Un accord a été finalement trouvé à la COP26, mais déjà des voix s’élèvent pour le critiquer, le minorer. Que dire de ce pacte de Glasgow alors que la menace du réchauffement climatique se fait de plus en plus forte ? Notre invité, Sébastien Treyer, est le directeur général de l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri). Il est interviewé par Andréane Meslard. GLASGOW – RFI : J’aimerais d’abord avoir vos impressions générales sur cette COP26. D’un côté, Boris Johnson qui parle de grand pas en avant, de l’autre on entend que les mesures sont loin d’être au niveau. On se demande un peu ce qu’on doit en penser : faut-il se réjouir ou être désespéré ? Sébastien Treyer : Pour moi, il faut se réjouir. Mais cela doit surtout être une incitation à faire beaucoup plus. C’est-à-dire qu’on aurait pu avoir bien pire que l’accord qu’on a ici. Les gouvernements ont été capables de trouver des compromis, et évidemment des compromis imparfaits. Mais il faut aussi se souvenir qu’au début de la COP, il y a deux semaines, il y a eu des annonces-clé d’un certain nombre de pays comme l’Inde, qui vise la neutralité carbone en 2070 avec un plan très clair en cinq points, à court et moyen terme pour aller vers cela. Il y a eu des annonces très frappantes et très crédibles. Mais effectivement, il y a eu tellement d’annonces, trop nombreuses, trop inégales… Je comprends que la société civile dise pour l’instant qu’il y a beaucoup de green washing derrière tout ça. De mon côté, je pense qu’il faut maintenant trier. Je pense qu’il s’appuyer sur les éléments qui ont pu être décidés par les États pour aller plus loin. D’autant plus qu’ils ont notamment décidé d’accélérer le calendrier et de se retrouver dès l’année prochaine pour dire : comment peut-on faire mieux, comment peut-on annoncer davantage d’ambition en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre ? Vous parliez de compromis. Évidemment, il faut parler du sujet du charbon. Jusqu’à la dernière minute, ce dossier a fait débat et dans le texte final, il reste non plus la suppression mais « l’intensification des efforts » pour la diminution du recours au charbon. L’Inde et la Chine n’ont pas plié dans ce dossier, c’est un peu un échec pour les parties prenantes ? Oui, effectivement, c’est assez dommage, parce que jusqu’à la dernière minute, on avait la mention de ce qu’on appelle en anglais le phase out, c’est-à-dire le fait d’aller vraiment jusqu’à zéro utilisation du charbon dans une période qu’on arrive à gérer. Ce qu’on comprend bien, c’est que des pays comme l’Inde et la Chine ont besoin de se donner du temps pour y arriver. Mais il faut quand même bien voir aussi dans ce texte que c’est la première fois que dans une déclaration de COP26, on mentionne la fin des énergies fossiles, de manière explicite. Alors, on aurait pu souhaiter que ça soit plus explicite encore, plus préparé, plus exigeant, mais en même temps, c’est la première fois et c’est très important, parce que cela va donner un point d’appui pour continuer à agir sur la fin des énergies fossiles. Souvenons-nous aussi qu’il y a deux semaines, un certain nombre d’acteurs publics, des gouvernements, et des acteurs privés se sont engagés à arrêter la subvention aux énergies fossiles, notamment dans leur soutien à l’export pour un certain nombre d’États. Et cela a aussi un impact très important. Le contexte s’améliore. Il faut vraiment le voir aussi comme ça. Vous parlez de la sortie des énergies fossiles. Mais, dans l’ensemble, ce qu’on peut remarquer, c’est qu’il n’y a pas beaucoup de contreparties à donner, de contraintes un peu pour forcer les pays à s’aligner. Est-ce que ce n’est pas un problème pour vous ? Vous avez raison. Dans cette gouvernance onusienne du climat, on n’a jamais de mécanisme de contrainte. Il faut voir que dans la gouvernance internationale, dans le rapport entre les nations, il y a très peu de mécanismes de contrainte. On le voit un peu au Conseil de sécurité de l’ONU, on le voit à Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) ou à l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Ici, en ce qui concerne l’environnement, on