Le Sénégal revient de loin. Petit à petit, il reprend goût à la vie, à la liberté, à l’initiative. Son adresse d’hier à la nation a permis au Président Macky Sall de desserrer l’étau et d’ouvrir ou de dégager l’horizon avec la levée de l’état d’urgence (et du couvre-feu) en vigueur depuis bientôt quatre mois. Les mesures de restriction ont eu à endiguer le fléau. Leur prolongement a étouffé la mobilité des gens. Il a surtout stagné l’économie qui perdait ainsi des points de croissance. La récession était sur toutes les lèvres, amplifiée par le Président de la République dans un récent entretien accordé au journal des affaires « Financial Times » de Londres. EDITO – En revanche les frontières aériennes restent encore fermées. Au même moment cependant, l’Europe se barricade. Elle se cache derrière le petit doigt pour décourager les migrants, surtout ceux venant d’Afrique. Raison invoquée : la pandémie du coronavirus qui sévit dans des pays africains placés sur une liste rouge. Très peu d’entre eux trouvent grâce aux yeux des dirigeants européens soulagés d’endiguer la crise du covid-19. Chassez le naturel, il revient au galop ! A nouveau, Bruxelles agite le chiffon rouge et invite les pays membres de l’espace Schengen à mieux resserrer la surveillance des frontières. L’Afrique est mise à l’indexe. En clair, moins impactée que d’autres continent par cette maladie contagieuse, elle subit malgré tout la stigmatisation sans que rien ne le justifie. De fait, la sécurité constitue une obsession européenne. A cela s’ajoute la sûreté qui pousse les dirigeants du vieux continent à déplacer le curseur vers les pays émetteurs d’immigrants vite assimilés à des porteurs potentiels de troubles. D’où la création du Frontex en 2004. D’où encore les sommets de Moscou (échec) et de Berlin (minima) consacrés à un accord inter libyen (décidément introuvable). Aujourd’hui s’ouvre à Nouakchott, en Mauritanie, un sommet du G5 Sahel. Il est destiné à faire un bilan d’étape après le fameuse rencontre au sommet de Pau en janvier. Celle-ci, on s’en souvient, avait cristallisé l’hostilité de l’opinion africaine très remontée alors contre l’arrogance du Président Emmanuel Macron intimant l’ordre à ses pairs africains de clarifier leur position par rapport à l’implication de la France dans la gestion des crises à répétition dans le triangle des trois frontières (Mali, Niger, Burkina). De toutes les parties, l’Union africaine était la plus attendue pour y jouer un rôle majeur. L’organisation panafricaine s’efface plutôt, constatant la montée en puissance de la Russie, de la Turquie, de l’Egypte, de l’Arabie Saoudite, des Emirats arabes unis et …du Congo. Ce n’est pas tout : un contexte de crise favorise toujours des tensions. Aux larges des côtes libyennes, dans les eaux profondes de la Méditerranée, mouillent plusieurs flottes marines qui se regardent et s’épient. Cette réunion atypique de navires, de surcroît militaires, transpose au plan naval, une lutte d’influence entre la France et la Turquie qui ont des positions opposées sur la guerre en Libye, pays africain par excellence. De son vivant, le Colonel Khadafi était un trublion et, perçu comme tel, dérangeait des intérêts, gênait des puissances et empêchait des forfaitures. Il revendiquait avec ostentation son africanité. Mort assassiné, d’aucuns croyaient que la Libye s’en sortirait mieux. Hélas non, le pays s’est installé dans le chaos et depuis, il est devenu ingouvernable, livré aux divisions au sein d’une armée sans chef. Des armes circulent à profusion entre groupes islamistes qui sanctuarisent, chacun, une portion de ce vaste territoire imbibé de pétrole et de gaz. Schématiquement Paris soutient le maréchal Khalifa Haftar qui contrôle l’est libyen. Tandis que Ankara appuie le Gouvernement d’Union nationale (GUN) que dirige Fayez al-Sarraj, installé à Tripoli en mars 2016. L’organisation djihadiste Daech est présente à Syrte. Des milliers de mercenaires, sous la coupe des Russes, essaiment aux quatre coins d’une Libye dépecée. Faute de combats, les anciennes milices du Soudan et de la Syrie débarquent en Libye la « nouvelle frontière des armes qui tonnent ». Des alliances à géométrie variable brouillent la bonne compréhension des enjeux sur cette partie de l’Afrique où s’affrontent des forces obnubilées par leurs intérêts. Les Africains ont tort de se détourner de ce qui se passe en Libye. Il est vrai que la répétition continuelle et lassante de l’imbroglio libyen peut inciter plus d’un à l’indifférence. Mais attention : ce pays est une poudrière qui s’ignore. De partout viennent des jeunes en quête de salut. Ils sont la proie facile des sergents recruteurs qui ont des arguments financiers pour les entraîner dans des mésaventures avilissantes. La Libye devient, contre son gré, un condominium que se disputent plusieurs puissances. La Turquie veut pérenniser ses sources d’approvisionnement en hydrocarbures. Redoutant un réveil brutal, Ankara anticipe en dépêchant dans les eaux méditerranéennes des frégates servant à la patrouille, aux alertes et à la protection de bâtiments plus lourds. Paris y voit des signes d’une escalade et met en mouvement des capacités opérationnelles dites « majeures ». La France trouve « inélégante » cette présence inopinée de la marine turque aux bords des côtes libyennes très convoitées au demeurant. Or les deux pays sont membres de l’OTAN et doivent en principe s’assujettir à une discipline tactique pour ne pas compromettre la cohésion de la défense et de la sécurité collectives de ce pacte d’alliance scellé en 1949. Or la Turquie, qui s’étonne du courroux français, relève la position équivoque de l’Hexagone en Libye. Il se dit que Jean-Yves Le Drian, ministre français des Affaires étrangères, a l’oreille du Président égyptien Al Sissi lui-même très influent sur Haftaar. Par ce biais, Le Drian est parvenu à rendre le maréchal libyen fréquentable face à un Gouvernement d’union ouvertement soutenu par l’ONU. Cette complexité inhibe la situation dans ce pays en proie à des violences inouïes. Des mois de travail pour rapprocher des positions s’abîment dans des invectives entre ennemis intimes. Tout compte fait, la Méditerranée est africaine sur son flanc sud, on l’oublie assez souvent. Elle est la porte d’entrée d’un gigantesque continent dépourvu de marine. Quel visage va donc présenter l’Afrique face au reste du monde qui sort du confinement ? En tout état de cause, l’Union Africaine paraît moins outillée pour faire face aux défis à venir alors que l’échiquier politique international se réorganise. La tragédie qui se joue en Libye ne constitue pas encore un événement éditorial des médias d’Afrique. Curieusement ! Maderpost / Emedia]]>
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