La jouissance d’une nationalité est, naturellement, obtenue par la naissance. Prendre la nationalité de ses parents est le principe général. Il se trouve aussi que le simple fait de naître dans un pays donne droit, dans certains cas, et dès la naissance, à la nationalité du dit-pays.
Pour prendre un exemple que je connais bien, que de parents sénégalais, encore sous l’astreinte du statut de « résident permanent » ont mis au monde des enfants titulaires du passeport canadien 3 mois après leur naissance ?
Bien évidemment, mon propos d’aujourd’hui s’intéresse au sujet Karim Wade dont un candidat a introduit un recours, pour le faire disqualifier de la candidature à la prochaine élection présidentielle, au motif qu’il serait aussi français. Au-delà des débats passionnés sur les interventions de la nébuleuse de la « Françafrique » dans notre politique intérieure, et la guéguerre des communiqués dans les réseaux sociaux, je m’interroge sur l’approche qui consiste à ne pas étudier, dans le détail, les conditions d’obtention d’une nationalité étrangère lorsqu’un citoyen aspire à diriger notre pays.
Il me semble en effet qu’un candidat qui aurait effectué, à sa majorité, des démarches administratives et judiciaires longues et coûteuses pour obtenir une nationalité étrangère, pourrait être interrogé aux fins de jauger ses motivations et apprécier leur pertinence : raisons professionnelle, raisons économiques et sociales, raisons politiques…
Dans chaque cas de figure, des enquêtes seraient nécessaires et, au bout d’un processus contradictoire, il pourrait être imposé à un candidat à la magistrature suprême de renoncer à sa nationalité étrangère.
Il y’a évidemment un cas de figure qui pourrait justifier le renoncement obligatoire à la double nationalité, juste avant la prestation de serment : par exemple, le risque pour un chef d’état du Sénégal, d’être justiciable dans un pays tiers dont il aurait la nationalité.
Être retenu dans un aéroport étranger par des autorités qui pourraient exhiber la nationalité d’un autre pays d’un chef d’état de passage, ferait vraiment désordre ! Mais c’est un cas extrême qui mérite une réflexion et un traitement approprié. A chaque problème sa solution !
Au demeurant, quelque chose me préoccupe et, très franchement me gêne : Allons-nous reprocher à tous les métis de notre pays, issus de mariages mixtes, d’avoir, à la naissance, bénéficié de la double nationalité ?
Celle de chacun de leurs procréateurs ? Ce sujet me semble trop sérieux pour être traité dans le contexte d’une élection présidentielle ! Au moment où des tensions de toutes sortes se font jour, une réflexion apaisée sur des questions aussi sensibles ne peut être évacuée par la décision d’un juge ! D’autant plus que des urgences… imminentes s’entassent au Conseil Constitutionnel.
Dans le cas de Monsieur Karim Wade et, avant lui du Premier Ministre Abdoul MBAYE, je suis personnellement étonné que l’on ne tienne pas compte du fait que nul ne choisit la nationalité de sa mère et que le simple fait d’en jouir à la naissance est, pour le moins… naturel. Est-il moralement acceptable de couper le cordon ombilical pour l’obtention d’un mandat de 5 ans ? C’est là où me mènent mes réflexions ! Cette affaire n’est pas banale et ne doit pas donner le prétexte à des règlements de comptes politiciens !
Plus globalement, et avec le nombre de plus en plus élevé de sénégalais nés à l’étranger, faisons attention à ne pas discriminer des citoyens qui auront le Sénégal au cœur mais seraient en possession de documents administratifs d’un autre pays.
Avec toutes les restrictions de mobilité qui pèsent sur les passeports africains, un passeport Schengen, australien, américain ou canadien est plutôt commode. Rien à voir avec l’amour de la patrie. Soyons lucides ! Dans le même temps, travaillons pour élever la dignité de nos passeports et la facilitation de nos déplacements à travers le monde.
Rendons nos pays forts, développés et influents. On sortirait nos populations de l’indignité des refus de visas et des traversées désespérés des océans et des déserts…
Quant au fond : Que demande-t-on, fondamentalement, à un candidat à la Présidence de la République ? Une vision et un programme solide pour lui donner corps. Une fois élu, le respect scrupuleux de son serment et la défense intransigeante de la Constitution, des lois et règlements. Puis idéalement, le respect de ses engagements et la reddition des comptes en fin de mandat.
En tout état de cause, et sur la double nationalité qui nous préoccupe aujourd’hui, je plaide pour un examen approfondi au cas par cas. Et je dis, attention à une jurisprudence établie dans l’urgence politicienne.
Le débat est ouvert. Ne le bâclons surtout pas !
A ceux qui seraient tentés de réduire ma réflexion sur le sujet à un soutien à la candidature de Karim Wade, je dis tout simplement : la dernière fois que nous nous sommes parlé c’était en 2016. Il m’avait appelé de Doha pour me présenter ses condoléances à l’occasion du rappel à Allah de mes parents.
A part le partage de quelques tweets par son community manager je n’ai aucun contact avec Karim Wade. Je ne suis pas dans sa galaxie politique. Ni proche. Ni lointaine.
Point n’est donc besoin de faire de la politique-fiction sur les arrière-pensées, éventuellement intéressées de Baaba, qui revendique sa liberté de dire ce qu’il pense, mais de l’argumenter.
Enfin ! Je suis un peu perplexe de voir le seul fils de Abdoulaye Wade, quel que soit ce que l’on pense de lui, après une vie d’engagement politique pour le Sénégal, le seul fils de Viviane Wade qui se revendique, selon ses propres mots «sénégalaise d’ethnie toubab» faire face à des débats sur sa nationalité ! M’enfin…
Écoutons-nous penser parfois ! Les dégâts peuvent être incommensurables…
Amadou Tidiane WONE
Maderpost