Dans cette chronique dédiée au droit des affaires en Afrique, les experts du cabinet Exco GHA Mauritanie, membre des réseaux Exco Afrique et Kreston international et leader de l’audit, du commissariat aux comptes, de l’expertise comptable et du conseil juridique et fiscal en Mauritanie, présentent le régime fiscal et douanier applicable aux sous-traitants intervenant dans le champ gazier Grand Tortue Ahmeyim exploité conjointement par le Sénégal et la Mauritanie dans un exemple de partenariat inédit en Afrique, voire dans le monde. HYDROCARBURES – Le Sénégal et la Mauritanie ont signé en février 2018 un accord de coopération inter-Etats (ACI) portant sur le développement et l’exploitation en commun des réservoirs d’un champ pétrolier dénommé ‘Grand Tortue/Ahmeymin –GTA’. Il s’agit d’un important gisement gazier mis à jour en 2016, qui a la double singularité d’être (i) en Offshore profond, et (ii) à cheval sur la frontière maritime entre les deux pays. Le choix politique affirmé d’une gestion commune de cette ressource s’est aussi traduit par la signature en décembre 2018 d’un acte additionnel à l’ACI, définissant le régime fiscal et douanier applicable aux sous-traitants intervenant dans le Projet GTA. Cet acte additionnel présente trois (3) particularités majeures : 1. Il instaure en son article 142 ‘un ordre fiscal autonome’ –distinct des deux administrations fiscales nationales-, et qui va régir «l’activité des sous-traitants intervenant dans le développement et l’exploitation des hydrocarbures contenus dans les réservoirs du Champ GTA». Ledit Ordre se décline en deux structures :
- – Une ‘Unité mixte’’ qui est l’entité administrative chargée «de la gestion, de la liquidation, du contrôle, du contentieux et du recouvrement des impôts et taxes» dus par les sous-traitants ; et
- – Une Commission fiscale inter-Etats composée des représentants des deux pays, et « …investie des missions de coordination, de supervision et de règlement des différends entre les contribuables et l’Unité mixte» ;
- Il (l’Acte additionnel) institue de facto un ‘Pool’ de recettes fiscales, pour toutes les activités de sous- traitance liées au Projet ; aux termes de l’article 5, lesdites recettes font par la suite l’objet d’une répartition entre les deux Etats, selon la clé de répartition des ressources en hydrocarbures définie par l’ACI.
- Pour les sous-traitants du Projet GTA, le dispositif fiscal institué par l’Acte additionnel prévaut sur toute autre législation –dérogatoire ou de droit commun.
I. Cadre juridique de la sous-traitance – Formalités préliminaires
La qualité de sous-traitant s’applique à «toute personne physique ou morale –de droit mauritanien, sénégalais, ou autre- qui fournit des biens ou services pour les ‘Opérations pétrolières’, telles que définies dans les contrats pétroliers des deux Etats… » (Art. 3). Aucune clause d’exclusivité n’est stipulée. Autrement dit, le fournisseur de biens ou services au Projet GTA acquiert le statut de sous-traitant défini dans l’Acte additionnel, nonobstant les autres activités –similaires ou non- qu’il pourrait réaliser par ailleurs. Les contrats de sous-traitance et leurs éventuels avenants sont toutefois soumis à la formalité de l’enregistrement, avant leur exécution (art. 49). Le sous-traitant ‘GTA’ (i) doit par ailleurs procéder à une déclaration d’existence auprès de l’Unité mixte dans les 15 jours de sa constitution ou du démarrage de ses activités avec le Projet, et (ii) doit disposer d’un agrément délivré par ladite ‘Unité’, agrément qui précise son régime fiscal (Réel ou Forfait).II. Le régime fiscal
L’Acte additionnel institue un régime fiscal dont les grandes lignes se déclinent comme suit :- – Assujettissement à un impôt sur les bénéfices réalisés ;
- – Assujettissement à un impôt sur les salaires ; et,
- – le cas échéant, Assujettissement aux taxes et impôts fonciers sur les immeubles à usage d’habitation.A certaines conditions, formalités et procédures, le sous-traitant du Projet GTA est exonéré de tous autres droits, impôts et taxes d’Etat, y compris les droits de douane, la TVA et les retenues à la source IRCM, IRVM, les contributions foncières, la contribution des patentes, la contribution économique locale. Il reste redevable des droits et redevances pour services rendus et de ceux relatifs aux réglementations en matière de sécurité des personnes, de protection de l’environnement, de droit du travail d’utilisation de domaine.