Boubacar Camara pourrait être le Premier ministre de ce président qui gagnerait et s’occuperait de « mettre de l’ordre » pour nous en mettant en œuvre les réformes administratives contenues dans son livre.
CONTRIBUTION – C’est avec plaisir que nous nous sommes attelés à la lecture attentive du livre de Boubacar Camara « Construire le Sénégal du Futur ». Nous nous étions promis de lui consacrer un article du fait de notre perception de la sincérité de son auteur dans son engagement pour le Sénégal et également pour contribuer à attirer l’attention sur son importance. Son livre est effectivement paru en même temps que celui de Cheikh Yerim Seck « Macky Sall face à l’histoire » qui l’a éclipsé puisque traitant du sujet favori des Sénégalais, les intrigues politiques.
Suite à la lecture du livre, nous sommes arrivés à la conclusion que le dernier chapitre devait être le premier et la vision définie au début du livre reformulée ainsi qui suit pour être plus exacte : Un Sénégal associé à ses proches voisins dans un État fédéral libre, développé, et bien géré dans la solidarité à travers l’industrialisation financée par le troc de ressources naturelles en échange des investissements nécessaires. Nous aurions ensuite titré le livre : « Le Sénégal Leader dans une Afrique Nouvelle ».
De ce fait, au-delà de la bonne gouvernance et de la solidarité, la thèse principale de Boubacar Camara se trouve dans sa stratégie de financement par le troc de ressources naturelles qu’auraient les états fédérés et à défaut de cet état à court terme, le Sénégal qui changerait de cap. Nous disions dans des contributions précédentes que l’alternance au pouvoir dans un pays pouvait se justifier par trois facteurs : 1) Une mauvaise allocation des ressources budgétaires
2) Une gestion peu efficiente, efficace, et éthique des affaires publiques
3) une mauvaise stratégie de création de richesses, ou les trois à la fois.
Pour nous, le problème principal du Sénégal se trouve dans notre stratégie de création de richesse car dans le contexte d’une grande pauvreté, une mauvaise allocation de ressources insuffisantes, le manque d’éthique et d’efficacité d’un état centralisé source de convoitises corruptrices, et l’incapacité de financer la solidarité, sont des conséquences pour les libéraux que nous sommes. Si en revanche, on est adepte d’un État stratège à travers le budget pour la création de richesse, comme semble l’être Boubacar Camara, il est normal qu’il mette l’accent sur la nécessité d’une administration développementaliste agissant avec une éthique à toute épreuve, mais surtout capable de financer sa vision. Engagé dans ce dernier paradigme et conscient de la contrainte de financement de cet état, Boubacar Camara s’est rabattu sur les ressources naturelles à échanger pour financer ses interventions.
Cependant, dans l’argumentaire, Boubacar Camara a plus convaincu sur la gouvernance et l’éthique que sur la création de richesses. En effet, il n’est pas nécessaire d’opérer un troc de nos ressources naturelles pour financer un État stratège, car que ça soit une dette non liée cash fongible ou du troc, dans les deux cas, il s’agira d’une dette garantie par des revenus potentiels y compris de l’exploitation de ressources naturelles. Il est d’ailleurs préférable dans une stratégie d’endettement à moyen terme, de ne pas se lier les mains par le troc avec des partenaires spécifiques, car nous ne pouvons pas emprunter toute la valeur actuelle de nos ressources naturelles en une fois. Même si nous le pouvions, il ne serait pas indiqué de dépenser les ressources correspondantes car l’inflation que ça générerait, au vu des capacités de production limitées à court terme, détruirait notre économie comme c’est le cas dans les pays victimes de la maladie dite « hollandaise » riches en ressources naturelles. Il est préférable d’avoir accès aux marchés financiers (en monnaie nationale ouverts aux résidents et non-résidents ou en devises) et avoir la liberté de financer comme nous le voudrions un état développementaliste en partenariat public-privé. Ces partenariats seraient ouverts à la concurrence dans un cadre macroéconomique maitrisé sans sombrer dans la dépendance vis-à-vis de partenaires spécifiques. Cette dernière façon de faire a effectivement lié les mains de plusieurs pays africains qui ont hypothéqué leurs ressources naturelles à la Chine en échange d’infrastructures. Ces pays n’ont pas nécessairement accès aux marchés financiers internationaux pour d’autres raisons. Le Sénégal n’a pas le même problème.
