Par la grâce de la loi d’amnistie votée par l’Assemblée nationale, Dakar compte deux fascistes de plus dont nos oreilles et nos yeux avaient pris congés. Il faudra compter à nouveau sur un vacarme insupportable car vide de contenu et de substance. Notre démocratie se déshonore à avoir un parti fasciste avec cette assise électorale ; le tout avec un programme aride, puéril et dangereux. Un parti d’hommes et de femmes, dont l’adn est l’absence de limite, la propagation de la vulgarité, du mensonge et de la manipulation pour arriver à leurs fins. Combattre ce populisme est une exigence pour éviter que le Sénégal ne rejoigne la trop longue liste d’États au dirigeants pittoresques et irresponsables, qui plongent leurs nations dans les abîmes. Il suffit de jeter un coup d’œil dans la sous-région pour avoir une idée du destin d’un pays avec des populistes aux manettes.
TRIBUNE – Dans cette campagne électorale, le programme que les fascistes sénégalais nous proposent est un aperçu de leur impréparation mais surtout de leur manque de sérieux. La tête d’un État n’est pas un lieu de stage ni un manège pour enfants gâtés. Les masques tombent, car leurs propositions montrent qu’ils n’ont ni la profondeur historique ni la crédibilité technique pour gouverner.
Avec le parti dissous, le projet, ce sont les insultes, les calomnies, les outrances, les outrages, les médisances et les diffamations répétitives qui ont d’ailleurs valu condamnation à son leader. Le projet, ce sont les menaces de mort adressées au chef de l’État, aux magistrats, aux officiers, aux journalistes, aux intellectuels et aux simples citoyens qui ont eu le tort de ne pas se soumettre à leurs injonctions.
La violence verbale charriant toujours la violence physique, le projet a charrié une insurrection, des attaques physiques des médias, des commerces, des stations-service. Le clou du spectacle du projet a été l’incendie de l’université de Dakar.
La profanation du temple du savoir suivie d’une danse autour des flammes, devant le silence d’universitaires devenus pétitionnaires compulsifs, a été le summum de la décivilité et de la barbarie.
Le projet, c’est l’effondrement intellectuel et la décadence morale d’une partie des élites politique et intellectuelle, devenues de vulgaires rentiers, mais qui masquent leur quête du gain et des postes par des postures guerrières qui ne révèlent que leur duplicité.
Le projet, c’est appeler à fusiller les anciens chefs d’État, invoquer les références à la tragédie de Samuel Doe, traiter le doyen des juges de « lâche ». Le projet, c’est chanter et danser devant les dépouilles de Samba Sall, magistrat émérite, et de Pape Serigne Niang, sous-préfet de la République.
Le projet, c’est agréger autour d’une candidature de substitution une trainée d’ambitieux qui suivent de façon moutonnière le néant qui parade. Le projet, c’est instaurer un débat malsain sur l’ethnicisme, inventer une inexistante bataille entre « le Sénégal des Ba et le Sénégal des Faye », « Un Sénégal des Almadies et celui des Parcelles Assainies » comme pour donner corps à une logique belliciste qui réduit l’autre à la figure de l’ennemi à abattre.
Le projet, c’est une recyclerie de vieilles nappes du champ politique, un agrégateur d’étoiles pâlies de la gauche, dont la durée sur le champ politique est inversement proportionnelle au poids électoral, un enclos de petits ambitieux, tonneaux vides adeptes du jambarisme politique ; le projet offre une maison commune aux complotistes, insulteurs publics et autres charlatans…
Une observation rapide de cette assemblée fait penser à Nuremberg aux heures de pointe, tellement les fachos s’y mélangent et s’y échangent des amabilités.
Le projet, ce sont deux personnages grotesques candidats non-candidats qui ne méritent finalement qu’un profond mépris. Leurs noms seront consignés dans le chapitre de l’indignité du grand livre politique national.
Le projet, c’est endosser la charte des Assises nationales, annoncer s’inscrire dans le continuum des luttes du 23 juin 2011 et fustiger les changements institutionnels mais proposer dans son programme présidentiel l’instauration d’un poste de vice-président taillé sur mesure pour son patron.
Le projet, c’est faire preuve d’incohérence et d’absence de colonne vertébrale en critiquant le présidentialisme tout en promettant une fois au pouvoir de le renforcer par l’instauration encore plus marquée d’un régime de type présidentialiste.
Le projet, c’est passer une décennie à honnir le « système », accuser des responsables publics de voleurs et d’incompétents et en faire des alliés une fois qu’ils ont quitté le camp de la majorité.
Le projet, c’est ne justifier d’aucun résultat dans les municipalités dirigées depuis deux ans et transformer le Parlement en une arène de gladiateurs ou en un cirque. Ils y ont installé une culture de la jacquerie, du désordre et de la violence conformément à leur volonté de désacraliser les institutions et de salir notre pays devant les caméras du monde entier.
Le projet, c’est se dire panafricaniste et prôner l’aventure de la monnaie nationale après la sottise de la monnaie locale. C’est exiger de notre pays qu’il renonce à sa vocation d’ouverture, de coopération et de solidarité.
Le projet consiste en une négation du Sénégal et en une ignorance des symboles qui fondent notre récit national. Le Sénégal dirige depuis toujours, quasiment sans discontinuité, la commission de l’Uemoa ; Dakar accueille la banque centrale.
Nous sommes un pays dont la promesse depuis les Pères fondateurs est de nous inscrire dans le schéma du multilatéralisme pour toujours être au cœur des grands enjeux internationaux. Nous sommes une voix sur la scène diplomatique mondiale que le projet par son caractère rabougri et étriqué veut faire taire en nous réduisant en un banal État ordinaire, replié sur lui-même.
Comment être digne de diriger ce grand pays quand on est indigne d’aller à sa conquête sur son propre nom ; quand on est un sous-titre au lieu d’être une parole forte et claire, intelligible et puissante, quand on est une marionnette à la solde d’un aréopage de conspirateurs, de haineux et de revanchards.
La République, c’est une grande exigence sur les valeurs civiques, une responsabilité sur les questions économiques et une volonté de toujours sacraliser la mystique qui entoure le service de ses concitoyens. C’est pour cette raison qu’il faut mener un combat de front contre ces aventuriers dont le programme révèle l’impréparation, la vulgarité et la trivialité.
C’est en républicains engagés et exigeants qu’il faut leur faire face pour préserver notre pays de la violence, de l’intolérance, de la sécession, de l’obscurantisme et de l’intégrisme religieux.
Pour finir, Je m’adresse à la gauche qui a choisi de se renier pour se ranger derrière nos plus vieux et nos plus redoutables adversaires depuis plus de deux siècles : les fanatiques, les nationalistes conservateurs, les promoteurs de l’identité exclusive et les intégristes religieux. En décidant de se renier ainsi, ils montrent que ce n’est ni la cohérence ni la dignité qui les étouffe.
Hamidou Anne
Politiste, ancien élève de l’ENA
Maderpost