Les régimes se suivent, les chefs d’Etat se succèdent, mais rien ne change au fond. La thèse du troisième mandat en vogue au Sénégal et effectif dans la sous-région gangrène le paysage politique et pour ne rien arranger, le tripatouillage de la Constitution est toujours d’actualité à l’instar d’ambition de règne prolongé se déclinant en doctrine. Pourtant l’histoire politique du Sénégal est assez riche en exemples et contre-exemples, pour que le Président Macky Sall rate la porte de sortie parce que des hommes du passé, recentrés sur eux-mêmes et en déphasage avec le futur de notre pays chantent faux. Bref historique sur un passé pas si vieux que ça pour comprendre ce qu’il faut faire et surtout ne pas faire pour qui veut rentrer dans l’histoire. POLITIQUE – Mars 2000, attendant les derniers résultats de poches électorales qu’il croit capables de renverser la vague bleue, qui devient dans la foulée la première alternance politique au Sénégal, Abdou Diouf, deuxième président de la République et successeur de feu Léopold Sédar Senghor depuis le 1er janvier 1981 à la faveur de l’article 96 de la Constitution revisitée, s’entend dire par un patriote, en l’occurrence feu le général Lamine Cissé, que les carottes sont cuites. La voix de la raison de Senghor et Diouf Les yeux dans les yeux, le visiteur, inopportun pour les «Verts» très forts à l’époque de leur superbe, mais fort précieux pour la paix et la stabilité du Sénégal, prend sur lui, la responsabilité de mettre Abdou Diouf devant ses responsabilités et devant l’histoire, en lui demandant de sortir par la grande porte de la présidence de l’avenue Roume. Cette initiative du général Cissé est courageuse, voire osée, mais, elle traduit aussi un autre message qu’Abdou Diouf ne peut pas ignorer, quand bien même il s’en trouverait dans son camp des hommes prêts à tout. Un entêtement de sa part est lourd de risques. Entouré et soutenu par sa famille, à l’abri de toute tentative dangereuse pour la stabilité du pays, loin de la folie et de l’ivresse de l’illusion que peut lui faire miroiter un pouvoir absolu, Abdou Diouf, appelle sans tarder son plus farouche adversaire pour reconnaitre sa défaite et lui souhaiter ses vœux de bonne succession, à la grande surprise de ses proches. Comme son prédécesseur, Léopold Sédar Senghor qui a écouté des conseils avisés ou alors décrypté les menaces à peine voilées formulées à la suite de putschs contre François Tombalbaye premier président du Tchad (1960-1975) assassiné dans des circonstances obscures, ou encore contre Félix Malloum toujours au Tchad sorti cependant vivant du coup d’Etat d’Hissène Habré, Abdou Diouf entend la voix de la raison qui le conseille de quitter la scène présidentielle. Elu et reconnu victorieux par Abdou Diouf, Me Abdoulaye Wade s’installe dans le fauteuil présidentiel, avec des débuts difficiles, liés à l’état de la trésorerie nationale. Fort heureusement pour lui, il récolte le bénéfice des politiques libérales lancées par le socialiste Diouf, alors dans le dur de l’austérité et politiques publiques dictées par les ajustements structurels et l’austérité imposés par les institutions financières de Breton Woods. Me Wade bénéfice surtout de l’explosion des taxes qu’il multiplie et de la pressurisation des entreprises. Elles permettent au président pseudo libéral de traverser non sans plusieurs scandales un premier mandat rocambolesque que beaucoup croient d’ailleurs sans suite pour le pape du Sopi qui a fait le vide autour de lui. Eliminant tour à tour Moustapha Niasse, le premier de ses Premiers ministres, moins d’un an après la présidentielle de 2000. Idrissa Seck ensuite, et enfin la gauche. Bon nombre d’observateurs le voient mordre la poussière à la présidentielle de 2007, mais c’est mal connaitre Me Wade. Contre toute attente, ou comme souhaité par les familles maraboutiques, Idrissa Seck, l’enfant putatif envoyé dans les geôles de Reubeuss avant d’être blanchi, ramollit son discours, faisant peser pour le moins une opposition de gauche à laquelle le même peuple a tourné le dos 7 ans plus tôt. Me Abdoulaye Wade remporte la présidentielle dès le premier tour, dans une sorte d’indifférence générale pour ne pas une tétanie paradoxale. Les Sénégalais accusent le coup. Me Wade sait mieux que quiconque que plus rien ne lui sera pardonné. A défaut de jeter leur dévolu sur un challenger consistant et déterminé, les Sénégalais l’attendent au tournant et ils vont le lui faire