Le Mali, pays complexe, s’appréhende avec beaucoup de difficultés. Tout y est sujet à spéculation. Tous les gestes et toutes les initiatives paraissent suspects aux yeux de tout le monde dans ce milieu poreux certes mais impénétrable tant les codes d’accès sont verrouillés. Depuis le 18 août, date d’éviction du pauvre IBK, la politique menée par les militaires qui l’ont évincé ne parvient pas à s’imposer. Par Mamadou NDIAYE Tantôt ondoyante, tantôt emphatique, la ligne suivie manque de clarté, de lisibilité au point que l’impatience gagne les foules qui avaient pourtant applaudi le coup de force. Entre tergiversations et empressements, les colonels ne gouvernent ni ne règnent à Bamako. L’imam Dicko, insaisissable, mord et caresse à la fois. Il tance tout le monde, parfois. Le barbu de Bamako alerte même : « je me retire dans ma mosquée mais je ne me soustraits pas du combat du peuple ». En clair, que personne ne s’aventure à l’exclure des solutions, surtout pas ceux-là qui ont fait partie des problèmes du Mali. Pour la plupart, ils sont venus « se réfugier » dans le pourtour du Comité national de Salut Public (CNSP), formant ainsi une nébuleuse aux desseins inavoués. L’absence de coordination et d’actions surprend plus d’un, notamment les émissaires de la Cedeao venus « en frères » fouettards qui, tout en s’abstenant d’ingérence dans cet imbroglio malien, n’en rappellent pas moins une règle de gouvernance et la remise en selle du président déchu sous peine d’embargo. Peine perdue. Puisque les mesures sont accueillies dans l’indifférence. Le président Macky Sall entre en scène et interfère. Il exige et obtient une atténuation de l’embargo qui frappe avant tout les populations. Son plaidoyer fait mouche. L’opinion publique l’approuve sans réserve. Résultat : le président sénégalais décroche la timbale. Il réussit à dissocier son nom du projet initial de sanctions. En sortant par le haut grâce à cette habileté diplomatique, le Président Sall déjoue en même temps le piège économique qui allait se refermer. Le Mali représente l’un des poumons du Sénégal avec le port de Dakar qui doit, en partie, son dynamisme aux flux continus de débarquements et d’entrepôts pour le compte du voisin de l’est. Priver le Mali de ses débouchés, c’est couper le Sénégal de l’hinterland tant par le rail que par la route avec le transbordement de marchandises en direction du pays des Dogons. Naturellement, Abidjan veille au grain en nourrissant le secret espoir, qu’au moindre faux pas du Sénégal, le juteux marché malien tombe dans l’escarcelle des Ivoiriens. Cette hypothèque ne se produit pas. Désormais donc, le Sénégal a un rôle proéminent dans la crise sociopolitique du Mali. Dakar a son mot à dire, même s’il ne l’affiche pas ostensiblement en raison des délicatesses de l‘échiquier politique à Bamako. Mieux, son poids économique et sa proximité géographique pèsent dans les options de l’organisme d’intégration dont la ligne d’action, ponctuée de maladresses, est pour le moins ambiguë. Du coup, l’acte et la parole de la CEDEAO décrédibilisent sa démarche qui, en se dévoilant, révèle une unité de façade à géométrie variable alors que toute hésitation est très vite exploitée par l‘ennemi resté, lui, invisible. Invisible ? Pas vraiment. Les dissensions entre la junte et le Mouvement du 5 Juin indiquent clairement que le plus dur reste à faire : construire la transition, lui délimiter un horizon inscrit dans une certaine temporalité, objet d’ailleurs de beaucoup conciliabules en ce moment, et enfin, bâtir une équipe de mission homogène mandatée pour conjurer l’affaissement démocratique du Mali perdu dans des combats protéiformes. Loin d’agir en solo, la France applaudit plutôt la prouesse du Président Macky Sall. Son invitation à Paris était dans les cartons diplomatiques, mais l’effet de dégel amorcé et plébiscité par les populations maliennes pousse Paris à rapprocher la venue du Chef de l’Etat sénégalais dans la capitale française. Agenda chargé, rencontres de très haut niveau, déjeuner en tête-tête avec Emmanuel Macron, échanges avec le patronat français à l’université d’été du MEDEF et appel à investir au Sénégal. S’il reste audible, le Président Sall le doit, à l’évidence, à l’efficience de la lutte menée contre le coronavirus. Le virologue Amadou Alpha Sall, Directeur de l’Institut Pasteur de Dakar (IPD), souligne dimanche à iRadio que le Sénégal présente un profil « honorable ». Voilà qui justifie l’offensive présidentielle en direction des investisseurs afin de les inciter à venir développer des affaires dans notre pays. L’enjeu englobe une refonte du visage du Sénégal qui se prépare à l’émergence d’ici à 2035. Les chefs d’entreprises français connaissent bien le Sénégal qu’ils étudient à la loupe à chacun des cycles de son évolution. Un moment, et par imprudence, l’ambassadeur de France à Dakar affirmait, sans trembler, que les entreprises françaises au Sénégal sont « en perte de vitesse ». Pronostic démenti par les faits et la conjoncture. Même la firme Total, qui s’apprêtait à quitter le sol sénégalais, faute de perspectives alléchantes, a fini par rebrousser chemin et reconquérir des positions enviables dans le cadre des futures exploitations des gisements gaziers et pétroliers. La situation de crise sanitaire à l’échelle mondiale a refroidi quelque peu l’ardeur des Français portés par une vision de long terme. Certains parmi eux, procèdent à des recentrages s’ils ne cèdent des actifs pour se concentrer sur les marchés dits « matures » ; Asie, Australie, Etats-Unis, Amérique latine et Europe. En revanche, la France garde le cap tout en réduisant la voilure au motif que les niches de croissance existent potentiellement. Le Sénégal reste une destination intéressante même si géographiquement il est proche de ce que les spécialistes français de la sécurité nomment « l’arc de la crise » dans le Sahel. La stabilité sénégalaise sonne ainsi comme un argument imparable dont s’est servi non sans subtilité, le Président Macky Sall pour convaincre la communauté des investisseurs français très exigeants sur les besoins de développement. Majoritairement, des entreprises françaises ont participé au très disputé projet de Train Express Régional (TER) réalisé notamment par un consortium international comprenant également des Turcs. A Engie et Thales la conception et la réalisation des infrastructures, à Alstom revient la livraison des wagons quand TSO gère les voiries. La SNCF et la Régie autonome des Transports parisiens raflent pour cinq ans l’exploitation. La rentabilité des capitaux à investir justifie le maniement délicat d’un effet de levier pour conserver encore un confiance âprement conquise. ]]>
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