Dans le communiqué du Conseil des ministres qui vient, à l’instant d’être rendu public, le président de la République «a demandé au Ministre de l’Intérieur, de mettre en œuvre, en rapport avec le Ministre de l’Environnement, un Plan national de recensement, d’audit et de sécurisation des dépôts de produits chimiques dangereux.» Les deux ministres ont déjà, sur la table, une patate chaude à gérer. ENVIRONNEMENT – Alors que l’on spécule depuis hier, sur la grande quantité de nitrate d’ammonium présente au Port de Dakar, dans la zone Mali, une autre révélation risque de faire l’effet d’une déflagration auprès de l’opinion. Contrairement aux déclarations du Haut Commandant du Port autonome de Dakar, lors de la visite organisée pour la presse (voir vidéo), le ministère de l’Environnement n’a pas été saisi à temps pour autoriser l’entreposage du produit dangereux dans un site qui serait identifié à Diamniadio. Selon le Directeur de l’Environnement et des Établissements Classés (DEEC), M. Baba Dramé, contacté par Emedia, ce n’est qu’hier, donc après la déclaration du responsable portuaire, que le ministère de l’Environnement a été officiellement saisi d’une demande d’autorisation qui a été refusée, sur toute l’étendue du territoire national. https://youtu.be/Mt_EfVLMnCU Pour faire simple, les 3000 tonnes de nitrate d’ammonium, arrivées sans que les services de l’Environnement ne soient avertis, devra quitter le sol dans les meilleurs délais. Problème : le pays de destination, le Mali, est actuellement mis sous embargo par la CEDEAO en raison de la crise politique qui y sévit, avec le coup d’État militaire survenu hier, mardi. Que faire donc du produit qui fait tant peur ? Pour la DEEC, c’est au Port de s’en occuper… Entretien .
M. Dramé, une importante quantité de nitrate d’ammonium, plus importante que celle qui a causé la double explosion à Beyrouth, est stockée présentement au Port de Dakar et le propriétaire travaillerait de concert avec les services du ministère de l’Environnement pour obtenir un agrément afin de pouvoir stocker le produit dans un site identifié à Diamniadio. Pouvez-vous dire ce qu’il en est et, éventuellement, où êtes-vous avec cette procédure ? «Il faut savoir que le nitrate d’ammonium est une substance chimique dangereuse et toutes les substances chimiques dangereuses sont réglementées par le Code de l’environnement. La nomenclature des installations classées pour la protection de l’environnement qui est le document de référence pour l’autorisation des installations classées pour la protection de l’environnement prévoit que, pour le nitrate d’ammonium, dès l’instant que l’on doit stocker une quantité supérieure à trois tonnes, on doit avoir une autorisation. Maintenant de 3 à 30 tonnes, il faudrait une déclaration. De 30 à 300 tonnes, il faudrait une autorisation avec une étude d’impact environnemental initiale. Lorsque la quantité stockée est supérieure à 300 tonnes, il faudrait une étude d’impact environnemental approfondie avec une autorisation du ministère en charge de l’Environnement et du Développement durable.» En l’espèce, on est sur une quantité dix fois plus importante que le niveau maximal. Est-ce que toute cette procédure a été respectée ? «Ce qui se passe pour le nitrate d’ammonium que l’on a stocké au niveau du port avec la société X-LOGS, c’est que le ministère de l’Environnement a reçu, hier, le 18 août 2020, à 16h15, une demande d’exploitation d’une aire de stockage de nitrate d’ammonium. Dans cette lettre, ils nous demandent une autorisation pour stocker du nitrate d’ammonium au niveau de Diamniadio, dans leur site d’une superficie de 600 m², et qu’après ils vont faire ensuite toute la procédure nécessaire en mettant à notre disposition les plans, faire ensuite une approche environnementale, etc. Nous leur avons dit non, ce n’est pas ce que prévoit la réglementation. Nous ne pouvons pas instruire un dossier qui concerne des substances dangereuses en moins de 24h. Déjà, pour l’étude d’impact environnemental et social, le délai que nous donnons pour sa