On ne peut pas dire d’un dirigeant qu’il échoue s’il n’a jamais essayé de réussir. Pourtant, c’est le cas de beaucoup de dirigeants Africains, parce qu’ils ne viennent pas au pouvoir pour régler les problèmes de leurs populations, mais pour régler leurs propres problèmes.
TRIBUNE – Bien souvent, même s’ils avaient pensé venir régler des problèmes de développement, naïveté, vanité et instinct de conservation du pouvoir les font dévier de leur chemin. C’est cela qui a fabriqué des dictateurs qui se voulaient des démocrates, à l’origine.
Par Dr Pape Demba Thiam
Avertissements
Toute ressemblance à des personnages existants ou ayant existé ne serait que fortuite, tout en confirmant l’occurrence des faits et la pertinence de l’analyse qui vous est proposée, à partir de ces mêmes faits.
Je suis malheureusement obligé de faire référence à ce que j’ai vu et vécu personnellement, pour espérer être plus explicite et donc plus pédagogique.
Merci de bien m’en excuser d’avance, en comprenant que je ne fais qu’essayer de partager de la connaissance avec ceux que cela intéresse de poser un vrai débat contradictoire qui pourrait nous aider à nous instruire mutuellement.
D’autres lecteurs qui ne sont intéressés qu’à l’invective et/ou à la polémique, pourraient simplement ignorer ce post et nous laisser discuter utilement.
Voici donc le menu de la discussion que je propose d’introduire en ces 15 points qui m’ont servi de références.
1. Quand des dirigeants arrivent au pouvoir par des méthodes d’opposition musclées, le succès final de leurs méthodes les emmène tout de suite à réprimer toute méthode d’opposition qui ressemble ou s’apparente aux leurs.
2. Quand ils ont été victimes de répression brutale, leurs premiers réflexes est de faire dans la répression plus brutale encore, parce qu’ils ont testé eux-mêmes l’efficacité de la répression.
L’exemple du bourreau : il est celui qui a le plus peur de la mort, parce qu’il la donne et sait ce que la mort veut dire.
3. Alors ils répriment davantage et plus sévèrement encore que leurs prédécesseurs, parce qu’ils ont très peur. Ils font ce qui est mal, parce qu’ils ont subi et vécu ce même mal.
C’est comme cela que la peine de mort provoque plus de crimes mortels. Parce que les malfaiteurs tuent même des forces de l’ordre, pour ne pas se faire prendre et ensuite, exécuter.
Corrélativement, ils se goinfrent de richesses et de privilèges parce qu’ils en ont été privés et ne veulent plus les perdre.
C’est à leur tour d’en jouir.
4. Ils ne supportent absolument pas la contradiction dont ils ont usé et abusé, parce qu’ils ont peur que cela serve encore une fois, à éveiller les consciences populaires, pour les placer à leur tour, dans la position de chasseurs qui deviennent des gibiers.
Et ils se comportent comme ceux qu’ils ont combattus pour arriver au pouvoir.
5. Ils s’en défendent souvent, comme s’ils ne pouvaient pas aller à leurs fenêtres, pour se voir passer dans la rue, mais leur psychologie les prédispose toujours à la vengeance et aux règlements de comptes.
Et ils le font par peur, en mettant tout sur le dos du respect de la Loi. La même doctrine de maintien de l’ordre dont ils avaient pourtant souffert, quand ils étaient dans l’opposition.
6. Cette mentalité de réflexes de conservation du pouvoir par force d’abus de pouvoir, les prédispose forcément à la défaite, tôt ou tard, parce qu’on ne développe pas un pays avec un tel modèle de pensée (paradigme).
Pire, consacrer son énergie à conserver son pouvoir par l’intimidation et la répression, les prive forcément de temps et d’énergie qui sont nécessaires pour faire dans le développement économique et social, qui seul assure vraiment la conservation du pouvoir par la satisfaction des populations.
7. Les éléments ci-dessus procèdent d’une psycho-sociologie de la pauvreté structurelle. C’est dans leur ADN.
Il faut donc absolument s’en défaire, d’abord, en ne cherchant à conserver le pouvoir que par la preuve administrée de la satisfaction réelle des besoins économiques, sociaux et moraux des populations.
Pour ce faire, il faut considérer ce qui suit.
8. D’abord, considérer que le développement économique et social endogène et inclusif est parfaitement possible, au vu des ressources abondantes et improprement exploitées.
C’est d’ailleurs, cette certitude qui fait que des populations pauvres croient dans les leaders qui disent vouloir le faire. C’est malheureusement aussi, la source de leurs désillusions qui fait couver leurs révoltes.
9. Mais de tels leaders ne pourront jamais y arriver, s’ils ne supportent pas la contradiction, ce dont ils ne devraient pas avoir peur, s’ils tiennent vraiment des stratégies, des programmes, des projets et des interventions, tous intellectuellement clairement conçus et auxquels on peut donner de la traction dans les opérations sur le terrain.
