Le monde a regardé l’Amérique renouer avec ses fantasmes. En élisant, contre toute attente, Donald Trump quatre ans plus tôt, elle amorçait un surprenant repli par un slogan tout aussi étonnant : « America First ! ». Tout ce qu’il a fait le long de son règne relevait de l’inédit. Les théories du complot ressurgissent. Les soupçons fleurissent à nouveau. L’Amérique se divise et se subdivise. Les fractures politiques s’approfondissent. Partout sur ces terres de puissance s’installe l’insécurité qui fragilise la nation et désarticule son unité. L’Amérique recule. Plus grave, elle ne s’en rend pas compte. Par Mamadou NDIAYE TRIBUNE – Cette « descente aux enfers » pouvait-elle perdurer ? Voilà l’équation politique qui se posait aux Américains saisis par des peurs multiples : l’envahissement, le communautarisme, le cloisonnement, le déchainement de haine, les passions et les violences. La grandeur des Etats-Unis s’effiloche avec le brutal réveil des bas instincts sur lesquels surfe le Président sortant qui en fait son fond de commerce politique. Les tensions affleurent certes. Mais les foules acclament Trump qui pourfend les idéologies et prône le pragmatisme. En l’absence de vision, le choc Trump se présente comme une réponse aux angoisses d’ordre existentiel. Ainsi le débat d’idées s’estompe pour céder la place aux formules lapidaires sans prise réelle sur le destin de la société dans laquelle prospère le conservatisme. A mesure que persistait la crise, Donald Trump n’apparaissait plus comme la solution mais plutôt comme le problème ; autrement dit, l’intrus. Il fallait l’expurger pour redonner du sens à la politique, tel était l’engagement du candidat démocrate Joe Biden, récent vainqueur de l’élection présidentielle 2020. Président élu, l’ancien vice-président de Barack Obama habite très vite la fonction et adopte la tonalité appropriée. Ainsi, la messe est dite. Un à un, les grands patrons de l’industrie lâchent Trump et l’invitent à reconnaître sa défaite en félicitant le président élu. Il tarde à le faire cependant. Tout le monde craint l’enlisement. Or les Bourses n’aiment pas l’incertitude. La bonne nouvelle vient du dénouement du vote de l’Etat-clé de Pennsylvanie remporté par Joe Biden. Lequel rassure et se montre empathique à l’égard de tous les Américains. Il fait du combat sanitaire sa priorité avec « la Task force » qu’il a créée pour piloter la riposte en s’appuyant sur la science. Sans critiquer ouvertement son prédécesseur, le nouveau président élu, veut tuer dans l’œuf « la montée des extrêmes » à l’origine des affrontements manichéens et des polarisations contre-productives. A 78 ans, Biden incarne « l’homme de l’avenir » afin d’amorcer avec lucidité les ruptures salvatrices. Les Etats-Unis en ont besoin pour retrouver leur place sur l’échiquier politique mondial. Ce dessein n’en épuise pas un autre, interne celui-là : ressouder la nation autour des valeurs fondatrices de l’Etat fédéral qui est un esprit, un projet de vie en commun, en définitive « une certaine idée de civilisation où la liberté reste cardinale. » Plus que la victoire de Biden c’est la défaite de Trump qui s’apprécie comme « un choix de raison ». Le 45ème Président des Etats-Unis paie le revers de son outrecuidance. Il pousse loin, trop loin le bouchon. En d’autres termes la rectification du vote s’est appuyée sur une approche prudentielle pour souligner à l’arrivée que le président milliardaire n’était qu’un « accident de parcours ». Et de l’histoire. En clair, une parenthèse à refermer au plus vite avec l’option Biden « un mélange de bon sens, de mesure, de pondération et d’expérience », ainsi décrit par un analyste politique de la chaîne CNN. L’autre charme de la victoire de Joe Biden s’écrit au féminin avec la présence dans le ticket gagnant de Kamala Harris, redoutable juge de Californie, femme forte et respectée, talentueuse et compétente. Elle apporte de la fraîcheur à la présidence Biden. En outre, elle condense en elle une kyrielle d’aspirations : première femme, de surcroit Noire, devenue vice président des Etats-Unis. Par sa seule présence au sein du prochain exécutif américain, elle va contribuer à modifier le regard de l’Amérique profonde à l’égard des minorités visibles. En outre, sa jeunesse constitue un atout politique décisif dans les années à venir avec d’éventuels scénarios de gouvernance à envisager. Le ticket Biden-Harris a bénéficié du soutien inattendu mais réaliste de Républicains très portés par les idéaux de progrès, d’ouverture et de tolérance. Si la victoire du sénateur de Delaware a mis du temps à se dessiner, elle n’en est que plus éclatante en ce qu’elle représente un énorme défi politique pour gommer l’arrogance envahissante de Trump. Les adversités sont nombreuses : guerre commerciales et technologiques, rapports heurtés avec la Chine, émergence de puissances régionales, géopolitique internationale en recomposition, affirmation plus prononcée de l’Europe, les problématiques de liberté et sécurité. Le terrorisme international constitue l’autre faille des nations suppose le renforcement des coopérations, notamment dans le précieux domaine du renseignement, à une époque où prolifèrent les nouvelles technologies alors que les repères s’évanouissent. Tous les grands dirigeants des divers continents apprécient l’arrivée au pouvoir de Joe Biden avec l’espoir d’un retour au multilatéralisme durement malmené par l’administration Trump qui a privilégié ostensiblement le repli sur soi. Les Européens évoquent la reprise des relations transatlantiques pour conjurer les menaces. Le Proche et le Moyen-Orient établissent leurs priorités dans un contexte de conjoncture moins souriante pour le pétrole et le gaz avec l’option de Washington d’exploiter le gaz de schiste, abondant sur le sol américain. L’Afrique, pour sa part, exprime mollement ses desseins et ses ambitions. Pourtant, en tant que continent, elle est au cœur des stratégies géopolitiques mondiales que déploient les grandes puissances. Sa vitalité démographique est un atout incomparable au moment où partout s’observe un vieillissement des populations. Ses richesses faramineuses viennent en appoint à cet attrait qu’exerce l’Afrique sur le reste du monde qui la convoite. L’union sacrée devrait être le leitmotiv des dirigeants africains appelés à taire les « petits égos », à privilégier une approche globalisante des défis du continent dans une logique d’intégration. Trump a snobé l’Afrique. Il ne s’y est pas rendu, pas une seule fois, et pire, il a toisé les chefs d’Etat africains qu’il avait très peu en estime. Joe Biden lui, y a séjourné en qualité de vice-président à l’époque de l’administration Obama. L’espoir est bien là. Karmala Harris pourrait accentuer la perspective en devenant l’arme de séduction massive d’une Amérique. Mais ne l’oublions pas : Karmala est et reste citoyenne américaine… ]]>
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