Dans le cadre de la lutte contre le Coronavirus, des chercheurs du Laboratoire de Traitement des Eaux usées de l’Institut fondamental d’Afrique (Ifan), et du département de Génie Chimique et Biologie Appliquée de l’école supérieure polytechnique (Esp), en partenariat avec d’autres institutions, ont initié un programme de détection du virus dans les eaux usées. Ils sont en train d’expérimenter cette technique dans les eaux usées de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad). RECHERCHE – Jusqu’ici, le Coronavirus était détecté à travers des tests de diagnostic. On fait des prélèvements à des individus présentant des symptômes ou ayant été en contact avec des malades de Covid-19. C’est cette stratégie qui a prévalu au Sénégal, depuis l’apparition de la pandémie. Mais, depuis quelque temps, la donne semble changer. Une nouvelle stratégie de détection du virus du Covid-19 est en train d’être expérimentée. En effet, un consortium formé par des chercheurs du Laboratoire de Traitement des Eaux usées de l’Institut fondamental d’Afrique noire (Ifan), et du département de Génie Chimique et Biologie Appliquée de l’école supérieure polytechnique (Esp) en partenariat avec d’autres institutions, a décidé de traquer le Virus dans les eaux usées. Ils ont lancé, à cet effet, un programme de surveillance du virus du Covid-19 dans les eaux usées de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad). Selon leurs explications contenues dans un document parcouru par L’Observateur, le virus du Covid-19 peut être excrété par les personnes contaminées bien avant l’apparition des signes cliniques. Et il est également rejeté par les cas asymptomatiques. «Ainsi, déduisent-ils, le virus va se retrouver dans les toilettes et finir dans les eaux usées». Partant de cette hypothèse, ces chercheurs estiment que le suivi de la présence du virus dans ces eaux usées permet ainsi de détecter sa circulation dans une population donnée avant que les gens ne soient malades. Mieux, cela constitue un système d’alerte précoce. «C’est ce qu’on appelle l’épidémiologie basée sur la surveillance des déchets ou Waste Based Epidemiology en Anglais», lit-on dans le document. Démarré au mois de juillet 2021, ce programme est béni par les autorités universitaires principalement par le Recteur de l’Ucad. Et, les initiateurs de préciser que ledit programme de surveillance environnementale du Covid-19 est un outil complémentaire aux tests cliniques qui va contribuer à la prévention de la circulation du virus. «Plusieurs études ont montré que le pic de virus dans les eaux usées précédait d’une à deux semaines le pic des malades dans les hôpitaux. C’est donc un bon moyen d’anticipation et d’ajustement des moyens de la riposte. L’épidémiologie basée sur la surveillance des déchets constitue une méthode complémentaire au test clinique, pouvant fournir une approche efficace pour prédire la propagation potentielle de l’infection. Avec la quantification de l’ARN du virus dans les eaux usées, des modèles mathématiques permettent d’estimer le nombre de personnes infectées dans une zone donnée et de déterminer la prévalence de la maladie», détaille-t-on dans le document. Ainsi, il s’agira, selon les initiateurs du programme, de prélever chaque semaine, des échantillons d’eaux usées au niveau des facultés et écoles, et réaliser des tests de présence du virus. DR NOUHOU DIABY, INSTITUT FONDAMENTAL D’AFRIQUE NOIRE : «Pourquoi nous avons choisi l’Ucad» Dr Nouhou Diaby, chercheur à l’Institut fondamental d’Afrique noire (Ifan), explique, dans cet entretien à L’Obs, le programme de détection du Coronavirus dans les eaux usées qu’il a initié avec le Professeur Abdou Sène de l’Université virtuelle du Sénégal et Dr Abou Abdallah Malick Diouara de l’Ecole Supérieur Polytechnique. Vous avez initié un programme de recherche du virus du Covid-19 dans les eaux usées de l’Ucad. Qu’est-ce qui a motivé une telle initiative ? Cette initiative a été lancée par des chercheurs de plusieurs disciplines complémentaires (eaux usées, virologie, modélisation) de l’Université virtuelle du Sénégal, de l’Ecole supérieure polytechnique et de l’Institut Fondamental d’Afrique noire, avec le soutien d’autres institutions. Elle est motivée par notre souci, en tant que scientifiques d’apporter notre contribution sur toutes les questions importantes pour notre pays. La pandémie de Covid-19 est un sujet mondial et les scientifiques de notre pays doivent, à travers leurs recherches et réflexions, apporter leur contribution dans la riposte. Le programme combine une enquête socio-comportementale, la détection du virus dans les eaux usées et les surfaces, sa quantification et la modélisation des données. Il faut noter que le Sénégal a été à l’avant-garde en matière de modélisation mathématique et informatique parce que depuis le début de la pandémie, des collègues publient des articles dans des revues internationales sur le sujet. Y a-t-il un élément particulier qui vous a poussé à développer cette pensée ? Nous avons à l’IFAN un laboratoire de traitement des eaux usées. Et nous savions déjà que l’épidémiologie basée sur le suivi des déchets est un outil de suivi de certaines maladies utilisé dans le monde, par exemple la poliomyélite. Et en tant que chercheurs, nous assurons une veille scientifique. Dès le début de la pandémie de Covid-19, nous suivions les publications scientifiques sur le sujet. C’est là que nous avons lu que certains chercheurs avaient découvert que le virus peut se retrouver dans les eaux usées et que son suivi dans cet environnement est un moyen de suivre l’épidémie et de déterminer la prévalence potentielle. La connaissance de cette possibilité nous a poussé à développer ce projet dès le mois de juin 2020. Et nous avons commencé la recherche de financement pour sa mise œuvre. Pourquoi le choix de l’UCAD ? Nous pouvons dire que c’est un projet pilote pour nous. La surveillance environnementale du virus de la Covid-19 est, à notre connaissance, une première dans notre pays. Notre souhait premier était de pouvoir le faire à l’échelle de la région de Dakar, épicentre de la pandémie et d’aller vers les autres régions très touchées. Mais les ressources à notre disposition ne le permettent pas. Le programme est soutenu financièrement par le Rectorat de l’Ucad, à travers la Direction de la Recherche et de l’Innovation, car les autorités universitaires y trouvent un intérêt dans le suivi de la pandémie. Nous avons donc choisi l’Ucad comme site pilote. De plus, l’Université est un milieu particulier où il y a essentiellement des jeunes qui, souvent, sont des porteurs asymptomatiques. A l’absence de test massif, la surveillance environnementale est un bon outil pour suivre la circulation du virus dans le campus. Mais avec plus de ressources, nous pouvons mettre le projet à l’échelle de Dakar, puis à l’échelle nationale. Vous avez démarré depuis le mois de juillet, quels sont les premiers résultats de vos recherches. Nous avons commencé la campagne juste avant le départ des étudiants, nous continuons, pendant les vacances, pour voir si on note une différence et nous allons continuer à leur retour pour voir l’évolution de la tendance. A ce jour, nous avons réalisé 4 campagnes d’échantillonnage et collecté 32 échantillons sur lesquels nous avons effectué une concentration et une extraction des acides nucléiques. Sur ces extraits, nous faisons des tests PCR pour détecter le virus. Il est assez tôt pour présenter les résultats. Nous attendons de consolider les données. De plus, la recherche se fait dans le cadre d’un projet financé avec des obligations dans la manière de reporting. Dès que possible, on pourra communiquer sur les résultats préliminaires. Maderpost / L’Observateur ]]>
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