Avec la disparition de Babacar Touré,le Sénégal perd un fils valeureux et les médias une boussole plus que fiable. Ses éditoriaux de qualité,d’une rare pertinence sur fond d’une connaissance encyclopédique du Sénégal et des Sénégalais nous manqueront. En petit fils de Madamel Fatma Dièye abreuvé aux confluents du Ndiambour et du Cayor,l’homme était d’une exquise urbanité.
Par Sarakhe NDIAYE
TRIBUNE – Malgré son carnet d’adresses plus que fourni et ses amitiés avec beaucoup de décideurs de ce continent, Babacar Touré est resté un homme pudique,accessible et foncièrement humain. Beaucoup de prétentieux parvenus très loin de son acabit et de son pedigree auraient fanfaronné et bombé le torse à sa place.
Il a usé de son entregent pour trouver des compromis à des problèmes très sérieux de ce pays sans tomber dans la compromission et en toute discrétion. Il avait l’intelligence et la finesse de rester ami avec des gens que tout opposait.
L’histoire retiendra qu’il a été un pionnier central dans l’œuvre médiatique qui restera comme une référence absolue de la presse sénégalaise, le groupe Sud Communication en l’occurrence. De Sud Hebdo à Sud FM en passant par Sud Quotidien, des traitements d’événements sont restés dans les annales grâce à cet organe devenu une institution.
Qui ne se souvient pas du dossier entre Mimran et la douane concernant le “sucre roux d’aspect blanchâtre” ou l’Affaire Maître Sèye de même que les événements des Moustarchidines ? Sud aura marqué et traversé le temps avec des signatures magnifiques parmi lesquelles Abdoulaye Ndiaga Sylla, Vieux Savané, Madior Fall, Bocar Niang, Moussa Paye, Eugénie Rokhaya Aw, Mamadou Mika Lom, Alassane Cissé, Serigne Mour Diop, Malick Magueye Diaw, Saphie Ly, Malick Rokhy Ba, Abdoulatif Coulibaly, Henriette Niang Kandé entre autres.
La magie de Sud était liée au fait que c’était un organe créé et drivé par des journalistes qui sont restés attachés aux fondamentaux de leur métier. Ceci est bien à des années lumières des médias nés des ambitions de personnes cherchant à consolider leur puissance ou voulant tenir le rapport d’un équilibre de la terreur pour leur permettre de faire face aux soubresauts des guerres d’opinions et des jeux de pouvoirs.
Les incultes n’avaient pas droit de cité dans leurs rédactions et cela se ressentait dans la qualité de leur travail. La plus grande réussite de Sud aura été sa contribution à la conscience citoyenne par la démocratisation de l’accès au débat à toutes les couches de la société.
A travers Sud FM,l’usage du Wolof a permis de décloisonner un débat politique exclusivement destiné aux instruits en langue française et le rôle joué par ce médium aura été déterminant dans la première alternance survenue en 2000.
Et pourtant,des rapports particuliers liaient Babacar Touré à Abdou Diouf sans que cela ne déteignît sur l’objectivité du groupe. Cela montre le professionnalisme et l’attachement aux principes sacro-saints de ces journalistes à leur job.
Ils ont aussi eu le mérite d’avoir créé l’ISSIC, la première école privée de journalisme et de communication au Sénégal. Sud mérite d’être moralement “réhabilité” pour avoir subi trop de coups bas du régime Wade suite à la publication du pamphlet de Latif Coulibaly, l’Alternance piégée.
On leur a mené une guerre sans merci, leur chaîne de télévision, La Chaîne Africaine délocalisée de la France vers le Sénégal à la survenue de l’Alternance n’émettra jamais dans le pays d’origine de ses promoteurs. Malgré toutes les difficultés, Sud est resté digne et n’a jamais vendu son âme au diable en préférant demeurer en phase avec ses convictions.
Et Dieu sait que si ces hommes et femmes avaient accepté de courber l’échine,ils pourraient bien profiter des douceurs des lambris dorés des différents pouvoirs. La démocratie sénégalaise doit beaucoup à ce groupe de presse et par ricochet à Babacar Touré, leader éminent de cette institution du paysage médiatique.
Il existe des hommes qui méritent tous les honneurs et dont la reconnaissance de la rue n’est pas la quête obsessionnelle de tous les instants. Pour ceux là, seul le devoir de remplir la mission qui sied en temps opportun compte. Et parmi eux figure en bonne place de manière irréfragable Babacar Touré.
Qu’Allah fasse de Firdawsi sa demeure éternelle et que l’aventure Sud continue de plus belle car les pionniers sont appelés à mourir un jour mais l’esprit qui sert de nourrir les grandes œuvres quant à lui demeurera pour toujours.
Respects grand monsieur!
]]>
Please follow and like us: