Le régime en place fonde une part essentielle de sa stratégie économique sur l’obligation fiscale afin de renflouer les caisses de l’État, de réduire le déficit budgétaire et de répondre aux besoins financiers liés aux charges courantes et aux investissements stratégiques. Cette démarche vise à consolider la souveraineté économique du pays. À cet effet, le Premier ministre, Ousmane Sonko, lors de sa Déclaration de Politique Générale (DPG) prononcée le 27 décembre 2024, a fixé pour objectif de porter le taux de pression fiscale à 20 %, contre moins de 18 % actuellement.
POLITIQUE BUDGETAIRE – Pour qu’un État puisse fonctionner efficacement, un budget annuel solide est indispensable pour faire face à ses obligations financières. Ce budget repose principalement sur les recettes fiscales, lesquelles proviennent des impôts et représentent plus de 95 % des recettes totales de l’État.
Dans un pays comme le Sénégal, où les défis et les urgences sont nombreux, le gouvernement actuel, soucieux d’affirmer la souveraineté économique, mise sur une extension de l’assiette fiscale afin de mobiliser des ressources suffisantes. L’objectif est de réduire le déficit budgétaire de plus de 5 % à 3 %, conformément aux critères de convergence définis par les huit États membres de l’Union Économique et Monétaire Ouest-Africaine (UEMOA), sous la supervision de la Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO).
Une vision fiscale ambitieuse pour une justice sociale accrue
Lors de sa DPG, le Premier ministre a exposé une vision renouvelée de la politique fiscale du Sénégal. Celle-ci repose sur des réformes destinées à renforcer l’efficacité de la collecte des recettes fiscales tout en garantissant une meilleure équité sociale. Parmi les axes prioritaires figurent l’augmentation progressive de la pression fiscale à 20 %, en conformité avec les standards de l’UEMOA, la rationalisation des dépenses fiscales, et une révision ciblée des exonérations.
« Nous enregistrons un taux de pression fiscale légèrement inférieur à 18 %, ce qui reste en deçà du critère de convergence de 20 % fixé par l’UEMOA. Notre engagement est d’atteindre ce seuil et de le maintenir durablement », a déclaré le Premier ministre.
Un nouveau directeur à la DGID pour redynamiser les recettes fiscales
Afin d’atteindre ces objectifs ambitieux, un nouveau directeur général de la Direction Générale des Impôts et Domaines (DGID) a été nommé lors du Conseil des ministres du 8 janvier 2025. Il s’agit de Jean Koné, inspecteur principal des impôts de classe exceptionnelle. Son mandat consiste à engager des réformes structurelles permettant une mobilisation accrue des ressources domestiques, une révision des exonérations fiscales, la renégociation des conventions internationales, ainsi que la réintroduction de la taxation des appels entrants.
Dès sa prise de fonction, le nouveau directeur général a exprimé sa détermination à mettre en œuvre une fiscalité plus efficace et équitable, affirmant que celle-ci constitue le socle des activités de la DGID. « Nous mettrons tout en œuvre pour relever ces défis et contribuer ainsi aux objectifs de développement national », a-t-il déclaré sur les ondes de Radio Futurs Médias (RFM).
Une stratégie fondée sur le développement endogène
Résolues à atteindre l’objectif de souveraineté économique à l’horizon 2050, les nouvelles autorités ont adopté des réformes structurantes visant à renforcer les finances publiques et à favoriser une croissance soutenue et inclusive. Le Premier ministre Ousmane Sonko a insisté sur la nécessité d’un juste équilibre entre performance fiscale et impact socio-économique, soulignant que ces réformes visent à accroître l’équité et l’efficacité du système fiscal national.
Élargir l’assiette fiscale avec le programme « Yaatal »
Dans le cadre du financement des politiques publiques, la DGID a lancé en 2020 un programme ambitieux de recouvrement fiscal dénommé « Yaatal ». Ce programme, qui s’inscrit dans la période 2020-2023, vise à relever les défis liés à la contribution citoyenne en élargissant l’assiette fiscale et en optimisant la gestion de l’assiette foncière.
Le slogan en wolof « Yaatal natt teggui yokkuté », signifiant littéralement « La contribution de tous pour un développement inclusif », traduit la philosophie de ce projet. Selon le directeur général de la DGID, ce paradigme est né d’un constat alarmant : « Trop peu de citoyens participent à l’effort fiscal, alors que chaque Sénégalais revendique le droit à des services publics de qualité. » Ce déficit de culture fiscale, associé à une perception élitiste de l’impôt, constitue un frein majeur à l’équité fiscale.
La dette fiscale des entreprises de presse : un secteur sous pression
En 2024, la dette fiscale des entreprises de presse sénégalaises s’élevait à près de 40 milliards de francs CFA. En mars 2024, l’ancien président Macky Sall avait décidé, à la suite d’une rencontre avec le Conseil des Diffuseurs et Éditeurs de Presse du Sénégal (CDEPS), d’annuler cette dette fiscale et de réduire les frais de télédiffusion (DTS) pour les médias audiovisuels.
Cependant, le président Bassirou Diomaye Diakhar Faye, lors d’une rencontre avec des jeunes reporters le 5 juillet 2024, a exprimé une position ferme en matière de justice fiscale, déclarant que ces dettes fiscales devaient impérativement être honorées. « Le chantage ne passera pas », avait-il affirmé. Face aux blocages de comptes bancaires, aux réclamations fiscales et à d’autres pressions administratives, de nombreuses entreprises de presse sont désormais au bord de l’asphyxie, illustrant les tensions croissantes entre le gouvernement et le secteur médiatique.
Maderpost / Sud quotidien