La décision des autorités de dissoudre l’Assemblée le 12 octobre dernier et d’organiser les législatives anticipées le 17 novembre prochain a certes ravivé la flamme politique dans l’opposition sortie Ko debout de la présidentielle du 24 mars 2024, mais aussi ouvert la porte à la violence politique depuis le début de la campagne nous laissant circonspect sur la qualité des députés et de la prochaine législature.
LEGISLATIVES – Le constat est amer et les regrets sont réels. Les Sénégalais pensaient en avoir fini avec ces images de violences, à savoir les attaques sauvages des convois et les incendies. Il n’en est rien.
Insultes, appels aux armes, attaques, incendies criminels, discours au ras des pâquerettes, rien n’est oublié. La pauvreté du discours, l’inconsistance des offres sont au rendez-vous. Et pourtant, ce ne sont les attentes qui manquent du côté des Sénégalais et plus particulièrement des électeurs qui auraient aimé apprécié les offres et discours afin de voir dans quelles directions ils feront tourner les sièges du Parlement dont les enjeux sont pour ce qui concerne les autorités de remporter la mise pour s’assurer une majorité confortable à l’hémicycle et pour l’opposition, de prendre sa revanche, en vue de s’asseoir sur le fauteuil présidentiel de l’Assemblée nationale et imposer la cohabitation avec les conséquences que cela implique.
Si la connaissance et la compréhension des enjeux semblent évidentes pour les électeurs, il n’attendent pas moins de leurs futurs députés des démarches et réponses concrètes liées aux enjeux économiques, sociaux et politiques.
D’aucuns sont convaincus que le Sénégal ne peut pas éviter le fameux plan d’ajustement structurel. D’autres ce demandent où va-t-on avec l’évolution de la dette dont certaines, les eurobonds ou euro-obligations et les placements privés échoient en 2031.
Après 7 mois, les nouvelles autorités comptabilisent 1400 milliards FCFA de dettes, dont un eurobond de 750 millions de dollars en juin dernier et un placement privé de 300 millions de dollars levés en ce mois d’octobre.
Pour s’en expliquer, les autorités soulignent la faiblesse des possibilités domestiques et la fermeture des robinets du FMI. Mais l’heure n’est pas grave au regard de la confiance du marché financier international de la dette envers le Sénégal, même si les taux d’intérêt largement plus élevés que les emprunts conventionnels, font peur sans compter l’obligation des paiements intégraux à la date butoir.
Quand l’on sait que les dettes se payant en devises peuvent faire les frais de fluctuations même si la parité CFA/Euro est fixe, on reste circonspect. Voilà autant de questions sur lesquelles on aurait aimé voir les futurs députés se prononcer, comme l’emploi des jeunes par exemple.
Emploi des jeunes et relance économique
Comment les futurs députés pourront-ils influencer le gouvernement afin qu’il mette en place un cadrage efficace et un accompagnement optimal nécessaires aux entreprises pour la création des emplois durables pour les jeunes et relancer l’économie après ce qui s’apparente bien à une crise ?
Il est évident qu’un plan de développement centré sur l’entrepreneuriat des jeunes, le soutien aux PME, la modernisation de l’agriculture et l’encouragement des investissements étrangers tout en favorisant la formation professionnelle serait le bienvenu.
Comme il est heureux d’ailleurs de constater qu’en visite officielle en Türkiye, le Président Bassirou Diomaye Faye a été reçu par son alter ego turc, Erdogan, en présence du ministre de l’Agriculture et des Forêts M. Ibrahin Yumakli ainsi que de la ministre de la Famille et des Services sociaux, Mme Mahinur Özdemir Göktas, et le ministre du Trésor et des Finances, M. Mehmet Simsek.
Des rencontres sur lesquelles devraient s’arrêter justement les futurs députés parce qu’elles portent un intérêt certain et auront une suite.
Outre l’accompagnement économique que Diomaye attend d’Ankara, il a aussi exprimé à Erdogan un renforcement dans le cadre de la défense. De ce qui précède, quel apport favorable sans compromission d’Ankara les futurs députés devraient-ils être en mesure de défendre, d’expliquer ou de dénoncer aux électeurs.