Ceci dit, même avec cette problématique de financement résolue par la dette fongible plutôt que le troc, il demeure qu’un état stratège financé du fait de sa solvabilité découlant de sa richesse en ressources naturelles bien exploitées, devra être efficace, efficient, et éthique dans sa gestion. De ce dernier point de vue, Boubacar Camara a convaincu.
Que Boubacar Camara nous ait plus convaincu dans le registre du management que du leadership n’est pas étonnant au vu de son parcours professionnel d’Inspecteur d’État. Il a fait un diagnostic de tous les secteurs et a fait des recommandations pour améliorer leur gestion, c’est la perspective d’un auditeur. Il a brillamment exposé la nécessité de séparer 15 fonctions ministérielles politiques de fonctions administratives dans 36 directions pourvues en personnel par le mérite sous le leadership de 9 secrétaires d’état également fonctionnaires. Ces secrétaires d’état seraient sous l’autorité hiérarchique d’un Premier Ministre. Ce Premier Ministre ne pourra en réalité être qu’un administratif et c’est de ce point de vue que nous avons titré notre article, Boubacar Camara, Président ou Premier Ministre. Il nous semble que Boubacar Camara a réussi une interview pour le poste de Premier Ministre et le Sénégal aurait gagné à l’avoir à ce poste pour mener une réforme de notre administration qui la purgerait de l’influence de la politique politicienne et de la corruption. Il en a la crédibilité.
Ainsi, s’il s’avère que le président de la République que nous élirons est adepte d’un État stratège, il aurait une administration efficace, efficiente, et travaillant dans l’éthique sous la direction d’un Premier ministre administratif. C’est ce que le Sénégal a eu sous Senghor (suite à la dualité sur la direction de l’exécutif avec son conflit avec Mamadou Dia) et également sous Abdou Diouf qui a eu à jouer le rôle de Premier Ministre administratif avant de supprimer le poste comme président. Sous sa présidence, les institutions de Bretton Woods ont pris le leadership et lui l’administration avec des Premiers ministres administratifs. La politisation de l’administration sous Abdoulaye Wade nécessite donc un retour à l’orthodoxie et sa restauration, et de ce point de vue, un Boubacar Camara aurait toute notre confiance au vu de la connaissance qu’il en a et qu’il a brillamment démontré dans son livre.
Il laisserait ainsi le débat du leadership se tenir sur, d’une part, la voie d’un État développementaliste pour le Sénégal, ou celui d’un État décentralisé faisant confiance à son secteur privé dans ses diversités locales à appuyer plutôt qu’à orienter dans des directions potentiellement contraignantes. Le troc de ressources naturelles pour des investissements qui pourraient hypothéquer notre avenir inutilement en est déjà un exemple. Une monnaie sénégalaise ou fédérale aux mains d’un État fédéral dirigiste ne serait également pas désirable. À l’échelle nationale, elle impliquerait un état déconcentré plutôt que décentralisé source de convoitises corruptrices, et à l’échelle fédérale, un consensus sur une stratégie de développement qui n’est pas imaginable à court terme. En effet, cet État fédéral serait nécessairement libéral à cette échelle, décentralisé et respectueux des diversités, et la gestion de sa banque centrale hors de portée de l’état développementaliste comme c’est le cas de notre banque centrale régionale. A défaut, son régime de change sera fixe pour que ses composantes nationales adeptes d’un état développementaliste soient contraintes par une discipline budgétaire. Cette contrainte de discipline étant réelle, cet état continuera à étouffer son secteur privé par la fiscalité intérieure ou douanière, et à s’endetter à son détriment.
