« Il faut que les citoyens changent de posture pour que cette alternance soit une alternative. Avoir un regard critique à l’endroit du nouveau régime est une exigence voire une nécessité. Le Sénégal vient de sortir d’une crise politique sans précédent qui a détruit des vies et fait beaucoup de victimes. » L’ex coordinateur de Y en a marre Fadel Barro.
TRIBUNE – La suppression du Haut Conseil des Collectivités territoriales (HCCT) et du Conseil économique social et environnemental (CESE) hautement souhaitée et envisagée par le Président de la République est en examen à l’Assemblée nationale en session extraordinaire, ce jeudi 29 août 2024. L’urgence n’était-elle pas de décliner une vision claire aux sénégalais qui se perdent face à la cacophonie d’un pilotage à vue et au « waw-waw-souba », adoptés en principe de gouvernance.
Si la volonté de réduire le train de vie de l’Etat est à ce point sérieuse, cela aurait dû commencer par la suppression des agences reconduites et qui n’auront servi qu’à caser une clientèle politique.
Thiaroye 44, un récit peu pris en charge par les historiens Sénégalais, privés des archives, dont notre absence de sens de la sauvegarde aura favorisé la volatilité.
Quiconque a entendu le son lancinant et métallique de cet harmonica restera longtemps habité par les images atroces qu’il accompagne, celles de mitrailleuses crachant la mort sur des corps affolés et sans défense. Camp de Thiaroye, le film des Sénégalais Ousmane Sembène et Thierno Faty Sow tourné en 1988, s’achève, après plus de deux heures de tension, dans un déferlement de violence inouï.
Et il fallait bien une fiction de cette ampleur, dont la musique est signée Ismaël Lô, pour donner à voir la réalité du massacre de Thiaroye, survenu le 1er décembre 1944, au cours duquel l’armée française n’hésita pas à ouvrir le feu sur des tirailleurs sénégalais, anciens prisonniers de guerre, qui avaient osé réclamer le paiement de leur pécule, de leur prime de démobilisation et de leurs arriérés de solde. « Gloire à vous tirailleurs noirs, gloire à vous les étoiles du jour sur qui aucun soleil ne se couche », a ainsi conclu Amadou Lamine Sall dans un poignant poème qu’il a consacré à cette terreur historique.
Le premier ministre sénégalais, Ousmane Sonko, a réagi opportunément et vivement à la décision de Paris de reconnaître « morts pour la France » à titre posthume six tirailleurs exécutés sur ordre d’officiers de l’armée française à Thiaroye en 1944, tenant à rappeler à la France « qu’elle ne pourra plus ni faire ni conter seule ce bout d’histoire tragique. Ce n’est pas à elle de fixer unilatéralement le nombre d’Africains trahis et assassinés après qu’ils ont contribué à la sauver, ni le type et la portée de la reconnaissance et des réparations qu’ils méritent ».
Pendant des décennies, le Sénégal a enterré le sujet de l’histoire coloniale. Le travail de mémoire n’a pas été fait comme il fallait. Aujourd’hui, il faut s’y atteler, et c’est ce que le Premier ministre Ousmane Sonko a eu raison et vision de réveiller, rappelant avec fierté, que « l’entretien de « notre mémoire devait être fait par nous-mêmes, Sénégalais ». Nous avons su attendre 64 ans, il n’y avait point d’urgence à secouer notre mémoire oublieuse, mais ne boudons pas notre plaisir, mieux vaut tard que jamais.
Qui peut le plus peut le moins…Thiaroye 44 versus Dakar 2021
Au moment de sa prestation de serment, qui coïncidait avec la célébration de notre indépendance, le Chef de l’Etat appelait de ses vœux, qu’au-delà de la Patrie, notre Nation se réconcilie, et recouse son tissu social lacéré par deux années ponctuées d’horribles drames humains et de désastres économiques, anni horribili, causées par le fait que des millions de Sénégalais n’avaient pas su accepter ce que l’opposition de l’époque les avait convaincus ne procéder que d’un complot ourdi par le pouvoir de Macky Sall, et qui aboutit alors à mettre des milliers de jeunes gens en révolte dans les rues des grandes villes du Sénégal, déterminés à laver et défendre l’honneur selon eux bafoué d’Ousmane Sonko. Ce que le Sénégal a traversé durant ces deux années, et qui a énormément contribué au rejet sans appel du pouvoir de Macky Sall, le Président de la République a le devoir d’éclairer les populations sur la réalité d’un complot, dont les noms des prétendus cerveaux avaient été jetés en pâture à l’appétit de savoir la vérité des Sénégalais. Thiaroye 44, c’est bien, Dakar 2021, c’est mieux !!!
Le Président de la République, dans son rôle de prendre des initiatives, a toute la latitude d’utiliser l’article 63 qui peut aussi permettre de convoquer une session extraordinaire afin d’introduire un projet d’abrogation de la loi d’amnistie sur les récentes émeutes au Sénégal. Plus de 80 personnes ont été tuées et leurs familles réclament encore justice. Que les responsabilités soient situées et que justice soit faite. Nous avons le droit de savoir si Antoine Diome, Maître Dior Diagne et autres magistrats cités alors comme complices morbides de ce complot aux conséquences sanglantes, devront être poursuivis pour forfaiture et jetés en prison. Chiche ? La résilience et la concorde appelées de vos vœux est à ce prix. Une impérieuse urgence… Plus attendue par les Sénégalais que le coût du CESE ou du HCCT, le décret de répartition des services de l’Etat aurait pu rationaliser les dépenses et réduire considérablement le train de vie de l’Etat en attendant qu’une loi intervienne pour les réformes constitutionnelles, dans le cadre d’une Assemblée nationale nouvellement composée.
Mais on fait comme tous les Sénégalais quand ils arrivent au boulot : Ils traitent d’abord du « facile » avant de partir à l’assaut de l’urgent. On ne se refait pas.
Jean Pierre Corréa
Maderpost