n’est que dans la capacité à se faire pression mutuellement. Je propose quand même de retenir aussi qu’il y a une pression qui est la compétition internationale. Beaucoup de pays voient maintenant – ça a été le cas de l’Inde que je mentionnais tout à l’heure – que la modernisation de l’économie passe par la recherche d’une économie zéro carbone. Et donc, on a aussi cette pression de compétition qui est pour moi un mécanisme, pas un mécanisme de contrainte mais qui est un mécanisme d’accélération. D’un autre côté, ce que vous soulignez est extrêmement vrai. Il faut – et même le secrétaire général des Nations unies l’a indiqué – qu’il y ait des experts qui valident l’intégrité des engagements qui sont faits, qui les suivent et qui poussent les États et les acteurs de la société de la société civile, les acteurs du secteur privé à être alignés avec ce à quoi ils se sont engagés. Les pays développés ont été pressés de payer leur dette, ces fameux 100 milliards promis il y a plus de dix ans aux pays en développement. Cela a été évoqué aussi : les catastrophes naturelles passées ne seront pas dédommagées. Il y aura des discussions sur ce sujet. Est-ce que ce sont les pays pauvres qui sont les grands perdants de cette COP26 ? Effectivement, c’est là où je pense qu’il faut que l’on soit extrêmement vigilant. Les pays les plus vulnérables et les plus pauvres sont ceux qui ont dû faire le plus de compromis. Ils se sont, d’après moi, fait à l’idée que les engagements sur les réductions d’émission, la manière dont c’est mentionné dans le texte, l’accélération du calendrier sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre, était déjà une victoire. Mais ils attendaient vraiment des promesses beaucoup plus précises, une planification dans la manière dont les États développés allaient débloquer les 100 milliards par an prévus entre 2020 et 2025. Effectivement, le texte ne parle que de processus, un processus aussi qui s’appelle « les pertes et préjudices », les dommages déjà causés par le changement climatique. Et là-dessus, si on n’a pas d’autres moyens d’aider les pays les plus pauvres, notamment en continuant la discussion au FMI [Fonds monétaire international] sur les droits de tirage spéciaux – qui est donc dans un tout autre cadre, les pays du Sud ayant énormément besoin de ces transferts financiers pour pouvoir sortir de la crise -, si on n’a pas ces autres canaux, je pense qu’on va continuer à vivre dans un monde de perte de confiance entre le Nord et le Sud. Il faut rappeler quand même que cette COP26 arrive après le plus fort de la crise sanitaire, après de nombreuses mesures prises face au coronavirus alors que les économies sont largement fragilisées. Est-ce que d’après vous, c’est une des raisons qui peut expliquer les timides avancées de cette COP, la frilosité des pays ? En fait, je trouve que la frilosité des pays n’est pas accentuée par la crise. Je vais reprendre de nouveau l’exemple de l’Inde. Un pays qui est un peu au milieu du gué, qui cherche son chemin, qui arrive au début de la COP avec une annonce très forte de neutralité carbone – plutôt du côté des annonces vraiment crédibles – et qui à la fin de la COP décide quand même de demander une dilution du texte sur la sortie du charbon pour demander quelque chose de très peu engageant. On voit un pays qui vacille, qui cherche à la fois à être ambitieux, à pousser les autres dans une logique d’émulation en mettant sur la table des éléments ambitieux et qui finalement, à la dernière minute, prend aussi un peu peur en se disant : « Comment je vais réussir à faire les choses concrètement dans mon pays, quand je retourne à la maison. » Ça, c’est pour moi très illustratif de cette période. Je pense qu’il faut essayer de prendre tous ces engagements qui ont été pris, de les prendre pour crédit, de les prendre pour argent comptant, et d’aller demander des comptes aux pays là-dessus, tout en comprenant aussi que, pour un certain nombre d’entre eux, ce sont des choses très ambitieuses vu l’état de pauvreté de leur propre population. Maderpost / Rfi]]>
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