Le larron faisant l’occasion, ils pourraient pousser encore plus loin pour dire dans quelle mesure une coopération bilatérale avec Ankara pourrait favoriser l’accès aux services de base, à savoir l’éducation en partie toujours sous abris provisoires, la santé devenue un casse-tête financier, l’eau de plus en plus en rase motte et l’électricité chère payée pour laquelle le FMI demande au gouvernement de sursoir progressivement à la subvention et de nous saigner proprement.
Comment les députés vont-ils nous aider à améliorer l’accès à tout ce qui précède et pour tous.
Comment vont-ils amener le gouvernement à s’engager à investir dans des infrastructures modernes et à valeur ajoutée dans les zones rurales, tout en renforçant la gouvernance locale afin de mieux gérer les services publics. Parce qu’il est grand temps que la décentralisation et la déconcentration prennent leurs véritables sens après leur atterrissage parachuté.
Cela est valable pour la gestion des ressources naturelles, notamment le gaz, le pétrole, l’or, le zircon, les phosphates et autres minerais qui ont fait le bonheur de l’ancien régime accusé à tort ou à raison de les péchés d’Israël.
En effet, quel sera le vote politique du futur député pour assurer une gestion transparente et équitable des ressources naturelles du Sénégal. La transparence et la responsabilité dans la gestion des revenus du pétrole et du gaz, avec une part des revenus directement investie dans les infrastructures locales, la santé et l’éducation. Voilà autant de choses qu’on aurait aimé entendre, sans oublier la lutte contre la corruption dont on parle beaucoup, toujours, jusqu’à aujourd’hui d’ailleurs.
Lutte contre la corruption
Comment nos futurs députés comptent-ils mener leur lutte contre la corruption au sein des institutions publiques et du gouvernement ? La déclaration du Premier ministre le 26 septembre 2024 selon laquelle l’administration Sall trafiquait non seulement les chiffres, mais encore se servait bien dans la caisse publique a montré les limites aussi bien du juge des comptes que de l’hémicycle puisque tout le monde n’a vu que du feu.
Le renforcement des institutions de contrôle comme la Cour des comptes, l’Ofnac et une application stricte des lois anticorruption doivent être l’un des chevaux de bataille des députés afin que le Sénégal nage enfin dans les eaux d’une plus grande transparence dans les marchés publics et les décisions publiques.
Les dernières sorties de Birahim Seck du Forum civil doivent inspirer. La même attention doit être portée sur la question de sécurité et du terrorisme évoquée ce jeudi par le Président Bassirou Diomaye Faye à Ankara.
Sécurité et terrorisme
Le Sénégal qui est sorti vendredi dernier de la liste grise du GAFI a tout à gagner si les députés facilitent grâce à leurs solutions le renforcement de la sécurité nationale et la lutte contre le terrorisme dans la sous-région, qui flirte avec nos frontières.
D’ailleurs, c’est de manière implicite que Diomaye a demandé à Erdogan d’accompagner le Sénégal dans le renforcement du domaine de la défense. De là à dire qu’il a demandé une assistance militaire il n’y a qu’un pas.
Justement, les députés sont aussi attendus le renforcement des capacités des forces de défenses et de sécurité, avec à la limite une coopération régionale accrue pour partager les renseignements – qui marchent très bien avec le Maroc -, sans oublier les politiques de prévention de la radicalisation qui prend de plus en ses aises au Sénégal. Et il y a beaucoup à dire sur ce dernier registre dont l’un des remèdes se trouve être l’éducation. Et qui parle d’éducation au Sénégal parle de l’enseignement catholique confronté depuis quelques années à la question du voile.
Il est clair que le Sénégal ne peut manquer le rendez-vous des réformes, structurelles. Justement qu’est-ce qu’en pensent les futurs députés ? On aurait aimé le savoir.
Réforme de la Constitution et décentralisation
Va-t-on vers des réformes constitutionnelles ? La question mérite d’être posée surtout après que la question de limitation du mandat présidentiel a été posée par l’ancien président, Macky Sall et bon nombre de ses partisans candidats aujourd’hui à la députation.
Par ailleurs, que pensent ces mêmes futurs députés de la décentralisation.
