Quasi-inconnue du basket sénégalais il y a quelques semaines, elle est en train de s’offrir une énorme reconnaissance. Dynamiteuse du jeu des Lionnes, Cierra Janay Dillard a affiché une régularité impressionnante dans cet AfroBasket. Une belle promesse qui sera à confirmer en finale face au Nigeria ce samedi à 16 heurs à Kigali Arena au Rwanda.
BASKET – Le futur du basket féminin sénégalais s’annonce rayonnant. Depuis quelques jours, la sélection U25 féminines est à l’honneur à l’occasion des IXᵉˢ Jeux de la Francophonie. À Kinshasa, les filles conduites par El Hadj Mamour Thiam Diop ont pulvérisé un par un leurs différents adversaires jusqu’à se retrouver en finale face au Cameroun ce samedi. Mais le plus attrayant n’est pas là. Car en ce moment, tous les yeux sont rivés sur Kigali, où l’Equipe Nationale A a également d’énormes atouts à faire valoir en finale d’AfroBasket contre le Nigeria, cet après-midi. Avec Aya Traoré, Yacine Diop, Oumoul Khairy Sarr ou encore Fatou Diagne, il y aura de quoi espérer décrocher une douzième médaille d’or dans ce tournoi.
Toutefois, si ces dernières sont plus que jamais incontournables dans les rangs de l’équipe entraînée par Moustapha Gaye au regard de ce qu’elles ont montré au fur et à mesure sur le parquet de la BK Arena, c’est une foudre venue d’ailleurs qui a démontré le plus de régularité depuis l’entame du tournoi. Cierra Janay Dillard (27 ans), première du nom, a prouvé qu’elle méritait sa naturalisation quelques jours seulement avant le début des joutes et qu’elle avait bel et bien sa place dans les 12 sélectionnées par coach Tapha Gaye. Inconnue par la plupart des Sénégalais, l’Américaine – parce qu’elle en est une – a profité de l’escapade au Rwanda pour exploser à la tête des amoureux de la balle orange au féminin sur le Continent.
One-woman-show magique
Installée dans le cinq majeur, la pensionnaire du Sporting Club d’Alexandrie (Égypte) a tout simplement été bouillante dès le premier match, malgré la défaite contre l’Ouganda (83-85), en affichant une ligne statistique fournie, et d’une propreté affolante : 21 points à 66,7 % au shoot, dont 50 % sur les paniers primés, le tout agrémenté de 4 rebonds et 2 interceptions, pour une évaluation moyenne de 20 ! Et elle n’en est pas restée là puisqu’elle a ajouté 20 points supplémentaires dans son armoire à stats lors du match de poules contre le Mali (défaite 49-72). Après une prestation discrète face à l’Egypte (71-60) en huitièmes de finale (2 petits points, 4 rebonds, 6 passes décisives), laissant d’autres partenaires, comme Fatou Diagne, à se faire remarquer, Cierra Dillard a repris de l’épaisseur au moment plus décisif.
Histoire de laisser définitivement son empreinte dans le tournoi et bien sûr dans le basket féminin africain, la Newyorkaise est redescendue à la BK Arena en jouant un rôle essentiel dans la qualification en finale pour le Sénégal. Alors que tout le monde prédisait un destin fatal en quart de finale contre le Cameroun, «CJD» a monté très haut le curseur pour mener le Sénégal, son Sénégal en demi-finale (80-77), sortant du match avec un bilan remarquable de 29 points, 2 rebonds et 6 passes décisives, pour une évaluation moyenne de 33. Avant de se montrer beaucoup plus encore époustouflante lors de la victoire face au Mali en demi-finale (75-65), avec 33 points à la clé, 7 rebonds, 6 passes décisives et 2 interceptions. Des performances de patronne qui ont mis en lumière cette sublime meneuse venue d’ailleurs.
Du repêchage à la WNBA aux terrains d’Afrique, terre promise
Né à Rochester, Cierra Janay Dillard a fait ses premières classes dans sa ville natale, fréquentant notamment plusieurs écoles, dont le Gates Chili High School. Mais elle a dû s’accrocher pendant plusieurs années pour réaliser l’un des – sinon LE – plus grand (s) rêve (s) de sa vie professionnelle : faire partie du repêchage de la WNBA, mercredi 10 avril 2019. Un jour que beaucoup, même ses plus proches, ne pensaient pas pouvoir arriver. Seulement parce que pendant plusieurs années, pendant sa période de formation dans les écoles secondaires et universitaires, Cierra Dillard était perçue comme une joueuse trop grosse, trop lente, qu’elle n’avait pas le physique ou l’athlétisme pour passer au niveau supérieur et devenir une basketteuse de premier plan. Son jeu n’avait pas plus d’une dimension.