Pourquoi donc s’énerver en se faisant contredire, si on peut vraiment prouver qu’on a raison ? C’est troublant !
10. La bonne nouvelle est que même si de tels leaders n’ont pas les solutions définies aux points précédents, ils ne devraient pas avoir peur des contradictions, parce que ce sont ces mêmes contradictions qui, en étant surmontées, pourraient leur permettre de trouver des solutions aux problèmes des populations.
C’est gouverner malin !
C’est aussi comme cela que des oppositions africaines se donnaient de la substance en lisant des chroniques d’analystes indépendants et objectifs.
À leurs places, je ne me gênerais pas de promettre, si bien sûr, je suis assez humble, modeste et lucide pour comprendre que je peux m’ouvrir à l’expérience et à l’expertise de tous bords politiques et sociaux, pour trouver les solutions que je cherche.
11. Évidemment, l’arrogance et la suffisance n’aident pas à apprendre pour arriver à ce degré de leadership.
C’est ce piège qu’il faut éviter, en essayant de faire croire qu’on a déjà toutes les solutions, ce qui n’est même pas très intelligent et cohérent, les réalités du terrain étant souvent mouvantes et contradictoires.
La modestie, oui, si on considère que les pays développés auprès desquels gouvernements, des dirigeants Africains demandent souvent de l’aide, font de la contradiction surmontée, le véritable moteur de leur développement.
C’est pourquoi il est nécessaire d’être exposé à ce qui se fait de bien dans le monde au lieu de parler de souverainisme de l’autarcie du savoir.
12. Par exemple, en Suisse, j’ai été d’abord très impressionné de constater que mon Saint-Père avait raison, en m’apprenant dès mon enfance, de ne jamais lui poser de problèmes supplémentaires, sans lui en proposer de solutions et au pluriel.
13. Ces enseignements paternels m’ont appris, dans l’entreprise privée, à avoir une culture pratique de recherche de contradictions constructives, qui fait que quand on me présente un projet, je commence toujours par demander :
a) où sont les risques et comment les diluer et ;
b) quelles sont les contraintes et comment les gérer.
C’est à cette culture que je dois d’avoir pu raccourcir les délais de préparation et de mise en œuvre réussies de plusieurs dizaines de projets et d’économiser de ressources financières, dans des institutions multilatérales de premier plan, ce qui m’a valu le titre d’entrepreneur institutionnel, dont m’avait affublé le Magazine Forbes Afrique, après avoir fait un reportage de 7 pages sur mes opérations à la Banque Mondiale.
14. C’est la même culture entrepreneuriale qui fait qu’en Suisse, les conseils d’administration ne durent pas des heures.
Parce que chacun de ses membres ayant bien étudié ses dossiers, on y vient surtout discuter des contraintes et de leurs solutions et des risques avec leurs stratégies de dilution, puisque l’opportunité et la pertinence de la poursuite des objectifs sont évidemment partagées par tous ses membres.
15. Aux États-Unis d’Amérique, j’ai eu la chance de participer à un exercice de simulation où j’y représentais la Banque Mondiale comme partie prenante, entre autres parties prenantes de toute la galaxie du monde de la politique, la sécurité, la finance, l’industrie, des services secrets etc., d’une crise mondiale, qui pourrait être provoquée par l’occupation par des rebelles, de sites d’exploitation du pétrole, en Afrique, précisément dans le Golfe de Guinée.
Un exercice de simulation qui a duré 3 jours de suite dans un grand hôtel de Washington DC et dans lequel, on a entendu toutes sortes d’analyses et de propositions qui feraient peur à entendre, mais expliquent très bien, comment des décisions graves sont prises et démontrent comment le monde est gouverné.
C’est de la même manière que, quand j’étais toujours basé à Washington DC, l’ambassadeur de Suisse aux USA faisait appel, dans le cadre de dîners conviviaux dans sa résidence, à tous les Suisses en poste dans les institutions multilatérales, les bureaux de conseils et autres entités pertinentes, pour discuter franchement, des problèmes géopolitiques et géostratégiques de l’heure, afin d’aider les autorités fédérales Suisses, à mieux former leurs opinions et à prendre des décisions plus amplement informées.
Parce qu’il faut apprendre, toujours apprendre et encore apprendre.
Pour conclure, les populations africaines seront toujours livrées à des alternances politiques déterminées par des échecs qui mènent à l’inversion cyclique inévitable des rapports de forces en termes de contrôle des moyens de la violence, si de nouveaux dirigeants qui arrivent au pouvoir ne décident pas d’une véritable rupture qui consacre l’inclusion, par l’ouverture à la diversité des idées, à la recherche des problèmes et des risques et donc, aux débats contradictoires qu’ils ont naturellement la charge de transformer en débats constructifs.
Si les pays développés le font, pourquoi pas les pays Africains très pauvres et endettés parce ne sachant pas comment gérer leurs contradictions ?
Dr Pape Demba Thiam, Economiste, entrepreneur conseil, ingénieur financier et expert en développement industriel