ENTRETIEN – Moins cher, plus facile à stocker, le sérum d’AstraZeneca est plus adapté à une campagne de vaccination mondiale, notamment dans les pays pauvres.
Propos recueillis par The Conversation
Le Royaume-Uni est le premier pays à avoir autorisé l’utilisation du vaccin d’Oxford-AstraZeneca afin de lutter contre le Covid-19. Ce vaccin est le deuxième à avoir reçu une autorisation des autorités sanitaires britanniques, après le vaccin de Pfizer-BioNTech, utilisé depuis début décembre 2020. Les premières vaccinations avec ce second sérum doivent avoir lieu cette semaine.
Le gouvernement britannique en a commandé 100 millions de doses, soit assez pour vacciner 50 millions de personnes [NDLR : le Royaume-Uni compte 66,65 millions d’habitants].
D’autres États vont suivre avec intérêt cette campagne de vaccination : c’est, par exemple, le cas de l’Australie ou du Canada, qui ont respectivement commandé plus de 50 millions et 20 millions de doses. Au total, ce sont plus de 2,5 milliards de doses qui ont été précommandées partout sur la planète. AstraZeneca espère pouvoir fournir d’importantes quantités de son vaccin durant le premier trimestre de l’année.
Chaque habitant du Royaume-Uni qui se fera vacciner recevra deux doses entières. Cette posologie a permis aux personnes qui ont participé aux essais cliniques d’éviter de développer la maladie dans 62 % des cas.
Cette stratégie a été privilégiée à celle consistant à injecter d’abord une demi-dose, puis une dose entière, malgré le fait que les résultats initiaux des essais cliniques suggéraient que cette seconde approche puisse prévenir la survenue de la maladie avec une efficacité de 90 %.
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Coronavirus – Les grandes promesses du vaccin britannique
Que va changer la disponibilité du vaccin d’Oxford-AstraZeneca ? Pourquoi l’autorisation accordée par le gouvernement britannique est-elle importante ?
The Conversation a interrogé Michael Head, expert en santé globale à l’université de Southampton.
The Conversation : Pourquoi a-t-on besoin de ce vaccin ?
Michael Head : À Noël dernier – le moins joyeux de l’histoire récente –, le vaccin de Pfizer, hautement efficace, nous est apparu comme une lumière au bout du tunnel lorsque son autorisation a été accordée et que les premières doses ont été disponibles au Royaume-Uni.
Mais son éclat a été atténué par divers facteurs limitants, en particulier concernant le niveau de production nécessaire pour répondre à la demande qui a émané de divers pays.
Pour prendre une image évocatrice, tout se passe comme si les dirigeants du supermarché voisin – fermé – venaient subitement d’annoncer qu’ils allaient ouvrir le magasin sur quelques créneaux horaires limités et que vous vous précipitiez pour retirer votre article avant que l’un de vos voisins s’en aperçoive.
Dans ces conditions, chacun veut être le premier à entrer pour être certain de pouvoir se procurer le dernier lot de papier toilette avant la rupture de stock – ou, dans le cas qui nous intéresse, le lot de vaccins qui permettra de protéger sa population.
En outre, les contraintes logistiques liées au stockage et au transport du vaccin de Pfizer, qui doivent se faire à très basse température, limitent également la vitesse de son déploiement au niveau national.
Pour ces raisons, nous avons besoin de multiples candidats vaccins si nous voulons réussir à satisfaire la demande. Et ce, rapidement. La disponibilité du vaccin d’Oxford-AstraZeneca pourrait s’avérer très utile pour accélérer l’extension de la couverture vaccinale – en particulier alors que les priorités ont changé au Royaume-Uni puisqu’il s’agit maintenant de distribuer au plus grand nombre de personnes possible une première dose de vaccin.
Cependant, il reste encore des inconnues, concernant, par exemple, l’efficacité de ce vaccin chez les personnes âgées ou l’augmentation d’efficacité qui pourrait être induite en allongeant le délai entre l’administration des deux doses.
En quoi ce vaccin est-il différent ?
Les trois principaux vaccins délivrent tous une partie du matériel génétique du Sars-CoV-2 dans les cellules de l’organisme, ce qui conduit ces dernières à produire des copies de « morceaux » du virus – il s’agit de la protéine Spike, la « clé » qui lui permet d’entrer dans les cellules qu’il infecte – contre lesquelles le système immunitaire va ensuite réagir.