savoir avec la prolifération des mouvements citoyens et les Assises nationales de 2009. Le clergé se fait entendre à la suite de propos malencontreux qui lui coûteront des intentions de votes. Me Wade est parti trop loin. La Génération du concret, fulgurance épistolaire d’un manuel de procédure sorti des méandres anti-démocratiques, tissent, avec la hausse vertigineuse des prix du baril du pétrole, une fin sans gloire. Et pour ne rien arranger, Me Wade qui a gagné le cœur des Sénégalais et qui n’en est sûrement pas encore sorti, vit l’une des pages les plus sombres de son magistère, le 23 juin 2011 quand les Sénégalais, comme un seul homme, sortent pour détruire son projet apparent de «dévolution du pouvoir» par un mécanisme monarchique que viendrait bénir le vote de deux réformes majeures devant instaurer pour la présidentielle de 2012, la mise en place d’un seuil de 25% seulement des suffrages exprimés, nécessaire à l’élection d’un « Ticket présidentiel ». Me Wade rate sa sortie Me Wade change de fusil d’épaule. La solution toute trouvée est de forcer le passage et imposer un troisième mandat aux Sénégalais, quand bien même il aurait dit à ses compatriotes, quatre ans plus tôt, qu’il en avait fini avec la présidence, conformément à ce qu’en dit la Constitution. On connait la suite. Wade se défausse, perd sa parole et force le destin en tentant le pari impossible. Comme attendu et lui-même prévenu, il est débordé dès le premier tour au sortir duquel il totalise 35% des suffrages universels. Macky Sall l’humilie au second tour et la suite n’est guère heureuse pour Me Wade. Pire, elle se conjugue en séquences détention et exil pour son fils Karim Wade, ancien tout puissant ministre d’Etat et ministre à tout faire à qui le président de père avait dit qu’il dirait à sa maman qu’il « avait bien travaillé ». De la « route vers le sommet » elle devient pour Karim Wade celle de « l’enfer ». La promesse non tenue Moins de dix ans plus tard, on entend parler d’un troisième mandat, cette fois dans le camp du Président Macky Sall, des mois après sa réélection en 2019 qui a tout aussi laissé les Sénégalais indifférents que celle de Me Wade en 2007. Certes, le principal concerné s’est gardé de se prononcer ouvertement sur la question théorisée et défendue par ses plus que proches, mais les sanctions radicales prises à l’encontre de ceux-là qui se sont clairement prononcés sur le troisième mandant en soutenant qu’il n’est pas question qu’il se présente en 2024 en ont eu pour leur grade. Pour s’expliquer, l’APR a fait allusion à la discipline de parti et interdit à tous les cadres d’en parler. Sauf que tous ceux qui en parlent, théorisent sa possibilité en soutenant que la Constitution le lui permet. Une Constitution qui a été revisitée et validée, rappelons-le, par le Oui des Sénégalais à l’occasion du référendum du 20 mars 2016. Ce qui emmène à croire que les Sénégalais à qui l’on a opposé au profit d’avis du Conseil constitutionnel le droit de trancher par voie référendaire la possibilité pour leur président d’exercer sa fonction en 5 ans comme il l’avait promis en 2012 et non 7 ans comme le disait la Constitution, ont non seulement raté l’occasion de s’exprimer et de dire ce qu’ils en pensent, eux qui se situent au-dessus de la Constitution, mais qui, pire encore, se sont vus manipulés pour donner droit à un troisième mandat légalisé par leur Oui voté au référendum. On peut effectivement le supposer et dire qu’en disant Oui aux 15 points soumis au vote du référendum de mars 2016, les Sénégalais ont également dit Oui à Macky Sall pour une troisième candidature pour un deuxième mandat de 5ans renouvelable une seule fois, ce qui n’a rien à voir avec le premier mandat de 7 ans, puisque la nouvelle Constitution ne connait pas cette durée de mandat. Voilà comment le tour serait joué et comment le Président Macky Sall pourrait revenir en 2024 pour un nouveau mandat. Reste que tout ça est assez gros pour être avalé sans réaction et c’est là que le Président Macky Sall prend rendez-vous avec son peuple et avec l’histoire. Le pire ou le meilleur pour nous autres est que 2024 est déjà là et ça personne d’entre nous ne le prévoyait à moins qu’il fut dans les plans depuis 2015 et 2016 lors de l’élaboration des points devant être soumis aux Sénégalais pour le référendum. Quoi qu’il en soit, nous sommes sur des braises. Maderpost / Charles FAYE ]]>
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