Si la Douane, la Police et la Gendarmerie ont réussi à cerner la mafia sénégalaise de la drogue jusqu’à briser la chaine de réception, l’ampleur soudaine du trafic reste une énigme pour les forces de sécurité et les soldats de l’économie nationale. Une enquête du quotidien “Le Témoin”.
DROGUE – En 2018, la production mondiale de cocaïne a battu des records : près de 2.500 de tonnes de cette drogue particulièrement dangereuse ont été récoltées et stockées. Ce qui représente une valeur marchande surréaliste qui donne le tournis : 1 million de milliards de nos francs (un billiard de francs CFA) !
Pour écouler cette production record aux quatre coins du monde, les planteurs colombiens, péruviens, boliviens, brésiliens et mexicains comptent sur les narcotrafiquants à leurs risques et périls.
Mais attention, ces chiffres n’incluent pas l’Afghanistan, l’un des plus grands producteurs mondiaux de pavot mais dont la marchandise de la mort est expédiée dans d’autres parties du monde.
En tout cas, les nombreuses saisies enregistrés il y a quelques semaines à Dakar — là aussi, le record a été battu — montrent que les cartels de la drogue voudraient faire de notre pays un hub de transbordement vers l’Europe et les Usa.
Surtout que le Sénégal est idéalement situé à mi-chemin entre ces deux continents grands consommateurs de cocaïne. Grâce au professionnalisme et à la perspicacité des agents de la douane, de la gendarmerie et de la police sénégalaise — et aux renseignements fournis par les services amis — la plateforme de transit de Dakar a été dynamitée. « Le Témoin » a enquêté…
Qu’est-ce qui explique donc les nombreuses saisies de cocaïne effectuées il y a quelques semaines à Dakar ?
Si la Douane, la Police et la Gendarmerie ont réussi à cerner la mafia sénégalaise de la drogue jusqu’à briser la chaine de réception composée de parrains, narcotrafiquants, transitaires, guetteurs, superviseurs et autres lampistes, l’ampleur soudaine du trafic reste une énigme pour les forces de sécurité et les soldats de l’économie nationale.
Une des explications à ces quantités record saisies au port de Dakar, c’est qu’il y a une surproduction mondiale de cocaïne, une drogue dont la Colombie reste le principal producteur. Suivent de très loin le Pérou, la Bolivie, le Brésil et le Mexique.
Une chose est sûre : jamais jusque-là, dans l’histoire mondiale, une production de cocaïne n’avait atteint 2.500 tonnes produites et stockées soit une valeur marchande surréaliste de 1 million de milliards de nos francs (un billard cfa). Oui vous avez bien lu puisque le prix du gramme de cocaïne oscille entre 75.000 et 500.000 francs CFA selon la qualité et le marché.
Pour vous faire une idée du chiffre d’affaires de ce trafic, prenez votre calculatrice qui va certainement disjoncter !
Naturellement, si les cartels parviennent à écouler cet important stock de cocaïne, l’économie mondiale va s’effondrer. Ce qu’un officier des douanes sénégalaises confirme .
«Non seulement les fortes sommes d’argent issues de la vente vont créer de nouveaux riches dans le monde, mais encore les plus paresseux n’auront plus besoin de travailler, cultiver des champs de céréales ou faire tourner des usines par exemple du fait des retombées financières de cette surproduction de cocaïne. Cette montagne d’argent peut provoquer la faillite de l’économie mondiale. Sans oublier les dommages sociaux liés à la consommation en termes de destruction de la jeunesse des pays visés par les trafiquants», s’inquiète notre soldat de l’économie.
Selon toujours notre officier supérieur des gabelous, la culture des feuilles de coca est la plus rentable de toutes celles pratiquées au monde. En dehors de la fertilité des terres et de l’abondance des pluies dans les pays d’Amérique latine producteurs (Colombie, Pérou, Mexique, Bolivie, Brésil), les récoltes de feuilles de cocaïne se font sans effort.
Aussi bien en Colombie qu’au Pérou, par exemple, la plupart des cultivateurs de feuilles de cocaïne sont des fermiers sans ressources.
«Et comme la production de cocaïne ne nécessite pratiquement aucun investissement, elle est devenue leur principale culture de rente, celle qui enrichit rapidement. Mais si la production est facile, par contre, c’est l’exportation et la commercialisation qui posent problème ! Car, le trafic de drogue est la criminalité la plus combattue par les polices du monde !» alerte notre douanier.
Dans la même foulée, un policier français spécialiste des stupéfiants contacté par «Le Témoin» confie que les ports de Dakar, Abidjan, Téma, Bissau, Lomé, Lagos et Banjul font partie des destinations africaines privilégiées des trafiquants sud-américains.
