Alors que les relations entre les juntes au pouvoir dans les pays membres de l’Alliance des États du Sahel (AES) et les puissances occidentales ne cessent de se détériorer, l’ours russe multiplie les initiatives économiques pour renforcer son influence dans la région.
RUSSIE/AES – Après les accords de coopération sécuritaire signés avec les pays membres de l’Alliance des États du Sahel (Mali, Niger et Burkina Faso), qui se sont notamment matérialisés par l’envoi d’instructeurs et de matériel militaire pour aider les forces armées locales à enrayer la poussée des groupes djihadistes, la Russie intensifie sa coopération économique avec cette organisation qui incarne une survivance du fédéralisme ouest-africain datant des époques des empires « Wagadou », « Manden » et « Songhaï ».
La dénonciation des accords de coopération militaire et économique avec les puissances occidentales et la révocation des permis de plusieurs entreprises minières étrangères, dont la compagnie française Orano et la société canadienne GoviEx, au nom d’une politique de réappropriation des ressources naturelles, ont ouvert un boulevard aux entreprises russes.
En terrain conquis, celles-ci multiplient depuis plusieurs mois la signature d’accords et de contrats dans des domaines qui vont des énergies renouvelables à la transformation des produits agricoles et des minerais, en passant par le nucléaire civil et l’aérospatial puis les nouvelles technologies.
Les derniers projets en date ont été annoncés le 28 octobre par la présidence malienne à l’issue d’une audience accordée par le général Assimi Goïta président de la Transition, à une délégation russe conduite par le président du conseil d’administration du groupe russe Yadran, Irek Salikhov.
Ce conglomérat, qui opère notamment dans l’extraction et la transformation de produits pétroliers, la gestion des projets d’infrastructures industrielles et la gestion des déchets, prévoit de construire une raffinerie d’or et une usine de transformation de coton au Mali.
« Des accords ont déjà été établis entre le groupe de sociétés Yadran et la République du Mali pour définir les grandes lignes de coopération […] Les projets incluent la construction d’une raffinerie d’or, l’approvisionnement en produits pétroliers, et la création d’une usine de transformation du coton », a déclaré M. Salikhov, indiquant que la signature officielle des accords est prévue prochainement.
Vers une rivalité entre puissances émergentes ?
Fin mai 2024, des entreprises russes ont également entamé la construction d’une centrale solaire d’une capacité de 200 MW, à Sanankoroba, près de Bamako.
Cette installation, qui s’étendra sur 314 hectares, devrait augmenter de 10% la production d’électricité dans le pays.
Des accords de coopération portant sur la construction de centrales nucléaires ont été par ailleurs signés avec le Mali et le Burkina Faso. Le groupe russe Rosatom a aussi conclu des accords de formation dans le domaine du nucléaire civil avec les deux pays.
Au Niger, Rosatom cherche à prendre le contrôle d’actifs d’uranium qui étaient détenus par le français Orano au Niger, selon une information rapportée le 3 juin dernier par Bloomberg, qui cite différentes sources à Moscou et au siège de l’Agence internationale de l’énergie atomique à Vienne en Autriche.
Sur un autre plan, le Mali, le Niger et le Burkina Faso envisagent de développer un satellite de communication commun en collaboration avec l’agence spatiale russe Roscosmos, dans le but d’améliorer les services de télécommunications (téléphonie et Internet haut débit, diffusion radiophonique, communications sécurisées, etc.) dans les zones difficiles d’accès et aux infrastructures non développées.
Dans ce cadre, les trois pays ont signé un protocole d’accord avec Glavkosmos, une filiale de Roscosmos, pour la formation de personnel aux activités spatiales.
Alors que les puissances occidentales ont été mises sur la touche par les militaires au pouvoir, l’extension de l’influence russe dans l’AES risque cependant de placer Moscou dans une situation de compétition avec d’autres puissances émergentes telles que la Chine et la Turquie qui lorgnent notamment les ressources minières et les contrats de construction d’infrastructures dans la région.
Pékin a par exemple signé en septembre dernier, des accords avec les autorités maliennes dans les domaines de déploiement des infrastructures numériques, de l’énergie solaire et de l’armement, alors qu’Ankara a conclu les accords d’exploration de minerais avec le Niger tout en renforçant ses liens avec le Burkina Faso dans le domaine de la défense.
Maderpost / Agence Ecofin