Quatre heures du matin n’a pas encore fini de pointer que mère Nogaye est déjà sur pied. Sur son dos, roupille encore la petite Mbayang qui n’a pas la chance de dormir tranquillement dans un lit douillet, comme la plupart des enfants de son âge. Par Daouda MINE Mère Nogaye est, en effet, contrainte de se lever aux premières lueurs de l’aube pour chercher de quoi nourrir sa famille. Maman d’une famille nombreuse, démunie et sans soutien, elle se soucie peu de son apparence. Se faire belle est le cadet de ses soucis. Des parures, elle n’en a plus. Les rares qu’elle avait se sont retrouvées chez le bijoutier, un jour de vache maigre. Elle est habillée d’un boubou en wax déchiré à certains endroits. Un boubou usé qui lui sert de tenue de travail et sur lequel son pauvre enfant repose sa tête, innocemment. Dans le véhicule embaumé par l’odeur forte de poissons, elle et d’autres femmes sont entassées comme des sardines. Elles se disputent la place avec leurs bassines remplies de sardinelles, dorades, rougets, entre autres, qu’elles comptent vendre. L’odeur fétide de poisson et le sang qui dégouline sur la banquette ne les gênent guère. Elles discutent et rigolent ensemble, «ventilées» qu’elles sont par la fraicheur matinale. Habituées à faire ensemble le trajet, ayant toutes les mêmes motivations, le même champ d’activité et partageant le même lieu d’approvisionnement, les voilà qui se taquinent avec des rires aux éclats en cette heure où les noctambules commencent à peine à roupiller. Les premiers rayons du soleil n’ont pas encore fait leur apparition. Une bonne chose pour elles. Elles qui font une course contre la montre pour intercepter les ménagères avant qu’elles n’aillent s’approvisionner ailleurs. Ces braves dames, comme mère Nogaye, semblent s’être habituées à ce rythme. Du matin au soir, du lundi au samedi, elles empruntent le même trajet, répètent les mêmes mouvements, avec le même plaisir. Sans accorder la moindre attention aux qu’en dira-t-on. Elles sont heureuses de rentrer chez elles avec de quoi nourrir leurs enfants. Ces femmes ont pratiquement la même histoire. Si elles ne sont pas veuves, elles sont divorcées, mariés à des retraités ou hommes malades. Ce qui fait d’elles les maîtresses de maison, au propre comme au figuré. Pour bouillir la marmite, il leur faut à la fois nouer le pagne et…porter le pantalon. L’avenir de leurs enfants en dépend. La survie de leurs maris, parfois. Au moment où elles cherchent la dépense quotidienne, les autres tâches ménagères (la cuisine, la lessive…) les attendent. Une situation qu’elles gèrent avec philosophie, au quotidien, sans une once de complainte, uniquement pour le bien-être de leurs familles. Ces braves femmes, on les croise, tous les jours, dans les coins de rue, sans leur donner le respect qu’elles sont en droit de recevoir. On les regarde avec dédain parfois. On les méprise même des fois. Et pourtant, elles sont des héroïnes. Des conquérantes. Grâce à elles, des bambins sont encore dans les écoles, des retraités vivotent encore, les effluves des marmites fusent encore dans certains foyers. Elles sont des héroïnes, mes héroïnes à moi. MERCI CHERES MERES. Que Dieu vous garde ! ]]>
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