Le Président de la République du Sénégal a fini par céder aux pressions multiformes qui, ces derniers jours, s’étaient élevées de nombreux segments de la société pour exiger l’assouplissement des mesures de restriction imposées depuis quelques semaines dans le cadre de la lutte contre le COVID 19.
Par Dr Cheikh Tidiane DIEYE
TRIBUNE – En décidant de rouvrir les lieux de culte, les marchés, les écoles et en réaménageant les horaires du couvre-feu, au moment même où la courbe de la contamination au COVID 19 connait une ascension fulgurante, le Président de la République semble donner des signaux contradictoires et montrer le visage d’un État pris dans le doute et perdant d’importantes parcelles de son autorité.
Tout en reconnaissant que le Gouvernement du Sénégal a commis de nombreuses erreurs, voire des fautes, dans la gestion de la pandémie, qui ont fini par réduire sa marge de manœuvre politique et sociale, la Plateforme Avenir estime néanmoins que l’heure est beaucoup trop grave pour tenter quelle que manœuvre que ce soit tendant à affaiblir davantage l’État et ses institutions.
Un effondrement de l’État sonnerait le glas de la Nation et de la République, ainsi que de l’idée même que nous nous faisions du vivre ensemble.
La Plateforme Avenir invite l’ensemble des communautés religieuses, socioprofessionnelles, ethniques ou confrériques à ne pas perdre de vue le fait que l’État est un Tout, qui ne se réduit pas à la somme des parties qui le composent.
La Nation Sénégalaise, ou l’idée que l’on se fait d’elle, est encore en construction et ses bases sont fragiles. L’affaiblissement de l’État, dans un tel contexte, serait une option suicidaire pour tout le monde. Car en dépit de ses imperfections et carences, lesquelles s’expliquent par la nature inversée de sa création, l’État est la seule composante rassemblant les volontés individuelles et collectives et le lieu de la construction du sentiment national qui, même s’il est encore diffus, n’en reste pas moins nécessaire pour que le Sénégal reste uni et debout.
Dans le contexte actuel, ce qui apparait comme étant une reculade de l’État ne doit pas être vue comme la victoire d’autres groupes. Elle doit être le point de départ d’une responsabilité partagée par tous. Si les lieux de culte sont rouverts, suite à la demande insistante de certaines communautés religieuses, il appartient désormais à ces dernières d’assumer aussi leur responsabilité devant Dieu et devant le peuple.
Il appartient également aux citoyens d’éviter tout relâchement et de poursuivre le combat contre le COVID en respectant, aujourd’hui plus que jamais, les mesures de protection édictées.
La Plateforme Avenir appelle le peuple Sénégalais à un Sursaut Républicain et Patriotique pour faire face à la pandémie et à ses conséquences mais aussi pour affirmer la nécessité de nous unir autour de la Nation. Faute d’une mobilisation et une remise en cause radicale de certains de nos comportements et nos modes de vie, aucun segment de la communauté ne sera épargné par les conséquences qui pourraient découler de notre irresponsable et commune démission.
La crise sanitaire liée au COVID 19 est loin d’être terminée. Compte-tenu des mesures d’assouplissement prises par le Gouvernement, il est raisonnable de croire que la pandémie pourrait connaitre une dangereuse progression dans les prochaines semaines, mettant à rude épreuves les structures sanitaires, en particulier le personnel médical, et occasionnant de nombreuses pertes en vies humaines.
Cette crise sanitaire traine aussi, dans son sillage, une crise économique qui pourrait être toute aussi dramatique, dont nous ne pouvons pas, pour l’heure, mesurer la profondeur et la durée. Dans les centres urbains comme dans le monde rural, le ralentissement ou l’arrêt des activités de production et d’échange, consécutifs à la fermeture des marchés, y compris les marchés hebdomadaires, a jeté des milliers, voire, des millions de Sénégalaises et Sénégalais dans la pauvreté et le dénuement.
Or ces métiers du commerce informel et de l’artisanat risquent d’être les grands oubliés des mesures de soutiens prévus dans le Fonds Force COVID 19 au profit des grandes entreprises.
Ces deux crises auront enfin pour effet l’instauration d’une crise alimentaire plus ou moins dramatique si les mesures idoines ne sont pas prises de manière urgente. Le marché mondial du riz, par exemple, devrait connaitre des tensions pouvant mener à une hausse soudaine et forte du prix.
Ce qui impacterait sans doute les conditions de vie au Sénégal.
De plus, à la veille d’une saison hivernale incertaine, déjà perturbée dans sa préparation par la fermeture des Loumas et les restrictions de voyages entre les régions, l’État doit mettre en place, sans délais, un véritable Plan d’Urgence pour le monde rural, loin des prévisions et choix irréalistes et impertinentes contenus dans le “Document de Sécurité Alimentaire en Riposte au COVID 19” élaboré par la Ministère de l’Agriculture.
C’est devant les grands défis que les grands peuples se dévoilent. En dépit des errements constatés, nous avons encore les moyens d’affronter la maladie et de la repousser. Nous devons rester mobiliser et ne pas baisser la garde.
Comme tous les peuples africains, nous devons tout faire pour éviter que les sombres prédictions projetées sur l’Afrique ne se réalisent. C’est aussi une question de dignité.
Fait à Dakar le 12 Mai 2020
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