Le vaccin d’Oxford-AstraZeneca est un sérum à adénovirus, tandis que ceux de Pfizer et de Moderna sont du type ARNm.
Les données publiées précédemment indiquaient que l’efficacité globale du vaccin d’Oxford-AstraZeneca est de 62 % lorsque deux doses sont administrées. C’est inférieur aux 94 % du vaccin de Moderna et aux 95 % de celui de Pfizer-BioNTech.
Cependant, l’administration initiale d’une petite dose puis celle d’une seconde dose complète pourraient améliorer son efficacité. Les données préliminaires de l’essai de phase 3 indiquent que cette stratégie pourrait permettre d’atteindre une efficacité d’environ 90 % chez les populations les plus jeunes.
Toutefois, selon l’agence britannique de régulation des médicaments et des produits de santé (MHRA), ces résultats n’ayant pas été « confirmés par une analyse exhaustive », il sera nécessaire d’approfondir cette question.
En se basant sur des données non encore publiées, la UK’s Commission on Human Medicines, une commission de la MHRA, suggère désormais que l’administration d’une dose unique conférerait une protection de 70 % après 21 jours. Une seconde dose augmenterait l’efficacité du vaccin, la faisant passer à environ 80 %. Cette seconde dose doit cependant être administrée 12 semaines après la première.
Le vaccin d’Oxford doit être conservé à faible température, alors que celui de Pfizer doit être conservé à très basse température ( – 75 °C) et celui de Moderna à environ – 20 °C.
La gestion et la distribution du vaccin d’Oxford-AstraZeneca seraient donc facilitées, ce qui constituerait un avantage en particulier pour les pays à faibles ou moyens revenus.
En effet, si les professionnels de santé qui exercent en Afrique subsaharienne ou en Asie du Sud-Est, par exemple, sont très compétents lorsqu’il s’agit de mener des campagnes de vaccination auprès de populations difficiles à atteindre, ils se heurtent au manque d’infrastructures permettant de maintenir les températures ultrabasses requises par les vaccins de Pfizer et de Moderna.
Qu’est-ce que cela signifie pour le reste de la planète ?
À 2 ou 3 dollars par injection, le coût de la dose du vaccin d’Oxford est beaucoup moins élevé que celui des autres vaccins de pointe. Pour les gouvernements, il pourrait donc s’agir d’une option de long terme, utilisable pour lutter contre le virus du Covid-19 une fois que cette période de lutte contre l’épidémie « quoi qu’il en coûte » sera derrière nous. Au niveau mondial, les commandes pour le vaccin d’Oxford-AstraZeneca dépassent de loin celles de ses concurrents.
Les doses de ce vaccin sont fabriquées en Europe, et pour une bonne part, en Inde. Il s’inscrit dans le cadre de l’initiative Covax, dirigée par Gavi, l’alliance du vaccin, et pourrait donc être le premier vaccin développé en Occident à être déployé à grande échelle en 2021 dans les pays à faibles et moyens revenus.
Il sera également intéressant de voir comment les vaccins développés par la Russie et la Chine sont distribués au niveau international. Pékin a en effet investi des sommes considérables dans l’amélioration de l’accès aux soins de santé sur le continent africain, sans qu’il soit clairement établi que cette politique a été menée par altruisme ou par opportunisme.
S’il est souhaitable que le problème de santé publique mondiale représenté par la pandémie de Covid-19 soit traité en tant que tel, il se pourrait que les vaccins soient instrumentalisés pour développer de nouvelles relations politiques ou réaffirmer celles qui existent déjà. Dans certaines régions du monde, certains vaccins pourraient être privilégiés par rapport à d’autres en raison de jeux d’influence politiques.
Le déploiement d’un vaccin à l’échelle mondiale sera incroyablement complexe, et divers facteurs contribueront inévitablement à son succès. L’avenir dira quel sera l’impact du vaccin d’Oxford-AstraZeneca. Cependant, dans le contexte de morosité intense qui a caractérisé l’année 2020, le fait que plusieurs vaccins efficaces soient désormais disponibles est de bon augure pour cette année qui débute.
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