L’économiste Pape Demba Thiam critique vertement les interdictions d’exportation de matières premières regrettant qu’elles soient prises sans études au détriment de l’économie qui se délite comme en Guinée où l’ancien chef de la junte Moussa Dadis Camara avait interdit l’exportation de poissons et de tout autre produit de mer.
Par Pape Demba Thiam
TRIBUNE – Arrivé au pouvoir en Guinée par un coup d’état militaire, Moussa Dadis Camara a cru pouvoir nourrir ses populations, en interdisant l’exportation de poissons et de tout autre produit de mer
Dans sa tête de soldat qui contrôle et abuse des moyens de la violence, il s’était dit que si les produits halieutiques n’étaient plus exportés, les pêcheurs les braderaient pour nourrir les populations.
Les résultats directs de sa naïveté de politicien populiste ne se sont faits pas attendre :
1. Les pêcheurs ne sont plus partis en mer, parce que leurs activités étaient aussi préfinancés par des mareyeurs à qui ils revendaient leurs captures;
2. Les mareyeurs ont arrêté leurs activités qui consistaient à alimenter les marchés domestiques, les usines de traitement, les exportateurs, les femmes qui travaillaient les produits de pêche pour en faire des produits fumés et séchés etc.;
3. Les emplois ont été ainsi massivement détruits dans toutes les filières qui vivaient de la pêche;
4. Les micro-entreprises qui offraient des services non financiers à ces filières, comme le stockage en froid, la fourniture de glace et des caisses pour les captures, la réparation des filets de pêche, ont toutes été en cessation de paiements;
5. Les PME qui étaient impliquées dans les chaînes de valeurs et les chaînes logistiques sur les filières de la pêche ont été financièrement asphyxiées et ont fini par faire faillite;
6. Les importateurs de produits halieutiques de l’Ouest Africain Tropical ont cessé de référencer l’origine-Guinée auprès de leurs clients grossistes, demi-grossistes et détaillants ;
7. Le marché international s’est déshabitué aux produits halieutiques qui venaient de Guinée;
8. Investir dans toute activité liée à la pêche y est rapidement devenu un risque commercial, financier, économique et politique ;
9. Investir en Guinée était simplement devenu trop risqué pour les entrepreneurs locaux et étrangers ;
10. C’est ainsi qu’entre décembre 2008 et Janvier 2010, même des bailleurs de fonds comme la Banque Mondiale et l’Union Européenne ne pouvaient plus s’engager à financer des projets de développement qui touchaient les secteurs de la pêche en Guinée.
11. En conséquence, il n’y avait plus d’investissements publics en infrastructures dans les secteurs liés à la pêche qui étaient et sont toujours, d’énormes réservoirs de sources de croissance intégrée, endogène et inclusive, qui permettraient de bâtir l’économie guinéenne sur ses forces.
12. Cette absence de politique d’infrastructures motivée par la transformation des lignes de production endogènes en chaînes de valeurs qui convergent vers des centres de croissance multipolaires pour créer des grappes économiques solidaires, continue de peser sur les populations Guinéennes qui s’appauvrissent davantage en étant assises sur des tas de richesses.
Ainsi donc, j’ai des urticaires, chaque fois que j’entends parler de prix administrés et d’interdiction d’exportation.
Pape Demba Thiam, Economiste