Le débat suscité par les proches du Président de la République, Macky Sall, sur la possibilité qui lui est offerte de briguer un troisième mandat en 2024 grâce à l’ambiguïté de l’article 27 de la Constitution promulguée en 2016, peut laisser croire que les Sénégalais ont été dupés sur la marchandise proposée par le référendum de la même année et auquel plus de 62% des électeurs ont oui. En droit des des contrats, en matière civile, on parlerait de manœuvre cherchant à tromper son partenaire et provoquer chez lui une erreur. Par conséquent le dol qui représente un délit civil, est, avec l’erreur et la violence, l’un des trois vices du consentement. Il est sanctionné par la nullité du contrat. Macky Sall aurait-il trompé le peuple ?
Chronique de Charles FAYE
«La durée du mandat du Président de la République est de cinq ans». Point. «Nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs ». Point. Voilà tel quel l’article 27 de la Loi constitutionnelle N° 2016-10 du 05 avril 2016 portant révision de la Constitution issue du référendum voté en mars de la même année.
Les moins calés d’entre nous, en étaient arrivés à croire que c’en était fini des jongleries républicaines et autres wax waxett désopilants. D’abord, parce que trop de sang a coulé sur le macadam en 2012, ensuite, parce que personne n’était assez dingue pour penser, un seul instant, que le Macky se taillerait la coupe patron en 2016, cousant à sa mesure l’article 27 de la Constitution, financée par nous autres Sénégalais. Trop gros !
Mais le Macky aurait-il osé ! Nous aurait-t-il bluffés ?
Il faut croire que oui ! La diarrhée verbale mandataire, déclenchée depuis mi-2019 par ses proches, nous y oblige.
Encore serait-il aisé de piger que l’actuel contexte présidentiel, assez inédit et marqué par un double cumul à la date de péremption entérinée dans le socle constitutionnel, recommanderait aux pères fondateurs de l’Alliance pour la République, de tirer le diable par queue et donc de tenter le coup du 3e mandat.
Qui de mieux placés alors que Mbaye Ndiaye ou encore Moustapha Cissé Lo, Mor Ngom et autres cadres de la première heure de l’APR, pour porter ce combat. Certes puéril, mais ô combien impératif pour la survie du parti et peut-être bien plus que cela !
L’argumentaire naissant de la prise de conscience d’une situation inique, intenable, pourtant anticipée par un certain Moustapha Diakhaté, suffit à étayer les thèses les plus folles.
L’APR serait dans la fournaise, qu’elle ne procéderait pas autrement. Les suppliques de Mame Mbaye Niang venant en rajouter à la surchauffe. Les traitres sont dans la maison. Que diable !
Au commando Mouhammed Boun Abdallah Dionne, ancien directeur de cabinet à la primature, ex-Premier ministre de monter au front. Mais oserait-il, quoique fidèle, loyal, prendre alors son courage à deux mains pour braver l’interdiction du maître des lieux et parler du troisième mandat sans bénédiction ? Qui est assez dupe pour croire une telle infamie !
Voilà comment nous replongeons dans la redondance d’un discours révolu, il est vrai un peu de mode un peu partout dans notre sous-région, bizarrement revenue aux heures de la République bananière. Mais cela ne me surprend pas, surtout depuis que la France a décidé de revenir à grands pas dans son pré-carré, pour une reprise en main de son bien noir avec fort espoir.
Reste que mon esprit éclairé, car j’ai toujours cette prétention d’intelligence supérieure et suffisamment de délicatesse pour convoquer la présomption d’innocence, je crois donc que le Macky est suffisamment outillé en matière de manœuvres pour instaurer le bluff dans sa stratégie militaire et donc privilégier le test.
Quoi de plus indiqué que d’envoyer un ballon sonde, par le plus fidèle des fidèles, dépourvu de toute ambition présidentielle ? Qui d’autre que le Brave Dionne, qui en a assez vu dans sa vie pour ne pas savoir s’effacer au nom du sacrifice ! Des hommes comme Dionne, on n’en compte pas à chaque coin de rue. Respect !
Quand on ne sait pas où l’on va, on reste où l’on est, ou rebrousse chemin. Pour ainsi dire, revenir à la case départ. 2012. Soit solliciter un nouveau mandat en 2024. Comme en 2012, 17 ans plus tôt.
D’autant que les premiers mètres cubes de gaz alimenteront les maisons. « Gas to power » oblige ! Et que les premiers barils de pétrole prenant les routes d’Atlantique, feront pleuvoir des pétrodollars, en pagaille !
Le Macky a suffisamment de raisons personnelles pour ne pas céder le fauteuil présidentiel, surtout que personne n’émerge dans les rangs de son parti liberticide. A moins que l’assurance de la sauvegarde de ses arrières et celles de la famille ne vienne de l’opposition. D’un vieil compagnon de lutte, par exemple, qui a aura avec lui les grands électeurs désabusés par toutes ces chaînes de distribution étrangères venues marcher sur les platebandes sénégalaises.
J’arrête de tirer sur les commettes, c’est peine perdue.
Comme je le disais vendredi dernier, le Macky a les allumettes en mains, à lui de décider ce qu’il en fera.