COMMEMORATION – Dans beaucoup de chaumières sénégalaises branchées au réveil sur Rfm Matin, un flot d’émotions a escorté le début de matinée. Ndèye Dramé, l’épouse de Idrissa Diallo a fait un témoignage poignant à l’occasion de l’anniversaire des 16 ans du naufrage du bateau le Joola. Le couple qui a perdu ses trois enfants (15, 12 et 8ans) dans ce drame est toujours marqué par la tragédie. Son récit empreint d’émotions est bouleversant. “Je devais aller avec les enfants rejoindre leur père aux Etats-Unis” «Quand le bateau a chaviré en 2002, Idrissa Diallo (Actuel maire de Dalifort) était aux Etats-Unis. Je devais aller avec les enfants le rejoindre. Mon fils aîné venait juste de boucler ses 15 ans et avait obtenu son BFEM. J’ai dit à Idrissa au téléphone qu’il se pourrait qu’on prenne notre vol, au milieu de l’année scolaire. Et je voudrais profiter des vacances pour que les enfants aillent voir leur grand-mère à Ziguinchor. Ce qui fut décidé. Je devais les accompagner mais j’avais encore des choses à régler. Je leur ai proposé de me devancer. C’est ainsi qu’ils sont partis par la route en passant par Tamba. Il y avait le fils du grand frère de Idrissa qui les accompagnait. Ils ont fait 15 jours à Ziguinchor. Et une semaine avant leur retour, je devais aller les prendre, façon de dire au revoir à la maman de Idrissa Diallo. J’avais fini de me préparer pour y aller mais le jour même, mon mari m’appelle pour me dire de ne pas y aller. Tu peux appeler la maman et les enfants vont venir. Mon mari m’a dissuadé invoquant des raisons financières. J’ai fini par rester. Le matin, je me suis réveillée dans l’espoir d’aller prendre les enfants au Port de Dakar. Mais je n’ai pas dormi de la nuit. J’avais l’esprit tourmenté. Comme si j’avais un mauvais pressentiment. J’avais dit à ma femme de ménage de préparer le plat dont les enfants raffolaient le plus. Quand je suis arrivée tôt au Port de Dakar, j’ai vu des militaires, des gendarmes qui commençaient à ériger des barrières. Je me disais qu’il y a quelque chose qui ne tournait pas rond. Pour un bateau qui devait arriver à 6heures, l’attente était devenue interminable. Fatiguée de l’attente, je me suis adossée sur un pan du mur de l’embarcadère. Tout d’un coup, j’entends le générique de Walfadjri Fm. J’ai entendu l’homme qui écoutait sur son transistor s’exclamait : «Non ce n’est pas possible !» Puis j’ai entendu des cris qui provenaient de tous les coins du Port. Le monde s’écroulait sous mes pieds, je ne pouvais plus tenir sur mes deux jambes. Quand je ne me suis approchée de l’homme qui écoutait la radio pour lui demandait ce qui se passait. Il m’a annoncé la nouvelle du chavirement du bateau. Je tremblais de tout mon corps. Il m’a demandé ce qui se passait, je lui répondis que j’en avais quatre à bord. J’ai essayé de composer le numéro de ma maman à Dieuppeul mais je ne me souvenais plus de son numéro de téléphone. Quand j’ai repris tant soit peu mes esprits, j’ai pu appeler à la maison et je suis tombée sur ma petite sœur et je lui ai dit qu’elle savait que Maman était hypertendue et je lui ai demandé de faire preuve de courage et de garder la foi, puisqu’ils ont dit à la radio que le Joola a chaviré. Ma sœur a crié et jeté le téléphone. Je ne sais toujours comment j’ai pu être si forte pour faire face à l’épreuve. (Des pleurs…) C’est ainsi que ma famille est venue à l’embarcadère. Entre-temps, le grand frère de mon mari est passé à la maison pour récupérer son fils, j’ai demandé à la femme de ménage de venir nous prendre à l’embarcadère, puisqu’il était en congé. Quand il est arrivé à l’embarcadère, je lui ai annoncé la nouvelle. Mais il n’y croyait pas. C’est sur ses entrefaites que ma maman et ma sœur sont arrivées. Etreinte par l’émotion, ma mère s’est évanouie et tombée sur le bitume (…) “Un de mes fils né après le Joola ne cesse de pleurer ses grand-frères” Quand je suis restée deux jours ou trois sans voir le bateau, je me suis résignée, parce que qui connait la mer. Des enfants ne peuvent pas vivre…Je suis restée à Dieuppeul et les gens venaient pour me présenter leurs condoléances. (Des pleurs, des pleurs). J’ai eu des enfants après le naufrage le Joola, le premier d’entre-eux est très marqué par ce drame. Ma nièce qui vit avec moi me raconte que dès fois il s’enferme seul dans sa chambre et pleure toutes les larmes de son corps. Il est très marqué. (Des pleurs) parfois il vient me trouver dans ma chambre et m’interroge sur mon état en me demandant si je pensais à Junior, je lui réponds pour le rassurer que c’est ma tête qui me faisait mal. Il me dit je te comprends maman à chaque fois que tu te trouves dans cet état c’est que tu penses à mes grand-frères. Mon fils aîné venait d’avoir le Brevet de fin d’études et moyennes (Bfem) ils étaient très intelligents. Leur père s’était donné tant pour l’éducation de ses enfants.» “Mes trois enfants sont toujours bloqués sous le bateau, qu’on nous le sort” L’actuel Président de la République Macky Sall connait bien le dossier du bateau le Joola. Au moment du chavirement du bateau, il était le ministre de l’Energie. Ensuite, il est devenu Premier ministre donc il connait bien le dossier. Mais j’estime qu’il a fait preuve de manque de volonté politique. Aujourd’hui, c’est un manque de considération pour les familles des victimes. L’ancien régime de Wade et ce régime-ci c‘est kif-fif, c’est la même chose. Rien n’a changé. Depuis l’avènement de Macky Sall à la tête du pays, l’anniversaire du bateau le Joola ne l’a jamais trouvé ici. A chaque fois, il prend prétexte pour voyager. A mon avis, il s’absente pour éviter de prendre des engagements. A quatre mois des élections, parler de mémorial du Joola relève de la politique. Il ne faut pas qu’il cherche à politiser ce dossier. Sept ans qu’il est à la tête du pays, qu’est-ce qu’il a fait pour améliorer le sort des victimes ? Les enfants orphelins du Joola sont fatigués, les mères de famille sont lasses, beaucoup de familles se sont disloquées en raison des 10 millions de FCfa distribués par le régime de Wade. On parle de Dakar Arena et d’autres choses que le Président Macky a réalisés mais c’est parce qu’il le voulait. S’il voulait aider les victimes du Joola, il allait le faire (…) Ce qu’on veut c’est le renflouement du bateau le Joola. Je sais pourquoi je demande le renflouement, parce que je sais ce que cela fait de voir la mer. J’imagine mes enfants bloquer au fond du bateau (Des pleurs, des pleurs) Il faut sortir le bateau, même si c(est une épave au moins cela va soulager nos consciences. C’est ça mon souci, l’argent, le musée importent peu mais qu’on sort le bateau. Mes enfants sont toujours coincés sous l’eau, qu’on nous sort le bateau (elle se répète en pleurs).” ]]>
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