A ce jour, nous n’avons rien entendu, même pas un engagement à respecter et à renforcer les dispositions de la Constitution, notamment la limitation des mandats, le renforcement de la décentralisation afin de donner plus de pouvoir aux collectivités locales dont le Haut conseil a été récemment décapité. On a rien entendu à ce sujet, comme nous n’avons rien entendu sur l’environnement et le changement climatique. Sait-on seulement de quoi il s’agit dans le monde d’aujourd’hui : montée des eaux, pluies diluviennes, crues, etc.
Environnement et changement climatique
Il aurait été appréciable d’entendre des propositions dans le cadre de la lutte contre les effets du changement climatique et de la protection de l’environnement de notre pays dont le front littoral est à la merci de l’avancée de la mer.
Faut-il aller vers une adoption de politiques de reforestation comme s’exerce à le faire l’Arabie Saoudite avec une clôture de plusieurs centaines de kilomètres qui va accueillir 9 millions de personnes ? Faut-il assurer une plus grande protection des côtes sénégalaises ? Enfin comment les futurs députés comptent-ils aider le pays à aller à la transition vers les énergies renouvelables même si le gaz et le pétrole sont là et à une meilleure gestion des déchets desquels on peut tirer profit ?
La décharge de Mbeubeuss n’est-elle pas une mine … d’or comme peut le prétendre Kedougou, la région la plus riche du Sénégal et non moins la moins servie. Que pensent nos futurs députés de l’inclusion sociale, des droits des minorités. Il n’y a pas que des musulmans et chrétiens au Sénégal, il y a aussi les animistes qui sont des Sénégalais aussi.
Inclusion sociale et droits des minorités
Que demandent nos députés dans le cadre de la promotion de l’égalité hommes/femmes, qu’entendent-ils de la protection des droits des minorités et surtout l’inclusion des personnes handicapées, particulièrement les enfants handicapées pour qui on a oublié de faire des rampes dans les cours et autres passages pour leur faciliter l’accès à l’école, dans les classes, les toilettes, etc.
Sur cela aussi, on n’entend rien. Ni politiques de quotas pour la représentation des femmes dans les sphères décisionnelles, encore moins des programmes de soutien aux personnes handicapées et des mesures contre la discrimination.
Quand on a réussi à détourner le Centre Talibou Dabo de sa vocation et de ses objectifs, on se demandent où étaient leurs prédécesseurs. Est-ce leur cas ?
Enfin, il y a le dialogue politique et la stabilité et au vu de la violence qui a pris ses quartiers dans cette campagne électorale, à quoi bon en parler, mais enfin, demandons-leur ce qu’ils en pensent.
Dialogue politique et stabilité
La violence qui caractérise la politique au Sénégal, depuis plusieurs années, nous amène à demander aux futurs députés comment ils comptent contribuer à l’apaisement des tensions politiques, à assurer la stabilité du pays, et favoriser la Destination Sénégal.
Militent-ils pour un dialogue inclusif avec toutes les forces politiques et sociales ? Jusqu’ici, rien ne le montre. Seul le Président Diomnaye, qui n’est pas dans la course, a mis sur la table les termes de référence pour une campagne apaisée voire en « fête ».
Il aurait été heureux et il serait toujours bienvenu que les futurs députés parlent de la mise en place de mécanisme de médiation et de respect des règles démocratiques pour éviter les crises.
Cela nous aurait épargné 2021 et 2023. Ne remuons pas le couteau dans la plaie, ce d’autant qu’une amnistie que personne ne respecte est passée par là.
Enfin sur la justice, le juge de liberté, le pouvoir exorbitant du procureur de la République, que disent-ils. Il y a tellement de questions, de propositions sur lesquelles on aurait aimé entendre s’exprimer les futurs députés ?
Il ne nous reste plus qu’à souhaiter qu’ils soient engagés, sincères, capables de nous apporter des solutions concrètes, d’examiner avec parcimonie, rigueur et vigueur les projets de loi, les Lois de finance initiale et rectificative, la loi de règlement. De renforcer la transparence, la démocratie et la justice sociale.
Maderpost / charles Faye