Nous invitons Boubacar Camara à s’investir dans le chantier de la restauration de la dépolitisation de l’administration sénégalaise, son efficience, son efficacité, et sa probité en œuvrant pour l’élection d’un président de la République qui s’engagerait sur cette voie. S’il s’avère qu’il reste convaincu de la nécessité pour le Sénégal d’hypothéquer ses ressources naturelles et de poursuivre la voie d’un État développementaliste comme ce fut le cas en Asie mais sans les ressources nécessaires et une banque centrale, il pourrait soutenir un candidat avec les mêmes convictions. Les développements du livre ne s’éloignent pas des politiques de Macky Sall qu’il a jugées bonnes dans l’ensemble, et ne s’éloignent pas non plus sur beaucoup d’aspects des thèses d’Ousmane Sonko, s’ils arrivent tous les deux à identifier les secteurs à soutenir pouvant développer le Sénégal.
En revanche à certains endroits, Boubacar Camara semble jouer dans l’équilibrisme en disant que le rôle d’une administration de développement est d’accompagner la création de richesse, ce qui n’est pas la même chose que de définir la voie de création de richesse dans une approche collectiviste et irrespectueuse des individualités et du petit secteur privé non choisi. Nous le citons : « La vocation de l’administration publique est d’accompagner la création de richesse…Elle ne doit en aucun cas constituer un obstacle…ou retarder la mise en œuvre de projets. Elle ne doit ni s’abstenir de faire quand il faut agir, ni retarder ou hésiter à laisser faire, le cas échéant ». Si le « first best » c’est d’accompagner, c’est une administration libérale différente de celle qu’on appelle « Doomed to Choose » ou « Condamné à Choisir » donc développementaliste, bien qu’envisageable si nécessaire dans le « first best ». Boubacar Camara n’a donc pas clairement défini le cap à changer et comme nous le disions en introduction nous pensons que la vision du livre devrait être reformulée et clarifiée.
Dans tous les cas, il pourrait être le Premier ministre de ce président qui gagnerait et s’occuperait de « mettre de l’ordre » pour nous en mettant en œuvre les réformes administratives contenues dans son livre, y compris des institutions qui sont exactement les mêmes qu’actuellement, exceptée une vice-présidence à une femme que nous soutenons. On ferait ainsi d’une pierre deux coups. Il s’occuperait de la « raison », le management de toute la communauté nécessitant une décentralisation autonomisante et responsabilisante respectueuse des citoyennetés locales gages de liberté, et laisserait le « cœur », le leadership, à d’autres comme il en a fait la distinction concernant l’agent en position de service de l’État.
Nous concluons cette revue par dire que nous sommes en accord parfait avec Boubacar Camara sur un Revenu Minimum Garanti qui consacrerait la solidarité nationale donnant l’égalité d’opportunités et non l’égalité des résultats à tous les Sénégalais, tout en protégeant nos couches vulnérables. Son financement est un challenge. Nos amis libéraux sociaux apprécieront, car cette forme de solidarité développée dans le livre est libérale. De ce fait, l’idéologie dite « travail solidaire » proclamée dans le livre est ambiguë. Le fruit du travail libre et non collectif n’appartient en principe à aucune idéologie, mais la forme de la solidarité OUI. En bons libéraux, nous sommes pour la démocratie politique, économique, cultuelle et culturelle, et pour le progrès consensuel et la libre solidarité y compris décentralisée et contre le conservatisme excessif qui serait démocratiquement imposé. C’est l’objet de notre Offre Publique d’Adhésion (OPA) à un Sénégal de liberté, de patriotisme, et de progrès à la classe politique partisane.
Librement.
Dr. Abdourahmane Sarr est président CEFDEL/MRLD
Moom Sa Bopp Mënël Sa Bopp
Maderpost