réalisation, c’est 90 jours. Dans ce cas précis, en plus de l’étude d’impact environnemental et social, il faudrait faire, ce que l’on appelle une étude danger pour prévoir, en cas de déflagration, les cibles potentielles qui pourraient être impactées. Après cela, il faudrait déclencher la procédure de toutes les autorisations d’ouverture et d’exploitation d’une installation classée pour la protection de l’environnement. Vous conviendrez avec moi qu’il n’est pas possible de faire cela en moins d’une journée.» Du coup, plus de 3000 tonnes sont stockées sans que vous ne soyez avertis ? Que fera-t-on du site qui serait identifié à Diamniadio après votre refus de délivrer cet agrément ? «L’information que nous avons vue à travers les médias est qu’il y a une quantité de 3050 tonnes qui sont stockées au niveau des entrepôts de EMASE, (les entrepôts malien au Sénégal). Nous n’autorisons pas l’importation de ces produits. Nous autorisons le transport et le stockage de ces substances chimiques. Parce que, le stockage est une installation classée. Nous sommes la direction de l’environnement et des établissements classées et c’est pourquoi nous délivrons les autorisations pour les stockages. La plupart du temps, ces nitrates d’ammonium sont utilisés pour fabriquer des explosifs qui sont utilisés pour l’exploitation minière. Partout à travers le monde où il y a de l’exploitation minière, ces produits sont utilisés. Quand il s’agit d’exploitation minière, c’est le ministre en charge des Mines qui l’autorise. Mais d’habitude, le ministère des Mines met en ampliation le ministère de l’Environnement à travers la Direction de l’environnement. Mais dans ce cas précis, nous sommes un peu mis devant le fait accompli. D’après les informations que nous avons, ce produit était juste en transit et devrait être acheminé vers les mines du Mali. Mais normalement, l’on devrait nous informer quand ces produits sont importés et stockés au Sénégal. Mais ces produits en questions étaient en transit au niveau du port de Dakar. Et quand nous avons reçu la demande, nous avons répondu à X-LOGS pour leur faire comprendre que les délais ne sont pas respectés. Le ministre autorise toujours sur la base des études qui sont faites par les experts. Donc, nous ne sommes pas dans les délais. Dès lors, le ministère de l’Environnement ne peut pas prendre la responsabilité de l’entreposage de ce produit dans quelque endroit que ce soit au Sénégal. Et cette information, nous l’avons notifiée à X-LOGS. Le ministère de l’Environnement a reçu les responsables de X-LOGS pour leur notifier cela.» Quel délai a été donné au propriétaire du produit pour l’acheminer hors du territoire national ? «Nous ne leur avons pas donné de délai. Nous leur avons dit de le faire immédiatement. Pour le moment, le produit est au niveau du Port autonome de Dakar. L’endroit où il est stocké n’est pas du ressort du ministère de l’Environnement. Il appartient au Port de voir dans quelle mesure il pourrait accompagner X-LOGS pour que ces produits soient acheminés vers leur destination finale.» Sauf que la destination finale, c’est le Mali, qui est actuellement dans une situation assez tendue, avec en plus, une décision de la CEDEAO, de fermer toutes les frontières avec le pays…
«Nous souhaitons que cette situation au Mali se règle très vite. Mais ce n’est avec gaieté de cœur que nous leur demandons d’évacuer ce produit et de ne pas autoriser son stockage dès l’instant où les conditions ne sont pas remplies. L’importation de ces produits, sans pour autant aviser le ministère de l’Environnent, c’est là où se situe le problème. Si l’information était obtenue à l’avance, on aurait pu entreprendre les démarches nécessaires. Mais, on est devant le fait accompli et devant une telle situation, c’est très difficile d’autant plus que nous sommes dans une logique de prévention. Tout ce que l’on fait en matière d’évaluation environnementale et de gestion écologiquement rationnelle des produits chimiques, c’est dans la prévention des risques liés à ces produits.» Maderpost / Emedia]]>