« Honnêtement, je voulais juste entendre mon nom si mal », souriait la principale intéressée peu après avoir été repêché dans la WNBA. « Une fois là-bas, je sais que je pourrai ouvrir les yeux. J’ai travaillé d’arrache-pied pour en arriver là. Si vous avez un rêve, vous pouvez le réaliser ». Malheureusement, le chemin sera parsemé d’embuches pour Cierra Dillard. Après la fin de son aventure à l’Université Buffalo en 2019 en tant que deuxième meilleure marqueuse de son championnat cette saison-là puis cette prouesse d’être la seule dans son équipe à être repêchée par la WNBA, elle n’a jamais fait partie de la liste de la WNBA. Une malchance qui la menait jusqu’en Turquie, au Yalova VIP Gençlik, en 2022. Là, l’actuelle foudre des Lionnes à l’AfroBasket recommence à briller et connait une saison record.
Elle domine la D2 turque avec 25,5 points, avec une réussite affolante (47% tirs à 2 points, 39,6% tirs 3 points et 80,6% depuis la ligne des lancers francs). Sa moyenne sur les rebonds se situe à 6,9 par match, 5,9 de passes décisives par match, 2,7 interceptions par match et seulement 2,1 fautes par match. Ces grosses performances ont tapé dans l’œil du Sporting Club d’Alexandrie qui la recrute quelques mois plus tard. Bien vu de la part du club égyptien. Epoustouflante depuis plusieurs semaines, Cierra Dillard permet à sa formation d’entrer dans l’histoire en devenant la première équipe égyptienne à être couronnée championne de la Coupe d’Afrique des champions féminine de la FIBA, à Maputo, après avoir battu Costa do Sol 65-58 en finale, avec 21 points de sa Majesté. De quoi provoquer un coup de foudre chez Moustapha Gaye.
« Elle s’est adaptée à la culture et se sent comme sénégalaise »
« Cierra est un phénomène, constate le sélectionneur sénégalais Moustapha Gaye. Je l’ai beaucoup suivie avant de la faire venir et j’ai beaucoup apprécié. Je l’ai rencontrée en Egypte et j’étais convaincu qu’on avait trouvé la bonne joueuse qu’il nous fallait, une meneuse d’un très bon niveau pour revenir en Afrique. » Fatou Dieng, meneuse de jeu et qui, face à la concurrence, a fait les frais de l’explosion de Dillard, va un peu plus loin. « Je suis très fière d’elle et très contente qu’elle soit là, qu’elle se soit adaptée à l’effectif, à la culture sénégalaise et qu’elle se sente comme une sénégalaise. C’est ce qui fait qu’elle se transcende. Après, on lui parle. C’est générationnel. Moi, j’ai beaucoup joué et je faisais bien, mais, aujourd’hui, il y a une autre joueuse qui joue bien le jeu. Je ne me sens pas mal par rapport à ce qu’elle fait. »
Mais il faut dire qu’avant de débarquer dans La Tanière, Cierra Dillard a dû faire face à un petit combat : le Sporting Club Alexandrie ne souhaitait pas se séparer temporairement de sa meilleure joueuse. Sauf que le rêve de cette dernière est de porter le maillot de l’Equipe Nationale du Sénégal, une équipe qui a tout fait aussi pour la faire venir. Et c’est ainsi qu’elle réponde favorablement à une convocation du sélectionneur, un Tapha Gaye qui n’avait pas encore tranché si Cierra participerait à l’AfroBasket. « Elle joue au même poste que Lena Timeira. J’ai préféré les appeler les deux et au moment de choisir, je choisirai une. Cierra ne peut pas nous faire gagner un AfroBasket. C’est une bonne joueuse qui j’espère participera et aidera l’équipe. Je lui disais tantôt que tu ne peux pas venir au Sénégal et penser que tu vas nous faire gagner. Tu ne peux pas nous faire gagner, c’est ensemble que nous le ferons ». Finalement, Cierra Janay Dillard est là et semble plus que jamais capable de faire gagner le Sénégal, avec l’appui bien sûr des onze autre joueuses. Car en jouant à douze, ce sera moins difficile de revenir avec une douzième médaille d’or. Pas pour faire plaisir aux Lady Tigers !
Maderpost / Wiwsport