ENTRETIEN – Le Conseiller Spécial du Premier ministre, chargé des Droits Humains et du Droit Humanitaire et des Affaires politiques M. Pape Abdoulaye Khouma est l’invité de votre émission “13 Mn pour convaincre”. Dans cet entretien, il revient sur le passage du Sénégal à l’examen périodique devant le Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies sur une question importante, la dépénalisation de l’homosexualité, l’affaire Karim Wade, le phénomène Sonko et l’élection présidentielle du 24 Février 2019.
“Le Sénégal n’est pas prêt à dépénaliser l’homosexualité. Ce n’est pas conforme à nos croyances, à nos valeurs sociale et culturelle.”
M. Khouma. Vous rentrez de Genève où vous aviez participé à l’examen périodique devant le Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies sur une question importante, la dépénalisation de l’homosexualité. Est-ce que le Sénégal s’est comporté devant cette instance des Nations Unies ?
Effectivement notre pays s’est bien comporté. Je rappelle que c’est la troisième fois que le Sénégal passe cet examen à l’instar de tous les pays membres devant le Conseil des Nations Unies.
Mais le succès enregistré traduit la vision et les orientations claires du président de la République sur le plan diplomatique. Nous avons été félicités par la Communauté internationale. Mais dès l’entame des travaux de notre passage, nous avons été très clairs. Comme le président l’a voulu et suite aux instructions qu’il avait données en nous disant de la manière la plus forte que le Sénégal n’est pas prêt à varier d’un iota par rapport à sa position sur la dépénalisation de l’homosexualité. Le Sénégal n’est pas prêt à dépénaliser l’homosexualité. Ce n’est pas conforme à nos croyances, à nos valeurs sociales et culturelles.
Sur les autres questions, on n’a pas eu de problème. Ce qu’il faut rappeler, c’est que les Droits de l’Homme, c’est une question transversale. Contrairement à ce que nous avons tendance à penser dans notre pays, les Droits de l’Homme, ce n’est pas seulement les droits politiques et civils, la liberté de presse, d’expression, mais c’est un ensemble. Le droit à la santé, le droit à un toit, le droit au développement.
Sur ce, nous avons été félicités. Parce que nous sommes dans un pays, où nous n’avons pas un journaliste en prison, où des sénégalaises ou des sénégalais ont été arrêtés parce qu’ils ont exprimé une opinion. Ca été un succès éclatant pour le troisième fois pour le Sénégal.
“Karim Wade doit de l’argent, il doit payer… “
L’actualité politique nationale reste dominée par le retour annoncé de Karim Wade. Est-ce qu’il va payer ou non l’amende ? En tant que Conseiller politique du Premier ministre, comment appréciez-vous cette situation ?
Je l’apprécie comme l’a très bien expliqué le président de la République sur France 24. Il a été sous le coup de la loi, une peine a été prononcée. Le président de la République, compte tenu de ses prérogatives, tout ce qu’il peut faire c’est de le gracier comme il le fait pour beaucoup de citoyens à la veille des fêtes.
Maintenant il doit de l’argent au Sénégal. Karim Wade n’est pas exilé de manière forcée. Il est libre, il circule comme il veut à Doha. Il peut venir au Sénégal quand il veut. Mais il faut qu’il sache que le Sénégal est un pays de droit, il y a un jugement qui a été prononcé.
La contrainte par corps est là. Il doit de l’argent. Il doit le payer. Je suis bien placé pour dire qu’il y a beaucoup de Sénégalais qui le font tout le temps. Ce n’est pas médiatisé. Peut-être que Karim est homme politique, c’est pourquoi on en parle.
Mais il faut qu’on arrête de croire dans ce pays que les hommes politiques sont au dessus de la loi.
“Me Amadou Sall n’a qu’à s’arrêter de s’attaquer au président Macky Sall. Il ne boxe pas dans la même catégorie”
Me El Hadj Amadou Sall du Pds a fait une sortie pour dire que Karim Wade va rentrer au Sénégal et il ne va rien payer. Et qu’ils sont prêts à braver l’interdit quitte à ce qu’ils aillent tous en prison ?
Me Sall me fait rire. J’étais avec lui au Palais de la République, sous Wade. Il était Directeur de cabinet politique du Président de la République. De 2004 à 2012, j’étais à la Présidence où j’ai fait toutes mes humanités. Je suis à même de dire que ces mêmes insanités qu’ils déversent aujourd’hui sur le président Macky Sall, ce sont les mêmes qu’il déversait sur le président Wade étant son ministre d’Etat.
