L’autisme touche un enfant sur 160 au Sénégal, soit 0,8% des enfants dont la tranche d’âge est de 4 ans, a indiqué Docteur Ndèye Awa Dièye, la cheffe des centres pédopsychiatriques de Thiaroye et de Diamniadio.
AUTISME – « D’après une étude réalisée entre 2014 et 2016, l’autisme touche un enfant sur 160 au Sénégal. Des statistiques qui correspondent à 0,8% des enfants dont la tranche d’âge est de 4 ans », a souligné Dr Ndèye Awa Dièye dans un entretien avec l’APS.
Ces chiffres sont ‘’très approximatifs car beaucoup d’enfants ne sont pas amenés en consultation’’, précise-t-elle, soulignant que ‘’les troubles autistiques apparaissent dès le bas âge et nécessitent aussi une prise en charge pluridisciplinaire’’.
La spécialiste a rappelé que ‘’l’autisme est un handicap qui se manifeste par un trouble du développement d’ordre neurologique’’.
Décrétée par l’organisation des Nations unies, la Journée mondiale de sensibilisation à l’autisme est célébrée le 2 avril chaque année.
Parlant des stéréotypes, Docteur Dièye a cité ‘’un enfant violent ou qui passe son temps à pleurer’’ tandis que ‘’certains pour se calmer vont jusqu’à se mordre ou se cogner la tête contre un mur”.
Selon elle, ‘’tous ces comportements peuvent pousser les gens à les juger alors que ce sont des enfants incompris qui ont besoin d’aide”.
‘’Ils ont aussi très souvent des goûts alimentaires particuliers. Certains ne mangent par exemple que du mou, d’autres du sec ou selon les couleurs des aliments”, signale-t-elle.
La cheffe du centre pédopsychiatrique de Diamniadio et de Thiaroye a rappelé qu’il n’y avait que deux pédopsychiatres actuellement au Sénégal.
En 2020, Docteur Dièye a mis sur pied le centre ressources autisme de Dakar qui selon elle ‘’est une structure semi privée appuyée par le ministère de la Santé et de l’Action sociale’’.
‘’Beaucoup de parents faisaient des aller-retour quotidiens entre Dakar et Diamniadio pour la prise en charge de leurs enfants. Ils me disaient très souvent, si un centre existait à Dakar, ce serait bénéfique pour les enfants’’, ajoute-t-elle.
‘’J’ai travaillé à Bruxelles dans un centre ressources autisme et je me suis dit pourquoi ne pas reproduire cela dans mon propre pays. Voilà comment est né le centre ressources autisme de Dakar’’, raconte-t-elle.
La prise en charge de l’autisme est un travail de longue haleine, selon la pédopsychiatre. Elle a relevé aussi que les spécialistes qui s’occupent des enfants autistes préfèrent travailler dans le privé car ‘’un orthophoniste, par exemple, n’est pas reconnu professionnellement par la fonction publique’’.
Elle reconnait que ‘’des actes sont en train d’être posés avec la création de quelques écoles reconnues par l’Etat qui enseignent ces disciplines’’.
Elle reconnaît que le coût de la prise en charge est cher.
‘’Une séance chez un spécialiste vaut jusqu’à 25000 FCFA et il faut plusieurs séances par semaine et des parents peuvent dépenser jusqu’à 600000 FCA par mois entre les séances, l’école et le transport’’, avoue-t-elle.
La spécialiste déclare qu’elle est ‘’obligée de faire du social’’. ‘’Des parents viennent me voir pour dire qu’ils n’ont pas les sommes requises ou me demandent de leur facturer par tranche’’, explique Dr Dièye.
‘’Educautisme’’, un centre de ressources autisme de Dakar, à la rescousse des enfants
Aux Maristes, le centre de ressources autisme de Dakar, Educautisme frappe par la couleur marron de sa bâtisse dont le mur est bariolé de dessins multicolores et de lettres de l’alphabet.
Sur une grosse plaque, on lit une devise inscrite en grandes lettres ‘’soigner relève du dessin, la guérison relève de l’ordre divin, l’obligation de résultats est notre sacerdoce’.
L’assistante du centre qui accueille les visiteurs avec un sourire chaleureux, les guide aussitôt vers une large porte en bois. Dès qu’elle s’ouvre, des cris et des pleurs se font entendre.
Des enfants sont assis tout autour de trois grandes tables. Tous souffrent des troubles du spectre de l’autisme.
‘’Ce sont des enfants à besoins spéciaux’’, explique Serigne Abdoul Aziz Diop, psychomotricien et l’un des trois moniteurs présents dans la salle.
‘’Les troubles du spectre de l’autisme nécessitent une prise en charge multidisciplinaire. J’interviens dans la psychomotricité des enfants”, ajoute-t-il.
Il leur faut aussi d’autres spécialistes comme un orthophoniste, un psychologue, un psychiatre entre autres”, dit-il.
‘’Le psychomotricien prend en compte la tonicité et le langage. Il faudrait connaître d’abord son corps pour comprendre comment utiliser ses organes. Il faut savoir aussi comment gérer les émotions et leur permettre de travailler l’estime de soi et les angoisses”, souligne M. Diop.
Pour le psychomotricien, ‘’les enfants sont en plein cours de coloriage. Cependant au moment où certains sont sagement assis le regard hagard, d’autres affichent un sourire innocent. Quelques-uns rechignent à faire le travail demandé d’où les cris et les pleurs’’.
‘’Un enfant autiste a des difficultés dans les interactions réciproques. Il présente des stéréotypes gestuels et des stéréotypes verbaux’’, explique en outre Dr Ndèye Awa Dièye, pédopsychiatre, initiatrice de ce centre.
”Certains ont du mal à tenir un crayon ou un stylo, d’autres n’arrivent pas à coordonner le regard et le geste ou à se concentrer”, dit-elle.
Selon elle, ‘’une prise en charge adéquate et précoce est nécessaire pour l’évolution et le bien-être des enfants souffrant de troubles autistiques”.
Dr Dièye indique que “la durée de cette pédagogie adaptée peut aller jusqu’à 4 ans selon le niveau des troubles dont souffre l’enfant. Mais une satisfaction est très souvent au bout’’.
“Une fois je marchais dans une ruelle des Hlm Grand-Médine et un petit garçon qui était mon élève a accouru pour se blottir dans mes bras en prononçant mon prénom Aziz’’, raconte le psychomotricien.
‘’Il arrivait difficilement à prononcer certains mots et c’était la première fois que je l’entendais dire Aziz et cela m’a fait énormément plaisir’’, dit-il.
Cette année, pour la journée de sensibilisation à l’autisme, Dr Ndèye Awa Dièye tient à faire un plaidoyer sur la stigmatisation dont sont surtout victimes les mères d’enfants malades.
‘’Lors de nos séances de prise de parole, certaines témoignent en disant que leur mari a épousé une autre femme, d’autres sont stigmatisées dans leur propre famille où leur maman dit avoir peur de leur enfant’’, dit-elle.
La pédopsychiatre avoue qu’elle ‘’même a peur de confirmer un diagnostic maintenant car juste après, la plupart des couples divorcent’’.
Elle demande aux hommes ‘’de soutenir davantage leurs épouses car un enfant malade met en danger l’équilibre du couple’’.
Maderpost / Aps