Pendant que l’architecte sénégalais Pierre Goudiaby Atepa et d’autres Dakarois soucieux de la préservation de la corniche se battent quasiment dans l’indifférence, le ministère marocain de l’Intérieur ordonne la démolition, à Temara, d’un complexe résidentiel de plusieurs centaines d’appartements construits sans obtention des autorisations nécessaires, constate Maderpost à la lecture de la revue de presse du 10 octobre dernier du quotidien Al Ahdath Al Maghribia.
MAROC – Au Maroc, Sa Majesté Mohammed VI ne joue pas avec le foncier. Déjà en 2020, lors d’une visite le 8 février de la construction de la station balnéaire et touristique Taghazout bay, dans la capitale du Souss, le souverain marocain avait ordonné l’arrêt du chantier, la démolition des villas et d’une partie des hôtels, non sans donner des instructions pour la reconstruction de plusieurs édifices.
Et pour cause de nombreuses irrégularités avaient été relevées dans la construction, notamment des « infractions, des empiétements des constructions sur le domaine public, surtout la voie publique et les espaces verts, la dégradation de la seule voie desservant et longeant cette station ».
Insatisfait du déroulement des travaux de construction de cette station de 650 hectares, l’une des plus importantes en Afrique du Nord, selon le quotidien Al Ahdath Al Maghribia, Mohammed VI ordonnait une semaine après, la démolition des infrastructures non conformes au code de l’urbanisme et aux plans initiaux du projet.
C’est ainsi que trois grands hôtels appartenant à des enseignes de renommée mondiale, toujours en cours de construction, et quatre villas situées sur une surface de 160 m2 chacune, avaient été démolis après l’évacuation du chantier. Mounia Boucetta, responsable légale de Madaef, une filiale de la CDG, avait été invitée à démolir les quatre villas construites sur le domaine public et deux chambres dans l’aile sud de l’hôtel Hyatt Regency, en cours de construction, précise la même source.
En octobre dernier, rebelotte, une commission d’inspection du ministère marocain de l’Intérieur recommande la démolition d’un complexe résidentiel, comportant plusieurs centaines d’appartements, bâti à Temara sans que son promoteur n’ait obtenu les autorisations nécessaires.
Le quotidien Al Ahdath Al Maghribia rapporte, dans son édition du vendredi 21 octobre, que ladite commission a confié aux autorités locales de cette ville la mise à exécution de l’opération de démolition. La première réunion préparatoire convoquée par le gouverneur a rassemblé plusieurs responsables de la préfecture, de la police, de la protection civile et des communes.
Des enquêtes parallèles sont en cours pour déterminer la responsabilisé des uns et des autres dans cette infraction d’urbanisme d’envergure. Il est difficile, en effet, de convaincre l’opinion publique et les différentes commissions d’inspection que ce complexe résidentiel a été construit clandestinement sans que les responsables locaux, provinciaux et communaux ne s’en soient aperçu.
Selon toujours la source, le promoteur immobilier qui a construit ce complexe aurait eu recours à la justice dès qu’il a eu vent de la décision de l’entame de la procédure de démolition. Un recours qui pourrait bloquer cette opération tant que la procédure judiciaire n’est pas arrivée à son terme.
Le quotidien Al Ahdath Al Maghribia souligne que ce scénario rappelle un scandale similaire qui a secoué, il y a sept ans, la préfecture de Skhirat-Temara. Le tribunal avait alors ordonné la démolition de plusieurs immeubles, d’une Amicale d’habitat, construits illégalement.
L’Observatoire national de lutte contre la corruption avait adressé une requête au ministre de l’Intérieur lui demandant d’intervenir pour déterminer les responsabilités dans cette affaire sans que ces promoteurs n’aient obtenu les autorisations nécessaires.
L’Observatoire marocain s’est interrogé sur la responsabilité des services chargés de l’urbanisme au sein de la préfecture de Skhirat-Temara qui ont fermé les yeux sur un scandale sans précèdent. Dans un communiqué, l’Observatoire n’a pas hésité à pointer du doigt la responsabilité indubitable des autorités locales qui auraient failli à leur mission de contrôle.
A Dakar, le 15 octobre dernier, Pierre Goudiaby Atépa convoquait une conférence de presse pour s’émouvoir de la construction dans l’indifférence générale d’un immeuble R+6 de l’importateur de riz Moustapha Ndiaye.
Sans ménagement, l’architecte sénégalais le plus connu en Afrique, voire dans le monde, assurait que le bâtiment violait les normes d’urbanisme et que pire encore, il était construit à titre privé dans le Domaine national public, donc dans la plus grande illégalité. « Cet immeuble prive les Dakarois d’une vue sur la mer et empêche l’air de circuler », dénonçait-t-il dans les colonnes de Wal fadjri, suppliant les autorités d’arrêter « le carnage foncier parce que le domaine maritime national est inaliénable. On ne peut pas y avoir de titre foncier ».
Pierre Goudiaby Atepa était d’autant plus offusqué que le double véto du ministère de l’Urbanisme et de la Descos interdisant la construction de cet immeuble pour « non-conformité aux normes requises dans cette zone » avait été levé par la Cour suprême.
Estomaqué par la décision de la haute juridiction, Atepa a jugé bon de l’attaquer, non sans rappeler au Président Macky Sall sa promesse. « C’est lui qui avait décidé de la suppression de tous les baux individuels sur la Corniche ». Barthélémy Dias, édile de Dakar, en avait aussi pris pour son grade. « Peut-être qu’il n’avait pas toutes les informations en signant cette autorisation », disait-il aux journalistes, rappelant tout de même qu’il devait intervenir « dans tous les cas, parce que la Cour suprême s’est fondée sur son autorisation pour casser l’arrêté du ministère de l’Urbanisme et de la Descos ».
Interpellant les députés, il leur demandait de prendre en main cette question nationale qui prive les Dakarois des vents marins et surtout d’une thérapie naturelle dont les vertus sont reconnues par tous les spécialistes. «Nous interpellons aussi les nouveaux députés pour qu’ils fassent une question orale à l’Assemblée nationale parce qu’il faut que les Sénégalais se réveillent et qu’on arrête ce carnage foncier.»
Jadis, panorama naturel d’une façade maritime enviée par tous, la corniche est devenue la chasse gardée des nantis qui y construisent immeubles et villas, privant les habitants de Mermoz, de Fann Résidence, Fann Hock depuis des lustres, les Dakarois, Sénégalais, étrangers, passant, d’une vie imprenable sur la Mer.
Maderpost