Je me rappelle, il me disait tout le temps, regarde jeune frère, en tant que Directeur de cabinet du Président, je partage mon bureau de 9 m2 avec mon assistante. Le jour où il a été nommé ministre d’Etat, il a crié sur tous les toits pour dire qu’il n’en voulait pas. Il disait que Wade l’a humilié. Il disait que Wade allait perdre le pouvoir à cause de son fils Karim Wade. Il ne pouvait pas piper ce gars-là. Je suis témoin de tout cela. Parce que nous partagions l’espace présidentiel. C’est pourquoi, je suis étonné aujourd’hui, quand il porte en bandoulière un supposé combat de Karim Wade qu’il veut défendre. Il n’est pas même pas le porte-parole du Pds, parce qu’il ne communique pas avec Karim Wade, même pas par Watsapp. Karim Wade ne l’appelle pas.
Il n’a qu’à s’arrêter de s’attaquer au président Macky Sall. Il ne boxe pas dans la même catégorie que lui. Le président Macky Sall est un homme de valeurs, de conviction, on ne l’entendra jamais dire des choses qu’il ne devrait pas dire sur le président Wade.
“Le mérite de Macky Sall, c’est d’avoir réussi avec un Cv et un cursus que personne n’a dans ce pays”
Les Libéraux sortent d’autres informations sur les réseaux sociaux pour dire que le président Macky Sall peinait à payer sa location en 2000, aujourd’hui il est à la tête d’un empire financier ?
Qui n’a pas eu ces genres de problèmes. Moi qui vous parle, je viens d’une petite localité comme Fatick. J’étais étudiant à Lyon. Il m’est arrivé avec des amis de faire le tour de la ville pour chercher de quoi manger.
A un certain moment de notre vie, nous avons tous traversé des difficultés. Ça vraiment, c’est un débat de bas étage. Le président Wade disait qu’il allait à l’école sans chaussures pendant deux semaines.
Le mérite de Macky Sall, c’est d’avoir réussi avec un Cv et un cursus que personne n’a dans ce pays. Il faut arrêter de descendre à ce niveau. Je ne cherche même pas à savoir le passé de Babacar Gaye dans son Saloum natal et ce qu’il est aujourd’hui.
“Il faut que nos camarades de l’Apr arrêtent de s’attaquer à Sonko”
Le phénomène Sonko, paraît-il, inquiète au sommet ?
Certains le disent. Mais c’est mal connaître les méandres de la politique. Par contre, vous me donnez l’occasion de dire aux camarades de l’Apr qu’ils arrêtent de s’attaquer à ce gars-là. Cela ne vaut pas la peine. Ils ont autre chose à faire, il faut qu’ils s’attèlent à régler le problème du parrainage.
A atteindre la barre qui a été fixée par le président de la République, Macky Sall, travailler pour la réélection du président de la République dès le premier tour. C’est cela la priorité.
Malheureusement quand on est à côté d’un chef d’Etat et qu’on n’a pas la capacité intellectuelle de prouver sa présence dans ce cercle, tout ce qu’on peut lui montrer, c’est de lui dire que je suis le dernier rempart sur lequel il faudrait passer pour t’attaquer. Ce n’est pas bien, cette façon de faire la politique. Ce n’est pas comme ça que je vois la politique.
J’ai la chance d’être le collaborateur d’un Premier ministre qui a une vision tout à fait différente de ça. J’ai la chance de connaître le président de la République, je sais qu’il n’aime pas cette façon de faire la politique, d’insulter les gens.
Parce que ce sont des hommes civilisés, des hommes modernes, qui ont une façon civilisée de faire la politique.
Je ne suis pas la voix plus autorisée dans ce parti, mais je suis gêné de voir les militants de l’Apr de faire des sorties incendiaires. On n’insulte pas les gens. Apprenons à être des hommes civilisés.
“Il y a des localités comme Touba et Dakar où nous devons redoubler d’efforts”
On est à quatre mois de l’élection présidentielle, Dakar reste la mère des batailles. La candidature de Khalifa Sall et de Karim Wade ne sont toujours pas confirmées. Comment l’Apr va s’organiser avec le ministre Amadou Bâ, patron de Dakar, en vue de cette échéance électorale ?
Très à l’aise. C’est vrai que nous avons des localités où nous devons redoubler d’efforts. C’est comme la ville de Touba, c’est comme Dakar. Comme dans tous les pays du monde, les capitales administratives sont en général contre le pouvoir. Même si cela reste à vérifier. Le président de la République a déployé beaucoup de moyens pour les grandes métropoles de ce pays.
Mais il appartient aux hommes politiques, qui sont ses relais au niveau de la capitale par exemple, de faire le travail restant. J’ai le plaisir de constater que le ministre des Finances, Amadou Bâ, derrière lui d’autres responsables comme Abdoulaye Diouf Sarr, Mbaye Ndiaye, Seydou Guèye, entre autres, sont en train de faire un travail excellent depuis que le parrainage a été lancé. Ils sont en train de s’investir auprès la population pour la reconquête de la capitale et de la ville sainte de Touba.
Propos recueillis par Harouna FALL/IGFM