Lesquels utilisent ces ports comme des hubs de transbordement pour acheminer la drogue dure vers l’Europe et les Etats Unis d’Amérique (Usa).
«Pour les narcotrafiquants, du fait du degré très élevé de la corruption en Afrique, c’est plus facile d’expédier de la drogue à partir des ports africains vers l’Europe et les Usa. Donc si les cartels préfèrent aujourd’hui transiter par l’Afrique pour atteindre les marchés américains et européens, c’est parce qu’en Amérique latine, toutes les routes terrestres et maritimes qu’empruntaient les cartels colombiens et mexicains pour rallier les Usa sont pratiquement coupées par les services de sécurité et de renseignements américains», indique notre policier français spécialisé en matière de stupéfiants.
Afrique, une destination corrompue !
D’ailleurs, M. Amado Philip de André, Représentant régional pour l’Afrique de l’Est de l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (Onudc) avait abondé dans le même sens que notre policier français.
En Afrique de l’Ouest, déclarait-il sur les ondes de radio Bbc-Afrique, on peut acheminer de plus grandes quantités de drogue sans se faire remarquer en raison d’un réseau africain de surveillance quasi inexistant.
«De plus, de nombreux pays ouest-africains sont classés parmi les plus pauvres et les plus corrompus du monde. Et si l’on considère les dispositions pénales relativement peu répressives dans certains pays de la région de l’Afrique de l’Ouest, les trafiquants préfèrent se faire condamner là plutôt qu’en Europe ou ailleurs. De plus, on notera l’insuffisance de la couverture policière : 180 policiers pour 100 000 habitants, c’est la moyenne continentale, alors qu’elle est de 363 agents pour 100 000 habitants en Asie», avait déploré le représentant régional de l’Onudc au lendemain des récentes saisies de cocaïne par la douane sénégalaise.
Selon toujours Amado Philip de André, il arrive que des sacs contenant de la cocaïne soient largués à partir d’avions lorsqu’ils survolent une île inhabitée (la Guinée-Bissau en compte environ 70), où ils sont ensuite ramassés par des complices à bord de canots rapides.
Ces cargaisons importantes sont ensuite divisées, morcelées, pour être emmenées en petites quantités en Europe, par avion ou par bateau. Mais parfois, s’étrangle M. Amado Philip de André, la totalité de la cocaïne est tout simplement acheminée par bateau vers le Portugal ou l’Espagne comme portes d’entrée en Europe.
A la conquête des marchés européens…
Le représentant régional de l’Onudc ne savait pas si bien dire. D’après nos informations, en effet, malgré les nombreuses saisies record effectuées à Dakar suivies de multiples arrestations, les cartels de la drogue ne se découragent guère !
A leurs risques et périls, ils investissent les pays africains pour acheminer leur drogue aux Usa et en Europe qui sont les marchés les plus lucratifs pour leur marchandise criminelle.
L’Europe surtout où le marché de la cocaïne a explosé malgré cette surproduction mondiale. En effet si, en Afrique de l’Ouest, le gramme de cocaïne s’achète en moyenne entre 50.000 et 60.000 francs CFA, en France ou en Espagne notamment, le prix du même gramme varie entre 150 et 200 euros soit de 100.000 à 150.000 francs CFA environ.
Aux Usa, où le trafic de drogue est pratiquement criminalisé, le gramme de cocaïne peut coûter jusqu’à 500 dollars soit 250.000 francs CFA !
Pour écouler aux quatre coins du monde et blanchir cette folle surproduction estimée à 2.500 tonnes, les trafiquants colombiens, péruviens, boliviens, brésiliens et mexicains misent donc sur les parrains africains de la drogue.
Une chaine de relais pour pouvoir conquérir les larges marchés européens beaucoup plus lucratifs. Justement, c’est là qu’interviennent les grands trafiquants et petits convoyeurs africains pour aider les cartels latino-américains à se débarrasser de cette surproduction.
Ce qui ne peut se faire sans passer par les ports de l’Afrique de l’Ouest, aux positions stratégiques entre l’Europe et les Usa.
Dakar, pointe la plus avancée du continent sur son flanc Ouest, et encore une fois située entre l’Europe et les USA, est particulièrement ciblée dans ce dessein.
Heureusement que grâce au professionnalisme et à la perspicacité des douaniers, gendarmes et policiers sénégalais, la destination Dakar est de moins en moins sûre pour les trafiquants criminels de cocaïne.
Car, les récentes saisies globales de plus d’une tonne de cocaïne au port de Dakar par les douanes sénégalaises constituent un véritable coup de frein qui démobilise et décourage les cartels de la drogue. Mais pour combien de temps ?