Le secteur de la presse sénégalaise est à la croisière des chemins. Déjà frappée de plein fouet par les évolutions technologiques et les nouvelles pratiques de consommation qui ont fait émerger un nouveau support : internet qui a modifié le paysage de l’information, la presse sénégalaise fait aussi face aux obligations fiscales.
PRESSE – Haro ! La presse étouffe. Tenaillée par ses deux pinceaux, il urge de dialoguer pour trouver des solutions structurelles afin de sortir le 4e pouvoir de l’ornière. Pour ce faire, des journalistes prônent une « intelligence fiscale » et une « réorganisation ».
Alassane Samba Diop appelle à une souveraineté de la communication et de l’information, à un changement profond de paradigme et de modèle économique. Le directeur général de Emedia était l’invité de « Rencontre médiatique » de Charles Faye sur Mader TV.
« Puisque le mot souveraineté est à la mode, il nous faut aussi une souveraineté de communication et de l’information. Aujourd’hui si Canal+ ferme son bouquet, le Sénégal n’aura pas accès à la TV parce même la télévision numérique terrestre (TNT) n’est pas effective. Idem pour internet avec la Sonatel » se désole-t-il.
Selon les données de l’ANSD, ce n’est pas moins de 150.000 personnes qui gravitent autour de la chaine de valeur des médias, rappelle M. Diop. Considérant qu’un travailleur sénégalais nourrit au minimum 8 bouches, c’est un million deux cent mille personnes qui sont directement impactées par cette situation que traversent les médias sénégalais. La question aujourd’hui est comment assainir le secteur de la presse pour permettre aux journalistes de se nourrir de leur travail.
« C’est bon de demander à la presse mais aussi bon de remettre à la presse ce qui lui revient »
Où en sommes-nous sur le budget à la communication pour chaque ministère que l’ancien président Abdoulaye Wade avait mis en place ? s’interroge Charles Faye. Comment cette argent est utilisée ? Autant de questions qui méritent des explications au même titre que l‘obligation fiscale des entreprises de presse.
Quid du fonds d’appui à la presse garanti par le nouveau code de la presse ? renchérit ASD. « Depuis l’adoption de la loi sur la presse, il n’y a pas de décret d’application. Cette loi permet à la presse de bénéficier de plus de 19 milliards de FCFA ».
Changer de modèle économique
En dehors de ces considérations, Alassane Samba Diop reste persuadé qu’il faut changer de paradigme et de modèle économique en allant chercher l’argent dans le digital.
« L’économie des médias se trouve dans le digital. Il faut donc réadapter le mideset, l’intelligence à internet comme le fait Médiapart qui est aujourd’hui un modèle. Elle a su révolutionner le modèle économique et s’adapter à internet. C’est là où la presse doit s’orienter parce que dans peut être 10 ans, l’écran va disparaitre. Tout sera suivi sur téléphone. La publicité classique n’est plus adaptée ». Il invite ainsi à revoir le code publicitaire de 1979 qu’il juge moins adapté à la réalité actuelle.
M. Diop suggère également l’ouverture de l’actionnariat de la presse avec les sociétés de rédacteurs (SDR) où les journalistes sont actionnaires. Cela permet de protéger les journalistes et la ligne éditoriale et empêche au patron de faire ce qu’il veut.
Par ailleurs, le Dg de Emedia propose de taxer les moteurs de recherche. « Google et les autres moteurs de recherche doivent payer les droits d’auteurs, les droits voisin et copyright comme cela se fait dans beaucoup de pays européens ». C’est inacceptable qu’ils reprennent le travail intellectuel des journalistes sans rien payer pour ensuite faire passer des publicités sur ces contenus, dixit-il.
Souveraineté
A son avis, ceci est un combat qui dépasse le Sénégal, l’Afrique doit travailler à assurer sa souveraineté de communication et de l’information pour que ses médias puissent porter sa voix.
« Pour une vision prospective, nos médias doivent parler sénégalais, parler africains. Il faut redonner à nos médias une portée universelle. C’est ce à quoi l’ancien Président de la République Abdoulaye Wade a pensé en voulant initier la Radiotélévision africaine (RTA). A l’image de France 24, Al Jazzira, CNN pour porter la voix de l’Afrique.
Alassane Samba Diop reste convaincu qu’une telle vision est possible d’autant plus que « l’outil est devenu plus léger avec les téléphones portables. C’est juste un problème d’organisation et de méthode ».
En Europe il est inacceptable que des médias africains ou arabes fassent passer des informations qui heurtent leur culture, leur façon de voir le monde. L’étau de la taxe est tellement serré sur le cou des médias étrangers qu’il est quasi-impossible de s’affirmer là-bas. C’est tout le contraire au Sénégal où on laisse les médias étrangers dire ce qu’ils veulent sans avoir à s’inquiéter. C’est là où il faut véritablement travailler pour une souveraineté de l’information et de la communication et opérer un véritable changement de paradigme.
Mohammed Khadafi l’a compris et quand il a commencé à financer Pana press pour aller vers cette souveraineté, il a été liquidé.
C’est aussi ce que le Roi du Maroc Mohammed VI essaie de faire avec APA News. C’est là la véritable rupture attendue aujourd’hui.
Alassane Samba Diop estime que c’est le moment pour Bassirou Diomaye Faye et le Sénégal de travailler à cette souveraineté de l’information en faisant de Dakar un hub. Pour ce faire, il l’invite à convoquer des assises de la presse.
Maderpost / Mamadou Ba