La situation actuelle dans notre pays, où le premier ministre Ousmane Sonko semble avoir une influence plus marquée que le président Bassirou Diomaye Faye, peut soulever plusieurs questions sur l’équilibre des pouvoirs et la dynamique politique au sein du Sénégal.
TRIBUNE – Si l’on considère le rôle constitutionnel du président de la République, qui détient officiellement les pouvoirs exécutifs majeurs, y compris celui de nommer aux emplois civils et militaires, une telle configuration soulève des préoccupations sur la centralité de son autorité. La présidence est censée incarner l’unité et gérer l’appareil d’État dans sa globalité. Si Ousmane Sonko, en tant que Premier ministre, semble occuper une place de premier plan, cela pourrait indiquer une redéfinition du pouvoir au sein des institutions sénégalaises.
Un Premier ministre avec une telle autorité pourrait, en théorie, renforcer l’efficacité du gouvernement, en étant perçu comme un leader capable de mettre en œuvre des politiques publiques sans la lourdeur d’un président trop impliqué dans les détails administratifs. Cela pourrait offrir à notre pays une gouvernance plus pragmatique et rapide, particulièrement dans un contexte où les défis sociaux, économiques et sécuritaires exigent des réponses fermes. Objectivement ! Cependant, ce type de configuration crée un déséquilibre dans l’exercice des pouvoirs, disons-le tout de suite. Si le Premier ministre prend plus de pouvoir que le président, cela peut réduire la portée de la légitimité présidentielle et entraîner une ambiguïté quant à la ligne de commandement politique du pays.
Cela soulève également des risques de confusion institutionnelle, où les citoyens et les acteurs politiques eux-mêmes peuvent être incertains sur qui détient réellement le pouvoir suprême. Un président dont l’autorité semble contournée pourrait voir sa position affaiblie à la fois sur le plan national et international. L’absence de leadership clair pourrait donner lieu à des luttes internes au sein de l’exécutif, perturbant ainsi la gouvernance. Une telle situation pourrait rendre difficile la mise en place de réformes politiques ou économiques ambitieuses, les décisions étant influencées par une bataille de pouvoir entre deux figures principales, qui ne sont peut-être pas toujours sur la même longueur d’onde.
La concentration des pouvoirs entre les mains d’un seul acteur, même sous forme de Premier ministre, pourrait aussi entraîner un manque de transparence et de responsabilité. La nomination aux emplois civils et militaires, une prérogative clé du président, pourrait être déviée vers des intérêts plus personnels ou partisans, ce qui nuirait à la bonne gestion des institutions et à la stabilité du pays. Le manque de contrôles et de contrepoids pourrait aussi fragiliser les institutions démocratiques, en menant à des dérives autoritaires ou à des situations où la gestion des affaires publiques devient trop étroitement liée à un seul individu ou à un groupe de pouvoir.
Enfin, un équilibre de pouvoirs mal défini peut créer une atmosphère de polarisation politique, où l’opposition pourrait accuser l’exécutif de s’éloigner de l’esprit démocratique. Une telle polarisation risque d’envenimer les relations sociales et politiques, provoquant des tensions entre l’État et les citoyens, ainsi qu’entre les partis politiques. Si cette situation perdure, elle pourrait mener à un climat de méfiance généralisée, où la gouvernance devient perçue non pas comme un bien commun mais comme un champ de bataille pour les ambitions personnelles. Notre pays le Sénégal, qui a longtemps été un modèle de stabilité démocratique en Afrique de l’Ouest, pourrait alors voir sa réputation ternie, et ses institutions démocratiques risqueraient d’être mises à l’épreuve par cette concentration du pouvoir.
Mamadou Biguine Gueye
Journaliste consultant
Coordonnateur du mouvement JEUEF
Maderpost