint-Louis sur la pyramide démographique peut et doit être mise à profit, d’abord dans la formation, ensuite à travers la mise en place d’incubateurs pour les jeunes entrepreneurs dans les domaines du tourisme, des arts et de la culture. La promotion des startups et de l’entrepreneuriat local est en souffrance à Saint-Louis.
Tout comme l’industrie des loisirs et du divertissement qu’il faut inventer à Saint-Louis dont le potentiel prête pourtant au projet. Saint-Louis est une agora qui attend spectacles, casinos, parcs à thèmes, salles de spectacles modernes, etc.
Créer une marque internationale pour Saint-Louis
Plus nous progressons dans la réflexion, plus nous nous rendons compte que notre attachement pour Saint-Louis ne s’explique pas que pour l’amour qu’on a pour elle, mais également par l’émotion qu’elle suscite chez ses hôtes. Saint-Louis pour un jour, Saint-Louis pour toujours.
C’est d’un marketing global ambitieux qu’il faut à la vielle ville. Il faut lui créer une marque internationale. Senghor a « vendu Gorée », en faisant une marque. Diomaye pourrait en faire de même pour Ndar en définissant un slogan qui positionnera Saint-Louis comme une destination incontournable en Afrique de l’Ouest et au-delà.
Grâce à Internet et les réseaux sociaux, l’organisation de campagnes de communication mondiales classiques s’en trouve facilitée. Le but étant d’attirer des millions de touristes, des investisseurs, par an. De favoriser des événements de prestiges offrirant des cadres féériques pour des conférences internationales, des mariages de luxe, des expositions culturelles, concerts internationaux, compétitions sportives.
Le fanal de Saint-Louis deviendrait alors un festival africain, voir l’équivalent du Carnaval de Rio sans tomber dans ses travers, extravagances et déviances.
De la nécessité d’une gouvernance solide et visionnaire
Notre rêve pour Saint-Louis peut paraître insensé, mais nous sommes convaincu qu’en travaillant avec des investisseurs privés, des institutions internationales, la diaspora avec les diaspora bonds, des fonds massifs seront levés pour mettre sur orbite la vieille ville afin d’en faire une destination mondiale du tourisme et de la culture tout aussi soucieuse et jalouse de la priorité de l’écologie et la durabilité aux fins du développement à long terme garanti.
Nos nombreux échanges avec des Saint-Louisiens de tous âges ont mis en évidence une fierté certaine et leur adhésion à un programme « ambitieux et audacieux » pour leur ville. Ils sont en attente de « formation des jeunes aux métiers du tourisme, des services, du pétrole et du gaz ».
Ils attendent la « promotion de l’artisanat local pour que le savoir-faire local se vende partout dans le monde ». Ils souhaitent « plus d’emplois ». Ils veulent que Saint-Louis « retrouve son lustre d’antan ».
Comme eux, nous rêvons d’un Saint-Louis qui mettra le monde à ses pieds. C’est possible !
Maderpost / Charles FAYE