Non associés aux concertations sur l’impact de la crise épidémiologique, les membres du Conseil national de Concertation et de coopération des ruraux ont tiré, mercredi, la sonnette d’alarme sur la situation qui prévaut dans le monde rural à travers une déclaration dans lesquelles des recommandations ont formulées.
CORONAVIRUS – “C’est au regard de ce rôle et à celui que nous avons toujours joué, depuis notre création en 1993, que nous avons regretté de n’avoir pas été associés aux consultations des forces vives de la Nation, organisées par le Président de la République pour recueillir leurs avis sur la crise du Covid-19”, disent-ils.
“En termes d’effets de la crise du coronavirus sur nos activités agro-sylvo-pastorales et halieutiques, nous notons que la crise du Covid-19 est venue ajouter aux effets d’une campagne agricole 2019-2020 dont les résultats ont été mitigés, en dépit de l’engagement de nos membres et des efforts du gouvernement”, poursuivent la déclaration.
Ils ne s’en limitent pas là. “Aujourd’hui, l’essentiel de nos membres déclarent l’épuisement du stock vivrier familial et ont recours aux marchés pour acheter leur nourriture jusqu’aux prochaines récoltes. Or, la fermeture des loumas hebdomadaires où nous écoulions nos poules, moutons, chèvres, fruits, légumes, céréales, etc., pour maintenir une trésorerie familiale durant la saison sèche, a aggravé la situation alimentaire des familles.”
“Nos exploitations horticoles dont la vente de leurs productions a coïncidé avec l’arrivée du Covid-19, traversent une situation très difficile avec la restriction du transport interurbain qui entrave l’écoulement de la forte production de légumes et de fruits vers les grandes villes.
En zones irriguées, la campagne de contre-saison est préoccupante, la commercialisation et le remboursement des crédits aux banques dans ces conditions de quasi-confinement et de stricte limitation des contacts et des échanges, sont compromises.
En ce qui concerne l’élevage, les transhumants sont encore présents dans les zones de repli du bétail au Sénégal oriental et au sud du pays. Avec les restrictions dans les déplacements, la mobilité des communautés pastorales et agropastorales est très difficile voire impossible, ce qui complique l’accès du bétail aux pâturages et aux points d’eau.”
Le tableau sombre ne s’arrête pas là. “Concernant l’aviculture, l’annulation de grands événements religieux, les restrictions sur la mobilité, la fermeture d’hôtels, de restaurants et de certains marchés ou de consommation de masse ont causé de réelles difficultés dans l’écoulement des produits avicoles.”, relèvent-ils.
Le secteur de la pêche est aussi “fortement impacté par la fermeture ou la réduction du temps d’ouverture des quais de pêche”. “Nos membres constatent une baisse des débarquements entrainant une réduction significative des revenus des pêcheurs. Avec la fermeture des aéroports, les usines d’exportation qui prenaient 80% des captures ne s’approvisionnent plus auprès de nous.”
Les femmes transformatrices rencontrent des difficultés pour l’accès à la matière première et pour écouler leurs productions avec les restrictions dans le transport interurbain et la fermeture des marchés et surtout des loumas. La sécurité alimentaire des communautés de pêcheurs est ainsi lourdement affectée.
Face à ce contexte difficile, le Cncr “regrette la non prise en compte des produits horticoles et avicoles dans les kits alimentaires destinés aux ménages vulnérables au moment où les restrictions sur les déplacements et la fermeture des marchés (loumas) ont empêché l’écoulement de la production.”
Le Cncr “reconnait et remercie l’État du Sénégal pour les nombreuses mesures de soutien et de facilité en faveur des ménages vulnérables et des familles rurales en particulier, pour limiter au mieux les effets du covid-19 sur leur sécurité alimentaire et leurs conditions de vie en général”.
Il s’agit notamment de l’aide alimentaire d’urgence destinée aux ménages vulnérables, des facilités de mobilité offertes aux producteurs et travailleurs saisonniers pour la poursuite de leurs activités de production ou de commercialisation, la réouverture des marchés hebdomadaires (louma), des dons en aliments de bétail et de volaille, des fonds mobilisés pour soutien à la prochaine campagne agricole 2020-2021.
“Toutefois, nous souhaiterions formuler les recommandations ci-après pour renforcer l’action de l’Etat en faveur de nos membres. Dans le court et moyen termes:
Procéder dans les meilleurs délais à la distribution des vivres pour soulager les exploitations familiales affectées par la mauvaise campagne agricole de l’année dernière et atténuer les conséquences de la période de soudure dans le monde rural.
Acheter ou faciliter la commercialisation de la production maraichère et avicole et l’ajouter dans les kits à distribuer aux ménages vulnérables.
Sécuriser la production de riz de la contre-saison dans la vallée du fleuve Sénégal et dans le bassin de l’Anambé. Pour éviter une perte d’une partie de la production de riz avec l’arrivée des pluies, la récolte et le stockage devront se faire très rapidement.
Éponger tout ou partie des dettes dues par les paysans aux industriels et à «La Banque Agricole (LBA) » pour préserver le système de contractualisation prometteuse et sécuriser la prochaine campagne agricole.
Démarrer rapidement la distribution des intrants (semences, engrais, aflasafe) en revoyant à la hausse la subvention
Renforcer l’accompagnement de la production dans les zones où il y a une maîtrise de l’eau (vallée, anambé, niayes, etc.) à travers l’entretien et la réhabilitation des aménagements et une forte subvention des intrants et matériels agricoles
Evaluer et accompagner le système de contractualisation liant OP, Industriels et opérateurs de marchés, en vue de sa généralisation.
Subventionner le carburant des forages de la zone sylvo-pastorale et prendre en charge la maintenance et la réparation pour un bon abreuvement du cheptel gratuitement ou à moindre coût
Soutenir le plan de relance de la filière avicole à travers la mise en place d’un fonds qui permettra aux acteurs actuels de redémarrer leurs activités
Réviser et adapter les horaires de travail dans les quais de débarquement de la pêche pour permettre aux acteurs de la pêche de mener leurs activités dans les meilleurs conditions possibles
Soutenir la relance de la pêche artisanale à travers la mise en place d’un fonds qui permettra aux pêcheurs et aux femmes transformatrices de redémarrer leurs activités. Sur le moyen et long terme, il s’agira de:
Poursuivre et amplifier le renouvellement du matériel et équipement agricoles des exploitations familiales.
Généraliser l’accès à l’eau d’irrigation complémentaire par un programme «Une exploitation familiale, un point d’eau agricole».
Examiner la possibilité d’une diminution sensible du taux d’intérêt débiteur du crédit agricole en l’allégeant de 7,5% à 3% l’an
Bonifier la prime d’assurance agricole à hauteur de 90% en vue de généraliser cette forme de protection de notre agriculture et de ses exploitants familiaux
Renforcer les investissements dans les marchés pour améliorer l’offre de services et assurer le respect les normes d’hygiène
Évaluer et engager la préparation de la nouvelle LOASP en instaurant un dialogue multi-acteurs base sur des évidences scientifiques”.
Le CNCR s’est dit “disposé à accompagner l’Etat dans la réalisation de ces propositions à travers des contrats d’objectifs”.
Le Cncr s’engage à ne ménager “aucun effort pour accroître la résilience des exploitations familiales et ménages ruraux vulnérables face au Covid-19 grâce au renforcement des capacités productives et alimentaires ainsi que des conditions sanitaires.”
Maderpost / IGFM